Tout savoir sur l’achat en concubinage
Par Richard Manissier de DL | Conseils en financement immobilier
Il est aujourd’hui convenu qu’un nombre croissant de couples choisissent de ne pas s’unir en formalisant cette union par le sacrosaint mariage ou par le partenariat; les statistiques indiquent qu’environ 10% des couples faisant ménage commun vivent en union libre. Le législateur, contrairement à celui d’autres pays européens, n’a toutefois pas encore suivi le mouvement de libéralisation de la cohabitation hors mariage, en rapprochant les droits des conjoints non-mariés de ceux des époux. Pour l’instant, seule la célébration du mariage permet la reconnaissance d’une union conjugale (Code civil suisse, art. 159). Les partenaires en union libre sont ainsi toujours considérés comme des sujets indépendants au regard de la loi.
Les couples non-mariés désirant acquérir un bien immobilier doivent ainsi se poser plusieurs questions avant d’acheter.
Une fois réglé le choix du logement, le couple devra être vigilant sur son financement en tenant compte de la provenance des fonds propres, de leur répartition mais aussi du remboursement de la créance. Par exemple, si les apports de fonds propres paritaires, on pourra considérer que cet équilibre permet d’acquérir à parts égales ; il n’en va pas de même si la proportion n’est pas identique.
Nous prendrons l’exemple de Nathalie et Jean qui achètent un appartement à Genève sur la base d’un prix de CHF 1’200’000.- et pour lequel une banque octroie une hypothèque de CHF 860’000.-, le couple n’ayant pas assez de revenus pour prétendre obtenir usuellement 80% de financement, soit CHF 960'000.-. Lors de la mise en place du plan financier, les apports de fonds sont de CHF 120’000.- chacun mais un des deux acquéreurs, par exemple Nathalie reçoit en plus CHF 100’000.- de la part de son père pour clore le budget. Si les parts de propriété sont de 50% chacune, les autorités fiscales pourraient alors considérer que Jean reçoit une donation de CHF 50’000.- et, se trouvant dans la 5ème catégorie du degré de parenté, imposer à plus de 50% sur ce montant. La solution pour éviter cette taxation est alors de considérer que les parts de copropriété sont de 65% pour Nathalie et 35% pour Jean.
Un autre problème pourrait aussi être soulevé par certaines caisses de pensions, un peu plus rigoureuses que les autres, car si l’usage des avoirs LPP intervenait dans le montage financier, il faudrait que le rapport de retraits soit identique à la part de propriété de chaque bénéficiaire usant du droit accordé par l’ordonnance sur l’encouragement à la propriété du logement (OEPL).
La répartition convenue ne résout cependant pas le problème dans son entier car s’il existe des disparités importantes de revenus dans le couple, va alors se poser la question du paiement des intérêts, de l’amortissement du capital emprunté ainsi que des charges de maintenance. Si Jean travaillant à plein temps dispose d’un revenu annuel du double de Nathalie qui aurait choisi une activité à temps partiel, il devra, malgré sa disponibilité financière plus importante, ne contribuer qu’à hauteur de sa part de 35% afin de respecter les parts de copropriété.
Fiscalement, Nathalie doit déclarer 65% de la valeur locative mais pourra aussi déduire le même pourcentage des intérêts passifs et des charges admissibles; en soit cela n’est pas choquant mais manque d’efficience à la vue de son taux marginal d’imposition largement plus faible que celui de son copropriétaire disposant de plus de revenus taxables mais ne pouvant déduire que 35%.
Nous ne proposerons pas de solution toute faite, tant les cas de figure sont divers, mais peut-être qu’une répartition plus judicieuse des parts de propriété, assortie d’une négociation auprès des autorités de taxation est à envisager. Sinon, pour autant que cela soit possible, la révision du plan financier, en optant pour une mise de fonds propres réduits, compensée par un nantissement d’avoirs mobiliers, permettrait de ramener les parts du bien immobilier à la parité pour plus d’équilibre entre les parties.
En conclusion, notre conseil serait d’établir un constat des situations financières de chacun afin de répartir judicieusement les parts en fonction des incidences fiscales. De plus, pour limiter tout litige ou contestation en cas de séparation, nous encourageons l’établissement d’un contrat précisant les investissements individuels avant et pendant la durée de possession.