URBANISME ET COVID : LES NEWS

URBANISME ET COVID : LES NEWS

NOTE DE SYNTHESE SUR LE MORATOIRE DES DÉLAIS EN URBANISME 

Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19. 

Cette ordonnance vient donc modifier et compléter certaines dispositions de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période.

En instituant un titre II bis relatif aux « dispositions particulières aux enquêtes publiques et aux délais applicables en matière d’urbanisme et d’aménagement », cette ordonnance du 15 avril 2020 constitue une exception au droit commun du covid institué par la loi du 23 mars 2020 et l’ordonnance du 25 mars 2020. 

La présente note est établie sur l’ordonnance du 15 avril 2020 et pourra être modifiée si nouvelle ordonnance éventuelle.

L’ordonnance du 15 avril 2020 a ainsi introduit quatre articles 12bis-12 ter-12 quater-12 quinquiès.

1 – Les recours administratifs et contentieux à l’encontre des décisions d’occupation et d’utilisation du sol (ordonnance du 15 avril 2020)

Certains délais seront moins longs que prévus initialement. 

Les délais de recours (et du déféré préfectoral) contre les permis (PC-PD-PA) et les DP sont raccourcis (art. 12 bis) : 

« Les délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils recommencent à̀ courir à̀ compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée pour la durée restant à courir le 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours. 

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à̀ courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci ».

La première modification porte sur la date de cessation de la suspension.

L’ordonnance du 25 mars 2020 évoquait l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 mai + un mois = 24 juin 2020.

L’ordonnance n’évoque plus que la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 mai 2020, en application de la loi du 23 mars 2020.

Par conséquent, la date butoir du 24 août 2020 pour agir est supprimée. Au lieu de cela, un système de suspension/report du délai est instauré. 

Il faut ainsi noter les deux principes suivants :

. Suspension si le délai de recours a commencé à courir avant le 12 mars. 

Il repart le jour de cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est à dire le 24 mai (en l’état) et ceci, uniquement pour le solde qui lui restait à courir. 

Afin de laisser le temps de former les recours, un délai incompressible de 7 jours est laissé aux requérants si le solde restant à courir devait être inférieur. Autrement dit, tous ces recours pourront être formés jusqu’au 31 mai 2020.

·         Report si le délai n’a pas commencé à courir avantle 12 mars. 

Il commence dès lors à courir le 24 mai 2020 (pour expirer normalement le 25 juillet 2020).

Cet article 12bis remplace donc l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 en matière d’urbanisme.

Le vocable « recours » entend de manière large les recours administratifs et les recours contentieux. 

Il conviendra cependant d’être vigilant, car le débat juridique de la recevabilité du recours se poursuivra devant les juridictions administratives entre l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2002 et l’article 12bis de l’ordonnance du 15 avril 2020. 

2 – Les recours administratifs et contentieux à l’encontre des documents d’urbanisme PLU et autres (ordonnance du 25 mars 2020)

L’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020

Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. 

continue à s’appliquer aux recours administratifs et contentieux formés à l’encontre des documents d’urbanisme (PLU, SCoT) et la période doit être comprise comme étant entre le 12 mars et le 24 juin 2020, en application de l’article 1 de la même ordonnance.

I. ‒ Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 22 mars 2020. 

La date de cessation d’urgence prévue à l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 est le 24 mai 2020 plus un mois, donc le 24 juin 2020.

En cette matière, il s’agit d’un report des délais et non d’une suspension. 

3 – Demandes d’occupation et d’utilisation du sol (ADS)

3.a – Les principes d’instruction

L’ordonnance du 15 avril 2020 a institué un régime exceptionnel au droit commun du covid posé par l’ordonnance du 25 mars 2020 pour répondre aux sollicitations du monde de l’immobilier.

L’instruction des demandes d’occupation et d’utilisation du sol (PC-PA-PD-DP-CU-DAACT) est désormais soumise aux dispositions de l’article 12 ter de l’ordonnance du 15 avril 2020.

« Les délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l’urbanisme ainsi que les procédures de récolement prévues à l’article L. 462-2 du même code, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée. 

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci. 

Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l’instruction d’une demande ou d’une déclaration mentionnée à l’alinéa précèdent ».  

Le système de suspension/report est maintenu.

• Suspension pour les délais qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020 sont suspendus et recommenceront à courir pour le solde restant à compter du 24 mai 2020.

• Report pour les délais qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars et le 24 mai 2020. Ils commenceront à courir pour le délai de droit commun à compter du 24 mai 2020.

La date de reprise ou de report du délai est ainsi avancée de 1 mois, le 24 mai au lieu du 24 juin 2020.

Ainsi, ces délais partiront ou reprendront, non pas le 24 juin, mais le jour de cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est à dire le 24 mai 202 (en l’état de la loi du 23 mars 2020).

Il conviendra d’être vigilant sur le décompte du solde des jours restant à courir et qui commenceront à courir.

Le principe de considérer que l’application de cette ordonnance du 15 avril 2020 ne fait pas obstacle à l’instruction des dossiers qui ne requièrent pas la consultation des services extérieurs vaut toujours.  

Les dossiers de DP/PC de piscine, DP de clôture, demande d’extension de construction ou toute autre demande qui sont complets au dépôt et ne nécessitent aucun accord ou avis extérieur peuvent être instruits et faire l’objet d’une décision. 

3.b – Les validités et prorogations

Les demandes de prorogation des autorisations d’occupation et d’utilisation des sols en cours de validité restent soumises aux dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 étant entendues comme des formalités.

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »

Le délai de validité des autorisations d’occupation et d’utilisation des sols reste soumis aux dispositions de l’article 3 de l’ordonnance du 25 mars 2020.

« Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l'article 1er sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période :

1° Mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation ; 

2° Mesures d'interdiction ou de suspension qui n'ont pas été prononcées à titre de sanction 3° Autorisations, permis et agréments ;

4° Mesures d'aide, d'accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;

5° Les mesures d'aide à la gestion du budget familial. 

Toutefois, le juge ou l'autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu'elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020 ». 

Cela concerne les autorisations (PC-DP-PD-PA-CU) dont la validité légale de droit commun ou prorogée sur décision(s) se termine entre le 12 mars et le 24 juin 2020.

Et non les autorisations dont le délai légal de validité est clos avant le 12 mars 2020 ou après le 24 juin 2020.

3.c – Le débat juridique 

Le débat juridique persiste à ce jour – commentaires d’avocats sur la toile – concernant les dispositions à appliquer pour les délais à l’issue desquels naît une décision implicite.

En application des principes des normes de droit, l’article 12ter de l’ordonnance du 15 avril 2020 constituant une exception au droit commun du covid, ses dispositions sont opposables à tous les délais : délais d’instruction, délais d’avis, délais de complétude (trois mois pour compléter un dossier et à défaut rejet tacite) ….. 

Dans le cadre de contentieux, l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020 qui vise expressément « les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement » pourrait être invoqué comme moyen.

Il est ainsi conseillé de retenir un délai large dans le calcul des jours/mois au terme desquels une décision implicite interviendrait et de ne pas notifier de rejet implicite pour non-complétude.

Si la décision implicite constitue un accord ou une non-opposition qui aurait dû être refusée ou opposé, l’autorité compétente disposera encore d’un délai suffisant pour retirer la décision dans le cadre d’une procédure contradictoire (article L.424-5 du code de l’urbanisme).

Si la décision implicite constitue un rejet, la décision autorisant le projet ou ne s’y opposant pas et qui serait prise ultérieurement – dans le délai des trois mois de l’article L.424-5 du code de l’urbanisme – constituera une autorisation légale valant retrait implicite de la décision implicite de rejet.

3.d – Les mentions à ajouter dans les décisions notifiées avant le 24 mai 2020.

La rédaction des décisions valant autorisation/refus et non-opposition/opposition qui seront notifiées avant le 24 mai 2020 doivent comporter des mentions particulières.

• Dans le corps des visas , il importe de viser les trois textes modifiant les dispositions de droit commun du code de l’urbanisme : 

o Vu la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, 

o Vu l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période

o Vu l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 

• Avant les mentions sur les délais recours et autresportées à la fin de l’arrêté après la signature qui restent maintenues, il convient d’ajouter une phrase comme celle-ci : 

« toute question de procédure ou de délais ne commencera à courir qu’à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 22 mars 2020 ».

Cette mention pourrait être maintenue dans les décisions notifiées avant le 24 juin 2020 pour sécuriser les délais opposables dans le cadre d’un débat porté au contentieux.

Il convient de souligner que le juge administratif retiendra le délai le plus long à l’encontre de l’administration et celui le plus favorable au requérant.

4 – Quelques exemples pratiques

Une demande d’autorisation d’urbanisme déposée après le 12 mars 2020.

Les délais d’instruction y compris celui lié à la complétude du dossier commenceront à courir à compter du 24 mai 2020.

Aucun pétitionnaire ne peut se prévaloir d’une autorisation tacite au terme des délais légaux d’instruction dont le point de départ aurait dû commencer à courir à compter du dépôt du dossier.

La consultation de l’architecte des bâtiments de France qui doit être faite dans les 8 jours du dépôt du dossier doit donc être faite avant le 1er juin 2020.

La demande de pièces complémentaires et/ou la majoration des délais doit être notifiées avant le 24 juin 2020.

Par exemple : une DP déposée le 22 mars 2020 et dont le délai d’instruction est de droit commun d’un mois ne sera considérée comme tacitement obtenue le 24 juin 2020 : 24 mai (date de cessation de l’état d’urgence sanitaire) + un moisd’instruction de droit commun.

Une demande d’autorisation d’urbanisme déposée avant le 12 mars 2020

Le dossier est considéré en cours d’instruction et les délais de cette instruction sont suspendus.

Ils recommenceront à courir à compter du 24 mai 2020 pour le solde restant.

5 - Les infractions au code de l’urbanisme

Lorsque des travaux ont été entrepris ou exécutés sans autorisation d’urbanisme ou en méconnaissance d’une telle autorisation, l'autorité administrative compétente peut, après avoir invité une personne à présenter ses observations, la mettre en demeure, dans un délai qu'elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformitéde la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en cause, soit de déposer, selon le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation (article L. 481-1 du code de l’urbanisme). 

L’article 8 de l’ordonnance du 25 mars 2020 n’a pas été modifié par l’ordonnance du 15 avril 2020 et continue donc à s’appliquer à ce type de situation en prévoyant expressément que : 

« Lorsqu'ils n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l'administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er, sauf lorsqu'ils résultent d'une décision de justice. 

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci ». 

Le texte prévoit tout aussi expressément que cette suspension produit ses effets jusqu’au 24 juin 2020. Le délai en question reprendra son cours uniquement pour la durée qui restait à courir avant sa suspension. 

Enfin, lorsque de tels délais auraient dû commencer à̀ courir entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, leur point de départcommence à courir à compter du 24 juin 2020. 

L’article 8 prévoit aussi que cette adaptation des délais ne trouve pas à s’appliquer lorsque ces délais résultent d'une décision de justice.  

6 - Les DIA

Les dossiers de déclaration d’intention d’aliéner sont régis par les dispositions de l’article 12 quater de l’ordonnance du 15 avril 2020 : suspension/report selon la date de dépôt de la demande.

« Les délais relatifs aux procédures de préemption, prévues au titre Ier du livre II du code de l’urbanisme et au chapitre III du titre IV du livre Ier du code rural et de la pêche maritime, à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée pour la durée restant à courir le 12 mars 2020. 

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci. 

Les délais d’instruction des DIA (y compris les DIA SAFER) déposées avant le 12 mars 2020 sont suspendus et recommencent à courir pour le solde restant à compter du 24 mai 2020.

Les délais d’instruction des DIA (y compris les DIA SAFER) déposées entre le 12 mars 2020 et le 24 mai 2020 sont reportés et commencent à courir à compter du 24 mai 2020.

Le cabinet DRAI ASSOCIES reste à votre entière disposition pour toute information complémentaire.

Véronique GERMAIN-MOREL 

Avocat au Barreau de Marseille 

Rémi-Pierre DRAI

Avocat au Barreau de Paris

CABINET DRAI ASSOCIES – PARIS MARSEILLE FORT DE FRANCE

www.drai-avocats.fr

21.4.2020

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Rémi-Pierre Drai

Autres pages consultées

Explorer les sujets