Tout le monde ne déteste pas la pub (apparemment)
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Tout le monde ne déteste pas la pub (apparemment)

Aujourd’hui, je vais vous parler de Netflix, encore. Promis, je ne suis pas sponsorisée (mais si jamais quelqu’un de chez Netflix passait par ici, n’hésitez surtout pas à proposer).

A la fin de l’année 2022, Netflix a lancé une offre qui a beaucoup fait parler : 6€ par mois (soit deux fois moins cher qu’un abonnement standard), mais avec un catalogue légèrement réduit et surtout, la présence de publicités avant le lancement du programme (15 à 30 secondes) et pendant (4 à 5 minutes de pub par heure, par tranches de 15 à 30 secondes). 


En voyant arriver cette nouvelle offre, ma première pensée (et celle de nombreuses autres personnes de mon entourage) a été : “ça ne marchera jamais”.

Force est de constater que j’avais tort, puisque 1,4 million de français ont déjà adopté l’offre, soit 13,7% des abonnés. Parmi ces adhérents, 3 sur 5 sont des nouveaux clients de Netflix. L’offre rencontre donc un succès significatif et a permis de recruter de nouveaux abonnés.

Et puisque je ne suis pas mauvaise perdante, cette prédiction erronée de ma part me permet d’illustrer le principe de filtre de pondération


Dans l’Impact Model développé par Dynergie, un de nos principes fondamentaux est que l’adoption d’une solution dépend de la différence qu’elle fait dans la vie de son utilisateur à chaque utilisation. Cette différence s’exprime sur un ratio utilité générée/ressources consommées.

Les utilités générées sont tout ce qui est jugé utile par une personne : argent, connaissance, sérénité, joie, reconnaissance, mais aussi honte, rejet, méfiance, etc. Ces utilités sont des motivateurs de comportement. 

Les ressources consommées s’expriment principalement en termes monétaires, en temps passé, en coût écologique, et en coût émotionnel ou relationnel (je “paie” un peu de sérénité pour obtenir de l’amusement, par exemple). 


Les offres “classiques” de SVOD (de Netflix ou de ses concurrents) fonctionnent globalement de la façon suivante : 

  • Vous consommez une somme financière et du temps 
  • Vous recevez de l’amusement, potentiellement un moment de complicité avec vos proches, et les différentes émotions que peuvent vous procurer le programme que vous regardez. 


Lorsque l’utilisateur décide d’adopter cette offre “avec pub”, il décide donc :

  • Au niveau des ressources consommées, d’économiser de la ressource financière, mais dépenser plus de ressources en temps passé
  • Au niveau des utilités générées, ces publicités vont générer probablement de l’ennui (une pub, c’est rarement amusant), de la frustration (ma série est interrompue pour une pub), peut-être diminuer de ce fait l’amusement 


Et c’est là où le filtre de pondération entre en jeu.

A mes yeux, la réduction du prix n’en vaut largement pas la peine. Je ne peux pas envisager de voir mon épisode de série interrompu 8 fois pour une pub de 30 secondes, même pour “seulement” 6 euros par mois. Le confort du programme non-interrompu est nettement plus important que les ressources financières que je dépense. 

Mais pour 1,4 million de français, c’est l’inverse. Le prix peu élevé vaut largement l’inconfort des publicités régulières. 

Notre filtre de pondération n’est pas le même. Et par conséquent, notre décision d’adoption non plus. Évidemment, le filtre de pondération est fonction du but de l’utilisateur, mais aussi de son contexte : je peux me permettre de payer plus de 13€ par mois pour Netflix, je suis une énorme consommatrice de séries, j’ai l’habitude de contourner les pubs par tous les moyens à ma disposition. 


Il va peut-être vous sembler que j’enfonce des portes ouvertes (ce qui, vu ma force physique, est probablement plus sain que d’essayer d’enfoncer des portes fermées, mais passons). Mais ce “filtre de pondération” est souvent oublié lors du business design des innovations. Heureusement que je n’étais pas décideuse chez Netflix lorsque l’offre avec pub a été présentée, je m’y serais opposée en disant “ça ne marchera jamais”. De la même façon, d’autres personnes ont peut-être surestimé le succès potentiel de cette offre en affirmant que les gens accepteront forcément quelques pubs si cela leur permet de payer moins cher. 

Nous avons tous nos propres filtres de pondération, et cela influence notre façon de voir les innovations. En tant que client, ces filtres nous permettent de prendre des décisions d’achat. Mais en tant qu’innovateurs, avoir une conscience holistique de ces filtres, de leur variation potentielle et de leurs conséquences est indispensable pour bien concevoir son innovation. Votre solution peut vous sembler excellente car elle fait économiser une somme significative d’argent à vos clients; si néanmoins elle leur demande une transition organisationnelle coûteuse en temps et en énergie humaine, peut-être ne seront-ils pas intéressés, parce que le temps demandé est plus important à leurs yeux que l’argent mis en jeu. Si vous n’avez pas anticipé ce filtre, vous serez alors face à un marché non-réceptif.


Chacun des choix de design de votre innovation va passer par le filtre de pondération de vos cibles. Il s’agit donc de les identifier, et d’adapter le design de la solution en fonction, de manière itérative et globale. 

Pour répondre à ces questions, il ne s’agit pas de jouer aux devinettes. Deux démarches ont prouvé leur pertinence au cours des nombreux projets que nous avons mené : 

  • l’analyse permet d’identifier les hypothèses de filtres de pondération et l’influence des choix de business design sur ceux-ci
  • le test marché permet de vérifier ces hypothèses, et d’adapter le design en conséquence.

Si vous avez opté pour l'offre avec pub de Netflix, je serais très curieuse de connaître vos raisons en commentaire ! Pour ma part, je me suis arrêtée aux pubs Oasis d'il y a 10 ans, on ne fera jamais mieux.

Si ces questions de business design vous intéressent, ou si vous êtes face à ce type de problématique vous-même, n’hésitez pas à entrer en contact !

Florence Caghassi Jouni

accélère, déploie et finance l'innovation - experte médias - Coach de Start-up sur la vente - j'encourage la parité, l'équité et la parentalité dans mes équipes - Bénévole chez SISTA

1 ans

En France ça ne m’étonne pas que cela fonctionne pour plusieurs raisons : culturellement nous avons pris l’habitude du contenu gratuit donc payer les plateformes en France était un plus gros challenge ! En plus la pub est bien plus régulée qu’aux us et donc acceptable ! Ceci corrélé à la baisse du pouvoir d’achat et à la multiplicité des plateformes , cela permet de gérer un portefeuille d’abonnements à des plateformes à moindres coûts !

Florence Caghassi Jouni

accélère, déploie et finance l'innovation - experte médias - Coach de Start-up sur la vente - j'encourage la parité, l'équité et la parentalité dans mes équipes - Bénévole chez SISTA

1 ans

Je suis ta plus grande fan Léa Bunnens, PhD

Florence Caghassi Jouni

accélère, déploie et finance l'innovation - experte médias - Coach de Start-up sur la vente - j'encourage la parité, l'équité et la parentalité dans mes équipes - Bénévole chez SISTA

1 ans
Xavier Levesy

Founder at United Motion Ideas and Dynergie

1 ans

Vraiment très intéressant ! Accepter que les autres n’ont pas les mêmes motivations / besoins que nous permet de plus de mieux vivre en société ! Merci Léa Bunnens, PhD

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