VACCIN ET DEFAUT D’INFORMATION DU MEDECIN CONCERNANT UN RISQUE : QUELLE RESPONSABILITE ?
En matière de responsabilité médicale, tout professionnel de santé est tenu d’informer son patient ou les parents de ce dernier, si celui-ci est mineur « des différentes investigations, traitements ou actes de prévention qui lui sont proposés » (article L.1111-2 du Code de la Santé Publique).
Pour donner son consentement en connaissance de cause, le patient doit être informé d’une part, des risques ordinaires et fréquents et d’autre part, des risques graves même exceptionnels pour se préparer à affronter d’éventuels désagréments.
Le médecin doit donc veiller à délivrer à son patient, une information complète (loyale, claire et appropriée) sur ces risques. En matière de vaccination, le patient peut reprocher au médecin le défaut d’information sur les risques d’effets indésirables que comporte celle-ci.
A plusieurs reprises, la Cour de Cassation a eu l’occasion de se prononcer sur la proximité de la temporalité entre un vaccin contre l'hépatite B et la survenance de la sclérose en plaques.
Par une décision du 14 novembre 2018, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation (n°17-27.980), est venue réaffirmer sans ambiguïté que la responsabilité pour faute du médecin pour manquement à son obligation d’information envers son patient ne pourra être engagée que si ce défaut d’information porte sur un risque qui s’est effectivement réalisé.
Si ce risque se réalise et que le patient n’en a pas été averti, ce défaut d’information constitue pour le médecin une faute à l’origine d’une perte de chance pour le patient d'éviter la réalisation de ce risque. C’est le juge qui évaluera la part de chance perdue par la détermination d’un pourcentage d’imputabilité.
En l'espèce, deux parents alléguant l’existence de troubles graves causés à leur petit garçon par un vaccin contre l’hépatite B (dénommé Engerix B) assignent en leur nom personnel et en qualité de représentant légaux de leur fils, le producteur du vaccin et le pédiatre qui a pratiqué la seconde injection de ce vaccin, en responsabilité et en indemnisation. Les demandeurs invoquent à l’appui de leur demande, la proximité temporelle du vaccin avec l’apparition des premiers signes du syndrome de Cach, l’absence d’antécédents médicaux personnels et familiaux en relation avec la maladie et le défaut d’information sur les effets indésirables et potentiellement nocifs du vaccin et de ses contre-indications en soulignant notamment la discordance existant entre les mentions figurant dans le dictionnaire Vidal et celles de la notice du vaccin.
Une expertise médicale a été confiée à un collège d’experts. Le rapport d’expertise a conclu que l’enfant présentait un syndrome de Cach dont le lien de causalité avec la vaccination n’a pas été établi.
Par un jugement du 17 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Metz a rejeté la demande en réparation des parents invoquant le fait que la maladie de Cach ne pouvait être imputable à la vaccination.
Mais l'arrêt du 19 septembre 2017, rendu par la Cour d’Appel de Metz est des plus surprenants: les juges reconnaissent d’une part, que le professionnel de santé n’a pas commis de manquement à l’obligation de sécurité de résultat en vaccinant l’enfant compte tenu des conclusions du rapport d’expertise (qui ne peuvent être remise en cause) et d’autre part, que le médecin vaccinateur est responsable en application de l’article 1382 du Code Civil devenu l’article 1240 du préjudice moral subi par les parents et l’enfant du fait du manquement du médecin à son devoir d’information sur un risque qui ne s’est pas réalisé (aucun lien de causalité étant établi entre l'injection du vaccin et les premiers symptômes de la survenance de la maladie).
Par un arrêt du 14 novembre 2018, la Cour de Cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'Appel de Metz au motif que si la preuve qu'aucun lien de causalité n'existe entre l'acte vaccinal et les premiers symptômes du syndrome de Cach chez le jeune patient alors aucune responsabilité pour faute du médecin ne peut être engagée pour défaut d'information sur l'absence d'un risque.
Dans la continuité d’une jurisprudence constante, la Cour de Cassation confirme de façon très explicite que le professionnel de santé a un devoir d'information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins. Le non-respect de cette obligation d'information lorsque le risque se réalise fait perdre au patient une chance de l'éviter en refusant qu'il soit pratiqué ou encore peut causer à celui-ci, un préjudice d'impréparation (résultant d'un défaut de préparation aux conséquences de ce risque).
En conclusion, en aucun cas la responsabilité pour faute d’un médecin vaccinateur ne saurait être engagée pour manquement à l’obligation d’informer son patient sur un risque potentiel non réalisé.
Par Isabelle BRIENT, Docteur en droit, Avocate, titulaire d'un D.I.U en "Droit de la Responsabilité Médicale et Droit des Malades" et d'un D.U en "Réparation Juridique du Dommage Corporel".