Usine 4.0* et ressources humaines
L’usine du futur amène à repenser fortement les profils des personnes qui la composeront, avec des compétences et postures nouvelles, et à adapter en conséquence les processus RH, de la formation au recrutement avec en pivot la projection quantitative et qualitative des effectifs.
Les projets d’usine du futur se multiplient en France, dans un contexte de plus en plus favorable à la réindustrialisation. Ainsi Renault (Cléon), Airbus, Safran ou même le BCG** ont lancé, à titre d’expérimentation ou de nouvelles lignes de fabrication, leurs usines 4.0. De façon très résumée, il s’agit d’entités repensées de production, propulsées par les toutes dernières technologies, qu’il s’agisse d’intelligence artificielle, de big data, d’impression 3D, de simulations, de suply chain digitalisée ou encore et surtout de « cobots », des robots qui viennent en prolongement des êtres humains, en assistants collaboratifs des ouvriers. A noter que cette collaboration n’est pas qu'une complémentarité entre robot et humain sur des tâches similaires, l’un sera toujours meilleur que l’autre selon les situations***.
Ces nouvelles façons de travailler permettent de concevoir et fabriquer des produits plus complexes, davantage personnalisés, en intégrant des matériaux nouveaux, une prise en compte environnementale plus poussée et une productivité accrue.
Concentrons-nous maintenant sur les aspects liés aux ressources humaines de ces évolutions. De façon évidente, les compétences, gestes et postures des personnes sont amenés à évoluer, à la fois parce que davantage responsabilisées - le retour des équipes autonomes, des ilots de production, une place rendue visible dans la chaîne de valeur jusqu’au client final… et avec des tâches à plus forte valeur ajoutée – capacité d’analyse, de décision vs exécution, de supervision, de programmation… La pénibilité au travail devrait s’atténuer (et les TMS), sous réserve de la charge mentale associée. Les démarches type lean, et d’amélioration continue devraient également trouver un nouveau souffle.
Ces constats amènent plusieurs réflexions en matière de management des ressources humaines. La prévision des profils dont l’usine 4.0 aura besoin devient clé (Strategic Workforce Planning ou GPEC selon que l’on se situe en France ou à l’international, et que l’on considère ces démarches comme avant tout sociales ou orientées business). Ces projections permettent :
- Qualitativement d’anticiper les évolutions de compétences, de dresser des passerelles entre les emplois actuels et futurs, de préparer les plans de formation, d’accompagnement, de mobilité et de recrutement.
- Quantitativement le nombre d’emplois cibles, sans doute en baisse, mais avec une ampleur qu’il est très difficile d’anticiper sauf à entrer dans ces démarches dans le contexte particulier de chaque entreprise (les estimations américaines de 40% d’emplois en moins dans l’industrie en 2030 paraissent exagérées au regard de plusieurs études européennes qui tablent davantage sur 15% par entité… mais avec une augmentation globale en France liée à la réindustrialisation opérée et le rapatriement / création d’entités de production).
Sur cette base, les différentes actions sont planifiées : développement des compétences privilégiant elles-mêmes les nouvelles technologies d’apprentissage (réalité virtuelle, simulations, serious games et blended learning…), conduite du changement (expliquer le pourquoi des évolutions, associer les parties prenantes et les instances représentatives du personnel, communiquer, mobiliser…), et recrutement – avec un enjeu fort sur ce dernier point : c’est l’occasion de rebooster l’attractivité du secteur industriel pour attirer les meilleurs talents, à l’échelle nationale.
Enfin, l’implication du management est un incontournable. A usine du futur, managers / leaders nouvelle génération, acceptant de déléguer et responsabiliser, développant la coopération tous azimuts, autant coachs qu’inspirateurs, tournés à la fois vers les clients et les collaborateurs.
Notes
* ce 4.0 ne correspond pas à une incrémentation du classique 2.0, mais à la quatrième révolution industrielle (la première était la mécanisation, la seconde la production de masse, dopée par l’électricité et l’électronique, et la troisième l’automatisation)
** le Boston Consulting Group (BCG), consultants en stratégie, teste 2 lignes de production 4.0 à Saclay, qui servent aussi d’école et de retour d’expérience sur les process industriels
*** source : Fondapol
VP People and Culture, HR Director, CHRO, Head of HR, DRH
7 ansmerci Eric pour cet article. Je suis également convaincue du rôle fondamental à jouer pour la gpec dans l'accompagnement de l'usine 4.0 ! Il est plus que jamais essentiel de traduire le projet industriel en métiers et compétences et de mettre en oeuvre les plans d'actions adéquats !