Victor Hugo et l’innovation

La lecture des classiques a ceci de magique qu’elle est très souvent d’une grande actualité. En relisant les Misérables de Victor Hugo, je me suis arrêté sur ce passage :

« De temps immémorial, Montreuil-sur-Mer avait pour industrie spéciale l’imitation des jais anglais et des verroteries noires d’Allemagne. Cette industrie avait toujours végété, à cause de la cherté des matières premières qui réagissait sur la main-d’œuvre. Au moment où Fantine revint à Montreuil-sur-Mer, une transformation inouïe s’était opérée dans cette production des « articles noirs ». Vers la fin de 1815, un homme, un inconnu, était venu s’établir dans la ville et avait eu l’idée de substituer, dans cette fabrication, la gomme laque à la résine et, pour les bracelets en particulier, les coulants en tôle simplement rapprochée aux coulants en tôle soudée. Ce tout petit changement avait été une révolution. Ce tout petit changement en effet avait prodigieusement réduit le prix de la matière première, ce qui avait permis, premièrement d’élever le prix de la main-d’œuvre, bienfait pour le pays, deuxièmement d’améliorer la fabrication, avantage pour le consommateur, troisièmement de vendre à meilleur marché tout en triplant le bénéfice, profit pour le manufacturier. Ainsi pour une idée trois résultats.

En moins de trois ans, l’auteur de ce procédé était devenu riche, ce qui est bien, et avait tout fait riche autour de lui, ce qui est mieux. »

Que nous dit Victor Hugo ?

StartUp

L’inconnu arrive dans une ville et développe un nouveau procédé. C’est un « nouvel entrant », qui , avec une idée, de l’engagement, de l’énergie, va bouleverser un ordre établi. Son entreprise se développe rapidement, génère de la valeur, et s’établit durablement sur un marché global (pour l’époque, c’est-à-dire l’Europe proche). Il prend des risques, travaille sans relâche, en entrepreneur consciencieux.

Je ne pense pas que V.Hugo en ait eu conscience, mais il pose les fondations de ce qui va devenir une des aspirations principales de nos étudiants : Entreprendre !

Innovation et rupture (ou « disruption »)

Jean Valjean, car c’est lui l’inconnu, innove ! Ce n’est pas du digital, mais toute innovation doit elle être digitale ? Et son innovation va révolutionner un marché stable, pour en faire un marché dynamique où il va être leader pendant des années. Il innove avec plusieurs leviers : la matière première, le procédé mais aussi dans son management (cela apparait plus loin dans le roman) où il érige la confiance comme valeur fondamentale. Ce thème est au cœur de nos réflexions au sein d’HEC Paris, notamment dans les programmes sur-mesure de l’Executive Education.

Création de Valeur et Responsabilité Sociétale

Le succès de cette start-up est matérialisé par une forte création de valeur . On note que V.Hugo , à l’image de Vineet Nayar, CEO de HCL Technologies et auteur de « Employee first, customer second » , place la « main d’œuvre » en premier dans les bénéficiaires de cette valeur crée. Viennent ensuite le client et l’actionnaire. C’est l’écosystème entier de l’entreprise qui bénéficie de son succès.

HEC Paris dispose d’un fantastique département « Society and Organization » qui se focalise sur ce thème si important, en particulier pour les jeunes générations : Comment développer une activité et générer des profits, tout en maintenant le lien avec la société et en ayant sur elle un impact positif.

La dernière phrase m’a frappé car elle est je crois le leitmotiv de tout entrepreneur authentique : « l’auteur de ce procédé était devenu riche, ce qui est bien, et avait tout fait riche autour de lui, ce qui est mieux »