Un humain dans la ville

A travers les âges, la ville et son corollaire, l’urbanisation, ont été indissociables de l’idée de progrès : progrès technique, économique et social. Et voilà que par un renversement spectaculaire de l’Histoire, et dans un laps de temps étonnamment court, la ville a commencé à être associée à nos affres modernes : surdensité, ségrégation sociale, dérèglement climatique... Et une question émerge soudain : nos villes sont-elles encore vivables ?

Partout dans le monde cohabitent cette étrange tension : d’un côté la métropolisation qui s'accélère - en particulier dans les pays émergents - et qui promet d'être une mégatendance du XXIème siècle ; de l’autre, des populations qui aspirent à vivre dans des environnements plus équilibrés, à échelle humaine, avec une proximité plus grande des éléments naturels.

Le risque est que tout se passe comme si nos villes, en quête de fonctionnalisme et de performance, en avaient oublié leurs propres habitants. Voici donc qu'apparaît dans le paysage un persona qu'on avait souvent négligé : l'humain. A l’heure où toutes les entreprises, dans tous les secteurs, s’efforcent d’être « user-centric », les villes du XXIème siècle devront elles aussi répondre aux attentes et besoins fondamentaux de leurs utilisateurs. Certains sont universels, comme le besoin de relations de qualité avec ses semblables, le besoin de contact avec la nature, le besoin de protéger sa famille et lui assurer un avenir.

So what ? Ces considérations ne dépassent-elles pas les préoccupations des décideurs du Real Estate ? Ne sont-elles pas l’apanage exclusif des institutions publiques et des gouvernements ?

Je ne le crois pas. Pour une industrie comme la nôtre, le rapprochement historique de ces deux thèmes "humain" et "ville" pose des questions très concrètes.

C'est l'ambition du MIPIM 2020 de les poser... et d’essayer d'y répondre avec comme thématique pour cette 31e édition : The Future is Urban, and the future of Urban is Human.

Comment remettre l’usager de la ville (et pas seulement du bâtiment) dans la réflexion immobilière ? Depuis 10 ans la révolution des usages a fait son œuvre à l’intérieur des bâtiments, mais qu’en est-il dans la ville ? Prenez l’immobilier tertiaire : la journée de travail commence bien avant d’avoir passé la porte du bureau, et se poursuit après l’avoir quitté : il s’agit d’intégrer les questions de mobilités, des services autour du lieu de travail, de l’environnement végétal et des espaces de sociabilité dans les grands projets immobiliers pour améliorer « l’expérience utilisateur » globale dans la ville et pas seulement dans les murs.

Ce qui pose immédiatement une seconde question : quel est le rôle du Real Estate dans l’espace public et l’équilibre du territoire ?

Bien entendu les réponses diffèreront selon les pays et les continents. La vocation du MIPIM n’est pas d’apporter des réponses définitives ni de figer un modèle mais de laisser la parole à des grands acteurs, y compris hors de la sphère immobilière comme les fameux GAFAM, pour comprendre leur vision de cette imbrication public-privé. Que faut-il penser par exemple des initiatives Google et Microsoft et dernièrement Apple - 2,5 milliards d’investissements annoncés pour construire en Californie des logements « abordables » fléchés vers des familles modestes ou des travailleurs du secteur public – qui tentent de corriger des déséquilibres territoriaux qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer ?

Sans aller aussi loin, jusqu’où les acteurs privés doivent-ils « partager » leurs actifs et leurs services avec leur quartier immédiat : les parkings, les espaces verts, les restaurants, les espaces de réception, et même les flux d’énergie des immeubles de bureaux sont désormais de plus en plus souvent partagés avec les habitants de la ville. Cela génère à la fois des ressources et des contraintes pour le privé. Dans tous les cas celui-ci endosse concrètement une responsabilité nouvelle vis à vis de son environnement (pas écologique seulement, mais bel et bien humain).

Et demain, qui impulsera les grands mouvements de réaménagement urbain ?

En France, l’exemple du projet Réenchanter les Champs-Élysées constitue une première dans le pays, qui pourrait en inspirer d’autres – ce sont les acteurs privés, essentiellement commerçants et foncières, qui se sont unis pour proposer une ambitieuse restructuration de « la plus belle avenue du monde », qui a depuis reçu le soutien public de la Maire de Paris Anne Hidalgo. Ce projet porté par l’architecte Philippe Chiambaretta (lauréat du MIPIM Awards 2019), vise à réaménager l’avenue, ses jardins et les places de la Concorde et de l’Etoile d’ici aux Jeux 2024, avec l’objectif assumé de faire revenir les Parisiens sur les Champs-Élysées. Mais cela interroge aussi forcément sur l’articulation idéale, dans le financement et la maîtrise d’ouvrage, entre pouvoirs publics et acteurs privés.

Le MIPIM 2020 donnera la parole plus que jamais aux acteurs publics : leaders politiques, élus et responsables de collectivités territoriales viendront nous dire comment (mieux) faire vivre les humains ensemble : face à la pression foncière, comment construire des programmes et des quartiers mixtes et inclusifs ? Comment éviter une surconcentration et assurer l’équilibre global des territoires ? Quel rôle les leaders politiques assignent-ils aux acteurs du Real Estate ? Là encore, le MIPIM ne se fixe pas l’ambition de trouver un modèle parfait, mais bien de donner la parole aux « doers », aux leaders qui œuvrent dans leurs villes et leurs territoires.

Autant de réponses qui devront éclairer la route pour nous aider à construire concrètement un avenir urbain ET humain.