"Victime" de "l'effet richesse"

"Victime" de "l'effet richesse"

Le billet des biais

La semaine à été marquée simultanément par un record du niveau du CAC 40 depuis dix ans et par la publication des prix de l'immobilier parisien qui atteignent un record historique (et une hausse moyenne de 8% sur un an). Deux belles performances non sans effets sur la psychologie des ménages et /ou des investisseurs: la hausse de la valeur des actifs induit un sentiment de richesse chez les individus, phénomène connu sous le nom d'effet richesse.

Paradoxalement, bien que l'effet richesse soit assez largement connu et surtout admis d'un grand nombre, s'il est bien cité dans les théories économiques il est très peu présent explicitement en finance comportementale.

Quelles sont donc les conséquences de l'effet richesse sur le comportement ?

Tout d'alors, une hausse de la consommation et donc une réduction de l'épargne existante ou en cours de constitution. Ce regain de consommation est généré par un optimisme sur les finances personnelles, voire une sur-estimation de la valeur de ses avoirs (ou de la pérennité de leur valeur élevée). L'attention de l'investisseur tend par ailleurs à se concentrer sur les très bonnes performances des actifs générant cet effet richesse, tout en ignorant les performances de ses autres actifs ou encore l'endettement résiduel qui n'a pas été réduit pour autant (la mensualité du prêt restera la même !). De la même façon, l'individu est susceptible d'ignorer un éventuel flux de mauvaises nouvelles telle qu'une hausse de la fiscalité sur les actifs ayant bien performé (ce qui peut parfois ramener la valeur nette à un niveau plus faible que celle de l'année précédente).

Outre la consommation, l'individu atteint par cet effet richesse est susceptible de modifier son profil d investissement. En se considérant comme "riche", il peut ainsi réduire son aversion au risque et accepter ainsi une hausse de son risque de perte en capital. Cette perte éventuelle étant compensée dans son esprit par les gains antérieurs. L'individu peut également chercher à maintenir de très bonnes performances et donc se limiter à des investissements présentant une espérance de gain au-dessus de ses habitudes. La hausse du seuil de retour sur investissement attendu peut l'amener à passer à côté d'opportunités qu'il aurait pu saisir dans une autre configuration psychologique. Enfin, après un investissement peu risqué mais ayant délivré de très bonnes performances (de façon plutôt irrationnelle / inattendue), il est probable la perception du couple risque / rentabilité soit affectée. L'investisseur considérera alors, à tort, qu'à niveau de risque équivalent sur ses nouveaux investissements, il obtiendra systématiquement une aussi bonne performance.

Si l on reprend l'exemple des avoirs immobiliers et des actions, il est évident que l'effet richesse repose avant tout sur une perception. Concernant l'immobilier, la hausse des prix ne constituera un vrai enrichissement que sous certaines conditions: si le bien ne constitue pas la résidence principale et/ou s'il n'y a pas d'attache particulière et qu'il peut donc être revendu rapidement pour bénéficier de la hausse des prix. Dans le cas d'une résidence principale, la monétisation de la plus-value latente est peu évidente: l'actif est souvent moyennement liquide et le marché cyclique. Par ailleurs une fois monétisé, il conviendra de se loger de nouveau ! Donc les seuls gagnants sont ceux qui rachètent un bien dans un autre quartier / région, ou qui réduisent leurs surface. Les actions sont des actifs majoritairement liquides (hors obligations de conservation de titres liées à certains dispositifs). L'effet richesse a donc davantage de sens. Reste tout de même que tant que les actions ne sont pas cédées, la plus-value reste hypothétique. De façon très simpliste, il n'est pas certain que le premier réflexe d'un individu serait de dépenser la somme si on lui disait: "Si je devais décider aujourd'hui je te donnerais 1 000 euros. Mais comme je ne vais décider que dans quelques mois, peut-être qu'au final tu n'auras rien, ou qu'au contraire tu auras bien plus".

Enfin, être "victime" de l'effet richesse, c'est avoir fait de bons choix en amont...et donc peut être ne pas avoir de biais trop gênants !


Retrouvez tous les billets sur: www.comportement-financier.fr

Contact : info@comportement-financier.fr

Rejoignez la Commission SFAF Finance Comportementale sur LinkedIn


Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Edouard Camblain

Autres pages consultées

Explorer les sujets