Vertiges du bien-être

Vertiges du bien-être

Il y a quelques jours, je me rends au rayon “Bien être” du Relay de Gare de l’Est, dans l’idée de m’offrir un Flow ou autre magazine intéressant.

Et là : stupéfaction.

Face à moi, une flopée de magazines dans la lignée de Flow, qui semblent avoir poussé comme des champignons. En plus de Happinez, Naturelles, Simple Things, Psychologie Positive, Sens & Santé, ou Open Mind, je découvre aussi Respire, Calme, ou encore In the Moment, sortis il y a moins d’un an.

“Créer du temps pour soi”, “Ouvrez-vous à la vie !”, “Vis. Souris. Resplendis”, “Ouvrez votre esprit”, “Parce qu’être n’attend pas” : léger vertige à la lecture de cette ribambelle de sous-titres qui m’invitent à prendre soin de moi.

Sur le moment je me dis : “Chouette, c’est sûrement que de plus en plus de gens s’intéressent à leur bien-être”. Une bonne nouvelle pour Bloomr, qui traite aussi de certains de ces sujets.

Pourtant, quelque chose dans ce foisonnement de conseils m’a mise mal à l’aise. Je me suis demandé si tout cela n’était pas trop.

Si, à force de vouloir permettre à chacun de prendre son bonheur en main – intention hautement louable – on ne risquait pas de les écoeurer ?

Je dis “on” parce que, bien sûr, en tant que rédactrice contenu de Bloomr, je suis la première à donner mon grain de sel sur ces sujets à travers le blog et nos programmes en ligne.

En lisant tous ces titres annonçant des sujets rebattus comme la psychologie positive, la zen attitude, la nécessité de ralentir, de profiter de l’instant présent, de vivre sa vie à fond, de se libérer du passé, d’être positif, créatif, efficace, bienveillant, productif, authentique et optimisme, je me suis soudain vue dans un épisode de Black Mirror où être heureux et se perfectionner sans cesse serait devenu un devoir social.

Le bonheur de chacun serait calculé via toute une batterie de gadgets sophistiqués mesurant nos moindres faits, gestes, rires et heures de sommeil et nous alertant quand viendrait le moment de se lever, de méditer, de dire merci, de tenir son journal, et de sortir courir. Chacun serait compréhensif envers son prochain, le sourire accroché en bandoulière et l’oreille prête à l’écoute. Une vie bien lisse où la moindre fantaisie et le moindre coup de mou n’auraient plus leur place. Quel ennui !

Oui, j’exagère (en même temps, c’est le principe de Black Mirror).

Pourtant, tous ces conseils qu’on nous dispense sonnent parfois comme des injonctions, et c’est bien ce qui me dérange. Ils sont présentés comme des recettes toutes faites, incontournables et infaillibles pour atteindre le bonheur. Comme s’il suffisait de quelques bonnes habitudes et un claquement de doigt pour être heureux. Comme si nous étions tous issus du même moule, que le bonheur avait la même saveur pour tout le monde, alors qu’il s’agit plutôt d’un grand flou artistique, d’un état changeant, presque impalpable. Certainement pas d’une science exacte.

D’autant qu’il manque souvent un soupçon de nuance dans ces conseils servis, pour certains, à toutes les sauces – radio, TV, livres, conférences…

On voudrait nous faire croire que les appliquer est à la portée de tous, que ce n’est qu’une question de volonté, de discipline et de détermination. Quand on sait à quel point changer est difficile, affirmer que ‘quand on veut, on peut’ est le meilleur moyen de flinguer l’estime de soi de ceux qui font beaucoup d’efforts sans forcément constater de résultats.

S’intéresser au développement personnel, c’est un peu comme ouvrir la boîte de Pandore.

Soudain, on se retrouve croulant sous les conseils pour être mieux dans son corps et dans sa peau, mieux dans sa tête, mieux dans son job, mieux dans son couple, dans sa relation aux autres et à soi-même, dans la maîtrise de ses émotions ou dans sa façon d’apprendre.

On nous transmet cette idée romantique que tout au fond de chacun d’entre nous se cache un coffre fort recelant le secret de qui nous sommes vraiment et de pourquoi nous existons, et que le bonheur serait réservé aux happy fews qui parviennent à l’ouvrir.

Alors, pour y arriver, on teste tous azimuts un tas de choses glanées à droite, à gauche. On papillonne d’une méthode à l’autre, sans se laisser le temps d’en récolter les fruits. Comme pour les régimes, on fait le yoyo en cherchant LA solution miracle,au risque, parfois, de passer à côté de sa vie en attendant de la trouver. En chemin, on se désole de ne pas réussir à tenir ses bonnes résolutions et de constater si peu de changements, parce qu’on oublie, peut être, que le bonheur est un chemin, pas un sommet à atteindre. Un état fluctuant, pas une illumination soudaine. Une idée propre à chacun, pas une formule universelle.

Le développement personnel a t-il du bon ? 100 fois oui ! Encore heureux, sinon j’aurais déjà rendu mon tablier Bloomr.

Mais sans se laisser happer par les tendances et les injonctions, et dans le respect de soi même, c’est à dire en plaçant le curseur là où on en a besoin.

Sortir de sa zone de confort sans avoir constamment la boule au ventre, optimiser son organisation sans bafouer son rythme naturel. Tester, pourquoi pas, mais en apprenant à faire le tri. Piquer à droite, à gauche, s’approprier et ne garder que ce qui procure de la sérénité, qui colle à son mode de fonctionnement et ses priorités.

Vous vous dites peut être : “Elle est gonflée celle-là, à pointer du doigt les dérives du développement personnel tout en étant la première à y aller de ses conseils en la matière”.

Justement ! J’essaie, chaque fois que je produis du contenu, de garder cela en tête parce que je considère que nous avons une responsabilité envers ceux qui nous lisent.

Chez Bloomr, nous espérons aider chacun avec cette bienveillance-là, sans jamais dire “voici la formule, applique-la et tout ira bien” mais plutôt :

Voici des clés. Teste-les, pour voir si elles t’ouvrent des portes. Prends ce que tu as à prendre, va à ton rythme. Oui, tu peux prendre en main ton épanouissement (nous n’utilisons que très rarement le mot ‘bonheur’, celui-ci étant à la fois si délicat et galvaudé) même lorsque l’environnement ne te rend pas la chose facile ; tu peux toujours agir, à ta mesure, décider, a minima, de la façon dont tu souhaites réagir. Donne la couleur que tu souhaites à ta vie. Et si ton bonheur tu le trouves dans un boulot pépère, et si tu as envie de faire mille métiers, que tu te sens paumé mais serein, que tu rêves d’une grande carrière dans le CAC 40 ou de monter ton atelier dans la Creuse, TANT MIEUX ! Et si tu considères que t’épanouir dans ton job ce n’est pas ta priorité du moment, ou que tu as besoin de faire une pause, c’est aussi ton droit !

Ce qui compte, c’est de rester connecté à toi-même et d’essayer, surtout, d’aborder tout cela comme un jeu, pour que prendre soin de toi reste un plaisir sans devenir un poids.

Finalement, ce qu’on espère, c’est éveiller les esprits; faire prendre conscience des possibilités et permettre à chacun de comprendre les mécanismes à l’oeuvre pour pouvoir faire des choix éclairés. Le tout sans oublier que prendre son épanouissement en main demande beaucoup de temps, de courage, de motivation…et de soutien.

Bloomr est une startup qui fournit à chacun les cartes pour devenir acteur de son parcours et de son épanouissement professionnels.

Nous travaillons aussi avec les entreprises pour favoriser l'épanouissement de leurs collaborateurs : bloomr.life

Lily Gros

Facilitatrice et formatrice en Radical Collaboration ❙ Passionnée du lien, de la prévention du conflit à la facilitation

6 ans

Merci Noëmie pour cet article juste. Je me retrouve beaucoup dans ce ressenti (paradoxal pourtant) d'injonction dans le milieu du développement personnel : où le bonheur devient une seule et bonne voie.  Soyons imparfaits ! Soyons brouillons ! Et osons la spontanéité : le bonheur vient aussi des moments que l'on n'a pas programmés pour être des moments de bonheur. 

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