Transhumanisme : L’avènement de l’homme augmenté

Transhumanisme : L’avènement de l’homme augmenté

Trouvant ses racines dans l’Antiquité, avec la quête de l’immortalité et le mythe de la fontaine de jouvence, le terme de transhumanisme a été pour la première fois utilisé par le biologiste Julian Huxley. En 1957, celui-ci définit le transhumain comme « un homme qui reste un homme, mais se transcende lui-même ». Aujourd’hui ce terme fait régulièrement les gros titres de la presse et est utilisé à toutes les sauces alimentant mille fantasmes.

Pourtant, nous sommes déjà tous augmentés. Nos smartphones, nos lunettes, nos prothèses, nos médicaments, sont autant « d’outils » qui nous ont déjà permis de rompre avec la condition humaine de nos grands-parents, à une époque difficile ou l’espérance de vie ne dépassait pas 45 ans (en 1900). Car il s’agit bien de cela : le transhumanisme, ce n’est pas seulement repousser les contraintes du handicap, de la maladie, de la souffrance ; c’est aussi la projection sur un espace de vie plus long et de meilleur qualité. Traiter la sénescence comme une pathologie, c’est le défi relevé par une équipe américaine de l’Université de Rochester qui a réussi à prolonger de 30% la vie de souris. C’est aussi le projet ambitieux lancé par Calico, filiale de Google, dont l’objectif est de faire vivre les humains plus vieux et en bonne santé physique et cognitive.

Autrefois marginalisé, ce mouvement (symbolisé H+) est désormais porté par des scientifiques, des informaticiens, des milliardaires de la Silicon Valley et il trouve écho dans de nombreux milieux intellectuels. Les soutiens financiers et l’appui de personnalités influentes ont permis un développement exponentiel de ce courant de pensée à l’échelle mondiale. Conforter par le tsunami de technologies numériques et les progrès des NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Cognitivisme) la perspective de concilier l’expérience de l’âge et la force de la jeunesse est désormais envisageable dans un futur proche.

Finalement la question du choix d’une société transhumaine ou non ne se pose même plus. Personne n’accepterait de vivre sans la médecine moderne et sans la technologie et c’est bien légitime ! De récentes innovations telles que le CRSIP, ce « sécateur » d’ADN découvert par Emmanuelle Charpentier, ouvrent de nouvelles voies d’exploration du génome et suscitent beaucoup d’espoirs dans le domaine de la cancérologie ou pour guérir des maladies rares restées pour l’instant sans traitement. Cette promesse de vaincre les inégalités génétiques se confronte pourtant à l’objection des bioconservateurs dont la crainte est d’aller vers le pire plutôt que vers le meilleur, avec en fil rouge la sempiternelle menace des dérives eugénistes et la phobie d’une standardisation de l’être humain. Le déterminisme de l’ADN n’a pourtant rien d’absolu. L’environnement, l’éducation et l’épigénétique jouent un rôle important, probablement non majoritaire, mais suffisant pour écarter l’idée d’une société composée de clones.

Sans tomber dans la technolâtrie béate qui aurait pour conséquence de tout autoriser, nous pouvons raisonnablement considérer le transhumanisme comme une conception mélioriste du progrès. Le point de singularité, ce moment critique ou la machine dépasserait l’homme, n’est pas envisageable avant au moins 2070. D’une part, les IA d’aujourd’hui même si elles sont très performantes pour réaliser des tâches spécifiques et qu’elles couvrent un grand nombre de domaines d’application, n’ont, pour paraphraser Yann Le Cun (patron de l’IA chez Facebook) « pas plus de sens commun qu’un rat ». D’autre part, la robotique évolue lentement en raison des coûts des matériaux et de l’assemblage. Nous sommes donc assez éloignés dans le temps du posthumain rêvé par Ray Kurzweil (Google) et le concept de conscience sans sujet semble, à tous les égards, assez utopique.

Anne-Laure DAVID, CEO d'iParadigme

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