Travaux sur existant : le calme après la tempête ?
Cass. 3e civ., 28 févr. 2018, n° 17-13478, publié au Bulletin
La responsabilité décennale d’un constructeur peut, on le sait, être engagée même si les travaux d’adjonction d’un élément d’équipement à un ouvrage existant ne sont pas assimilables à des travaux de construction d’un ouvrage. Il suffit qu’ils « rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ». A ce jour, la solution a été adoptée à propos de pompes à chaleur air/eau (Cass. 3e civ., 15 juin 2017, n° 16-19640, PB. – Cass. 3e civ., 25 janv. 2018, n° 16-10050, NPB), d’un revêtement de sol (Cass. 3e civ., 29 juin 2017, n° 16-16637, NPB) et d’inserts (Cass. 3e civ., 14 sept. 2017, n° 16-17323, PB. – Cass. 3e civ., 14 déc. 2017, n° 16-10820, NPB).
Une lecture pour le moins innovante de l’article 1792 du Code civil a inspiré cette jurisprudence très largement critiquée. Le présent arrêt révèle que cette lecture est réservée aux travaux d’adjonction d’un élément d’équipement. En cas de travaux de réparation effectués sur un immeuble existant, l’impropriété à destination de l’ouvrage dans son ensemble n’est pas la seule condition de la garantie décennale.
La responsabilité d’un constructeur est recherchée à la suite d’infiltrations d’eau constatées en dépit de « travaux d’étanchéité des chéneaux de la toiture d’un bâtiment avec remise en état des vitrages ». A l’appui de sa demande, le propriétaire fait valoir que des travaux d’étanchéité d’une toiture relèvent de l’article 1792 du Code civil. Cette argumentation ne suffit pas à convaincre la 3e chambre civile : « en raison de leur modeste importance, sans incorporation de matériaux nouveaux à l’ouvrage, les travaux, qui correspondaient à une réparation limitée dans l’attente de l’inéluctable réfection complète d’une toiture à la vétusté manifeste, ne constituaient pas un élément constitutif de l’ouvrage ».
L’inapplicabilité de l’article 1792 du Code civil est justifiée par référence aux critères traditionnels de l’ampleur technique des travaux et de l’incorporation de matériaux neufs. Par le passé, la mise en œuvre de ces critères a conduit à considérer que la pose d'un complexe d'isolation et d'étanchéité sur des bâtiments existants s'apparente à la construction d'un ouvrage (Cass. 3e civ., 18 juin 2008, n° 07-12977, PB), tout comme des travaux de grande ampleur destinés à restaurer l’étanchéité du revêtement d’une façade (Cass. 3e civ., 13 juill. 2016, n° 15-20512, NPB).
La seule originalité réside dans la formule proposée in fine, travaux ne constituant pas « un élément constitutif de l’ouvrage », qui s’écarte de la locution habituelle, travaux non « assimilables à des travaux de construction d’un ouvrage » (sur l’utilisation de cette formule, V. Cass. 3e civ., 4 oct. 2011, n° 10-22991, NPB. – Cass. 3e civ., 12 juin 2014, n° 13-16789, NPB). L’expression n’est pas nouvelle, puisqu’elle est reprise mot pour mot de l’article 1792 du Code civil. Elle est néanmoins déroutante, dans la mesure où les éléments constitutifs sont usuellement définis, par opposition à l’ouvrage et aux éléments d’équipement, comme des matériaux simples (ciments, plâtre, acier…) que le constructeur est chargé de transformer. Il faut sans doute comprendre que les travaux de couverture d’un ouvrage existant entrent dans le champ d’application de la garantie décennale sous réserve de l’apport, qui fait en l’occurrence défaut, de nouveaux éléments constitutifs.
Par ailleurs, également saisie au titre de la responsabilité de droit commun, la Haute juridiction trouve l’occasion de rappeler que l’imputabilité des dommages au défendeur est une condition de sa condamnation, tout comme elle est une condition de la garantie décennale (Cass. 3e civ., 8 avr. 2014, n° 13-16692, NPB. – Cass. 3e civ., 9 mars 2017, n° 16-10806, NPB). Dès lors que les fuites procèdent de malfaçons anciennes et sont « sans lien avec les travaux prévus au devis et exécutés », la demande ne saurait prospérer.
Enfin, l’obligation d’information du constructeur est une obligation relative, limitée à ce que le maître de l’ouvrage peut, en fonction des circonstances propres, légitimement ignorer (Cass. 3e civ., 5 déc. 2012, n° 11-22154 et 11-22480, NPB). En l’espèce, le propriétaire disposait d’un service de maintenance de son bien, connaissait l’état de grande vétusté de la couverture et avait sollicité le défendeur aux fins de réaliser de simples réparations dans l’attente d’une réfection complète de la toiture. Le manquement au devoir de conseil n’est donc pas caractérisé.
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6 ansC’est toujours un plaisir étrange de savoir que rien n’est définitivement figé sur cet article 1792 même après 40 ans de jurisprudence. Question : Que reste t’il encore à découvrir ? Encore merci pour l’information de qualité transmise par Racine
⭐️⭐️⭐️ Agent Général d'Assurances pour Abeille Assurances. Certifié en Risques Entreprises. Certifié en Assurance Vie et Patrimoine
6 ansUn pas en avant, un pas en arrière, un pas à droite. Un pas à gauche. Avons nous progressé ?
Gérant principal chez Amodia
6 ansBon courage les gars vous allez y arriver...