Traitements : la part belle à l’innovation
Un marché toujours sous tension
C’est logique : le marché des produits de traitement des bois sciés suit la courbe du volume des bois sciés. « Et ces volumes sont moindres en 2024, du fait d’une baisse de la construction, résume Thomas Cousin , responsable commercial France et Benelux chez Wolman . Le marché des produits de traitement, soumis à la réglementation européenne sur les biocides (BPR), est désormais mature. » Christophe Perrault , regional sales manager France chez Arxada , enchaîne : « La tendance de 2023 et 2024 est la volatilité, avec des pics imprévisibles de demandes d’activité entre deux accalmies.» Cet hiver, une grève dans les scieries finlandaises a occasionné « des problèmes d’approvisionnement chez certains de nos clients. À cela, s’ajoute une diminution des demandes de traitement, sur fond d’atonie du marché de la construction neuve. Le secteur de la rénovation a bien résisté. Ce coup d’arrêt impacte les volumes, même si un léger rebond se fait sentir, peut-être dû à la baisse des taux d’intérêt ». Analyse plus optimiste pour Isabelle Durieu ( DURIEU GROUPE ) : « L’engouement pour le matériau bois est notable. C’est rassurant. Il y a la place et pour le béton, et pour le bois. L’uniformité constructive n’aurait pas de sens. » Le groupe Durieu constate notamment « une préoccupation accrue de la protection et de l’entretien des ouvrages bois de la part des consommateurs finaux et professionnels (maître d’œuvre, architectes…) et un réflexe spontané de maintenance pour environ 25 % des ouvrages sur lesquels nous intervenons une première fois. L’entretien régulier des bardages n’est pas encore suff isamment bien acquis. Les particuliers comme les professionnels ont tendance à repousser l’échéance, ce qui rend l’opération de maintenance plus longue et plus coûteuse ». Si le marché de la construction neuve est en baisse, la démarche de protection de l’ouvrage neuf « est bien présente chez beaucoup d’utilisateurs – même si ce n’est pas la majorité – et le marché de la rénovation évolue positivement ». En termes de produits, sur le marché de la protection bois, on constate une propension à glisser des lasures vers les saturateurs. Quant au marché de la préparation bois, les solutions mécaniques gagnent des parts de marché, « mais les solutions techniques et efficaces gardent leur place, comme notre dégriseur biosourcé Net-Trol®200 par exemple », illustre le DURIEU GROUPE .
Cosbat déploie son traitement préventif par trempage
Insecticides, fongicides, antibleu et antitermites : #Cosbat, basé à Saint-Orens-de-Gameville (31), propose depuis 1975 des solutions de préservation du bois. Tous les produits de Cosbat sont validés par le laboratoire #Exell à Mérignac (33) et, chose inédite en France, affichent un classement A+. « C’est-à-dire qu’ils ne rejettent pas de composants organiques volatiles dans l’environnement. Nos résines encapsulent les matières actives », explique #PatriceHérail, le dirigeant de l’entreprise. De quoi répondre aux attentes des fabricants d’habitations à ossature bois. « Certes, les maisons sont passives, les isolations faites avec des laines de bois, etc. Mais au final, le particulier peut se demander à quoi servent tous ces efforts s’il faut appliquer des produits chimiques au bois. Précisons que le charpentier est quand même l’homme de l’art et responsable de la construction, il est donc impératif de traiter les bois pour assurer la décennale du constructeur », observe-t-il. Le Hexabac F1X2 5, lancé en 2018, est un traitement préventif par trempage destiné aux scieries et aux charpentiers. 230 stations de préservation du bois équipent à ce jour les clients. Les bacs de trempage sont l’œuvre des sociétés A2C et Métallerie du Sud lorrain. Cosbat fait par ailleurs évoluer sa stratégie vers la GSB, avec un produit de traitement de coupe par aérosol pour les bardages et terrasses traités en autoclave. Il s’agit, en clair, qu’un insecte ou un champignon ne vienne pas s’immiscer après un coup de scie. Le cap des 8 000 ventes a été dépassé en 2023, pour ce produit lancé en 2019. « L’aérosol est plus facile à utiliser, car il est plus léger et plus maniable qu’un bidon pour le grand public ou le charpentier. Il n’y a ni besoin de nettoyer le pinceau ni risque de renverser les contenants dans les fourgons ! » détaille #PatriceHérail. Autre proposition de Cosbat répandue en GSB, depuis sept ans : une gamme de saturateurs et de lasures à 43 % d’extraits secs, pour empêcher le grisaillement et l’humidité. Idéale pour les bois en extérieur, cette solution est active six ans après un passage de trois couches. Wolman a de son côté présenté au Carrefour International du Bois deux innovations : le Wolmanit Procolor Silvergrey, un système de prégrisaillement du bois par autoclave, ainsi que le Wolmanit Procolor Douglas, qui confère des propriétés insecticides et fongicides et harmonise ausssi la couleur du bois, couvrant les différences de teinte entre les aubiers et les duramens du douglas.
Arxada revient sur le marché du trempage classe 2
Positionnée sur les traitements préventifs, la société bâloise Arxada propose trois familles de produits. Tout d’abord, l’imprégnation en phase aqueuse de bois à base de cuivre par autoclave, de type Tanalith©. Une nouvelle formulation vient d’être mise au point. Ensuite, la Tanasote©, produit de substitution à la créosote, est utilisée pour les usages à forte sollicitation (traverses de chemins de fer, poteaux de lignes) ou encore dans les domaines agricoles et équins, gros consommateurs de clôtures en bois. « Nous montons en puissance sur ce produit, observe Christophe Perrault . Il y a une véritable volonté européenne de trouver des solutions alternatives à la créosote. » Des investissements à prévus pour augmenter les capacités de production sur le site de Huddersfield, en Angleterre. Enfin, Arxada annonce, pour la rentrée prochaine, son retour sur le marché du trempage classe 2 (charpentes, liteaux, bastaings…). « Nous allons présenter une formulation inédite sur ce type d’application nommée Resistol© », confie Christophe Perrault , évoquant « de nouvelles générations d’actifs » utilisées et un produit « prêt pour le futur, précédant les évolutions réglementaires ». Et d’ajouter : « L’Europe étant de plus en plus restrictive dans l’usage des actifs, nos clients attendent de nous des solutions performantes, conformes aux réglementations actuelles, mais aussi à venir. » En classe 3 (qui concerne les produits en contact avec l’humidité, avec des phases de séchage), Arxada propose des traitements sans cuivre, sur une base transparente. « Cela permet de jouer avec les couleurs, pour développer sa propre teinte. Cette solution n’est pas encore commercialisée en France, mais devrait l’être bientôt », glisse Christophe Perrault .
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La réglementation européenne pousse les fabricants à l’innovation
« Le défi pour tous les acteurs consiste à développer des innovations qui répondent aux exigences réglementaires et à obtenir les autorisations de mise sur le marché pour pouvoir pérenniser l’emploi des produits. Depuis dix ans, Wolman fait évoluer ses produits pour devancer la réglementation », souligne Thomas Cousin , responsable commercial. Certaines matières actives doivent désormais être retirées des formulations. Wolman a décroché une autorisation de mise sur le marché pour un produit de traitement par autoclave sans propiconazole (Wolmanit CX-8WB). « La quête est, à terme, le développement de systèmes de traitement du bois sans biocide », insiste-t-il. « Dans le domaine curatif, le contexte réglementaire nous pousse à expérimenter de nouvelles approches non biocides, ou bien associant des technologies biocides et des dispositifs de détection et/ ou de surveillance après intervention. En effet, les restrictions d’usages et de produits imposées dans le cadre du règlement européen sur les produits biocides concernent à la fois le curatif et le préventif, indique Nathalie BERGERET , responsable adjointe de l’unité Certification pôle Bois Construction à l’institut Institut technologique FCBA . En ce qui concerne les traitements curatifs du bâti contre les termites, les prestataires sont en train de revoir les services proposés jusqu’à présent, dans la mesure où l’un des produits phares, le Termidor SC, sera retiré du marché à court terme. » Parmi les alternatives possibles aux produits biocides, la marque de certification CTB-A+ a validé les traitements de bois par la chaleur : le principe étant de monter en température un volume pour atteindre 55 °C au cœur des pièces de bois infestés.
« C’est une température létale pour les larves d’insectes et xylophages. Cette technique, validée CTB-A+, commence à se développer. Elle est par exemple intéressante dans des lieux de vie ou lorsque le client ne souhaite pas avoir recours aux produits biocides. ». " La tendance de 2023 et 2024 est la volatilité, avec des pics imprévisibles de demandes d’activité entre deux accalmies." Christophe Perrault , regional sales manager France chez Arxada .
En matière de préservation, des solutions alternatives apparaissent également, en parallèle de la certification historique CTB-B+ qui atteste de la qualité des bois protégés. Il s’agit de techniques de modification physiques ou chimiques des bois, qui vont permettre de rendre le bois hydrophobe et augmentent de cette façon la durabilité biologique de l’essence concernée. Deux certifications existent aujourd’hui : CTB bois acétylé ACCOYA (modification chimique) et CTB BHT, qui concerne les bois thermotraités. Rappelons que, depuis la première directrice européenne biocide (RPB) en 2013, la liste des matières actives autorisées se resserre. « En 2012, nous comptabilisions 1 480 matières actives pour fabriquer les produits de traitement du bois. Nous sommes tombés à 480 aujourd’hui, calcule #PatriceHérail, par ailleurs élu au bureau de l’interprofession FIBOIS Occitanie . Il a fallu reformuler, réaliser des essais concluants et les présenter à l’Autorité de mise sur le marché. C’est un peu comme un “droit de travailler”, dont le coût est très élevé : 450 000 euros pour le dépôt d’une seule formule, que l’on prévoie 10 tonnes ou 450. » Thomas Cousin déclare de son côté : « Les industriels qui emploient les produits doivent prendre conscience des enjeux, et respecter avec soin les préconisations d’utilisation, à la fois pour un traitement efficace et pour ne pas polluer l’environnement. Les produits biocides sont regardés à la loupe par les autorités, et tout le monde doit jouer le jeu. » Dans un contexte réglementaire de plus en plus exigeant, l’innovation est la seule planche de salut. Wolman est par exemple en cours d’obtention de produits sans propiconazole – même si celui-ci vient d’être prolongé jusqu’en 2030, sauf pour les aires de jeux et l’ameublement. Wolman a renforcé ses investissements en R&D : environ 10 millions d’euros sont investis chaque année, dans un département R&D qui compte une quarantaine d’ingénieurs chimistes. Chez #Cosbat, la présence sur le terrain s’affiche comme l’une des valeurs cardinales de l’entreprise. « Nous sommes chez les clients le plus fréquemment possible, pour donner rapidement les renseignements demandés. La clé, alors que d’autres disparaissent, c’est le capital travail, la présence sur le terrain et la politique d’innovation. » #Cosbat pour sa part ne possède pas de service recherche et développement en interne. « Nous travaillons avec l’École de chimie de Toulouse, le Cirad [Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement] de Montpellier pour les essais et le laboratoire départemental de l’eau de Haute-Garonne. Ce dernier nous a aidés pour les prélèvements, qui sont requis, car des piézomètres sont associés aux bacs de trempage pour respecter la réglementation ICPE. Le laboratoire départemental ne connaissait pas ce métier, mais possède un savoir-faire en matière de piscines communales, d’eaux de rejet… Nous avons pu écraser la tarification en mutualisant le coût pour nos clients. »
La réglementation européenne, qui se durcit, « peut porter atteinte à la compétitivité du secteur et à l’efficacité des produits mis sur le marché. Il y avait 10 fabricants de produits de préservation du bois français en 2013. Nous ne sommes plus que trois aujourd’hui, alerte #PatriceHérail. Par exemple, la plus grosse usine de produits de protection du bois, Dyrup A/S , à Albi, a dû fermer, faute de débouchés. Or, il faut bien proposer ce type de produits. Les maisons à ossature bois, c’est le rêve d’une vie pour les gens, les charpentes doivent durer ». Thomas Cousin enchaîne : « Et nous devons rester dans un cadre économique satisfaisant. » #PatriceHérail reconnaît en outre que cette réglementation pousse les acteurs à développer une expertise, que viennent rechercher des clients et prospects extra-européens. C’est l’un des enseignements du dernier Carrefour du bois. « Nous avons été étonnés de recevoir beaucoup de visites d’Anglais et des pays de l’Afrique du Nord qui venaient chercher des produits de qualité et de la documentation. » Son explication : « Admettons le fait que les Anglais ont une fibre plus écologiste que les Français. Le classement A+ de nos produits peut les tenter, mais ils ne nous disent pas tout [sourire]. Quant aux pays d’Afrique, ils sont frappés par les effets du réchauffement climatique, avec une multiplication des insectes. Ils sont obligés de passer à la vitesse supérieure sur les solutions de traitement, d’autant plus que leurs maisons bois deviennent de plus en plus cossues. » "Les industriels qui emploient les produits doivent prendre conscience des enjeux et respecter avec soin les préconisations d’utilisation, à la fois pour un traitement efficace et pour ne pas polluer l’environnement" Thomas Cousin , responsable commercial France et Benelux chez Wolman.