Viagra et ballade irlandaise
En règle générale, les émanations industrielles ne sont pas classées au rang des conséquences positives pour l’environnement. Chaque règle ayant ses exceptions, il existe en Irlande, dans le comté de Cork, un charmant petit village où personne ne s’en plaint.
Les 480 habitants de Ringaskiddy – dont environ 50% de mâles - se réjouissent au contraire des fumées sortant des cheminées de la toute proche usine Pfizer dont la production de Viagra stimulerait selon eux leur vigueur.
Le porte-parole du fabricant de la célèbre petite pilule bleue a beau affirmer à longueur d’interviews et de communiqués que cet effet pas si secondaire est rigoureusement impossible, les villageoises et les villageois sont persuadés du contraire.
Les dirigeants du Laboratoire, en affirmant que cette histoire de vapeurs de Viagra n’est qu’un mythe, ont sans doute oublié que celui de Tristan et Iseut demeure vivace dans la tradition celtique et que cette version moderne du philtre d’amour apparaît comme tout aussi crédible que l’originale et, par-dessus le marché, infiniment moins dramatique pour les intéressé.e.s.
Les nombreux partisans de la légende, heureux bénéficiaires de l’effet placebo, font aussi valoir que les dirigeants de Pfizer ont la mémoire aussi courte que l’imagination stérile. Après tout, ce blockbuster de la dysfonction érectile n’avait-il pas été créé à l’origine pour traiter l’angine de poitrine ?
C’est seulement au cours des essais cliniques de phase 1 de la molécule [le Sildénafil] que les scientifiques avaient pu constater à quel niveau la remise en forme des patients était la plus spectaculairement visible. Tout le monde peut se tromper...
Alors, pourquoi ne pourrait-on pas bénéficier de ses effets vivifiants en allant simplement respirer gratuitement le bon air de Ringaskiddy, même si Pfizer continue à prétendre que l’efficacité du traitement passe par l’achat en pharmacie ?
Jacques DRAUSSIN