Violence et pensée positive au 21ème siècle
Article original publié sur le blog de Julien Grange.
Depuis le début de cette série d’attaques et d’attentats en Occident, je ne me suis jamais exprimé sur le sujet. Sans doute avais-je l’impression d’être dépassé par les évènements, abasourdi par la violence de ces actes sans pitié ni empathie. Et puis peut-être parce qu’ils se sont rapprochés de moi, vivant à Londres, de ma sœur à Berlin, ou de quelques amis à Paris, à Nice et à New York – même si je n’ai probablement toujours pas mieux saisi les motivations profondes de ces actes de barbarie – ils ont commencé à avoir sur moi les effets pervers de la peur et de l’angoisse. Et ça, je ne l’accepterai pas. Je trouve aujourd’hui important de faire éclater certaines idées reçues et d’exprimer quelques pensées positives. Saviez-vous que le monde n’a jamais été aussi pacifique qu’aujourd’hui ? Ayant commencé le millénaire avec le 11 septembre, l’Irak, l’Afghanistan, Darfour, et la Syrie, et après avoir vécu les épisodes sanglants décrits en début d’introduction, je conçois qu’il est difficile de le croire. Et pourtant, l’Humanité n’a pas l’air d’avoir connu de période plus paisible.
« À ceux qui seraient nostalgiques d’un passé plus pacifique, je répondrais qu’ils vivent là une grave illusion. Nous savons aujourd’hui que les indigènes de nos continents, dont les vies sont tant romancées dans les livres pour enfants, connaissaient des taux de mortalité causée par la guerre plus élevés que ceux de nos deux Guerres Mondiales », affirme Steven Pinker dans son livre à succès sur l’histoire de la violence (1), hautement salué par la critique. Il vous convaincra en passant que l’Homme préhistorique était un sadique, l’Ancien Testament une ode à la violence, la Grèce Antique un terrain de jeux sanglants, l’Empire Romain une quête de sang et les Chevaliers médiévaux des barbares déchaînés. Il passe ensuite au peigne fin l’histoire de la violence pour conclure qu’à tous les niveaux – dans la famille, dans le voisinage, entre tribus et autres factions armées, et entre nations et états – sa fréquence et son intensité ont drastiquement diminué. Je laisserai les 1’026 pages de cet ouvrage de référence vous en faire un exposé plus complet.
Si cela vous choque toujours, il faut dire que le contexte n’aide pas.
Tout d’abord, les médias de masse souffrent malgré eux de la maladie d’un modèle qui les poussent à faire à tout prix sensation : « If it bleeds, it leads ». En français : « si le sang coule, le sujet sera porteur ». On se croirait parfois assis à une table du country club d’un quartier snobe, écoutant des commères en manque d’attention éventrer oralement une voisine absente, simplement par effroi du silence et épouvante de l’oubli. Cela donne trop d’importance à des actes qui ne le méritent pas. Ensuite, le cerveau humain tend à mémoriser plus facilement des scènes de carnage que des souvenirs de personnes âgées tirant leurs révérences devant l’âge et l’inexorabilité du temps. Puis finalement, et cela est plutôt une bonne nouvelle, notre tolérance face à la violence a considérablement diminué à travers les siècles et décennies : Abolition des monarchies, abolition de la peine de mort, Droits de l’Homme, Droit de la Guerre, etc.
Pour toutes ces raisons, les actes de violences – pourtant de plus en plus isolés – paraissent bien plus omniprésents qu’ils ne le sont en réalité. Cette perception doit changer.
Elle doit changer pour deux raisons. La première est que le fait de réaliser le déclin de la violence récompense les efforts de nos ancêtres dans ce but, et par conséquent encourage les nôtres pour un futur meilleur. La seconde est l’immense impact sous-estimé de la pensée positive. Je m’explique.
Milieu des années 1980, la guerre entre Israël et le Liban bat son plein. Un commando de penseurs entraînés à la méditation optimiste est envoyé dans les zones de combats les plus virulentes, avec pour mission de se réjouir en éprouvant un sentiment de paix, comme si la guerre était déjà terminée. Cette expérience inédite était baptisée « Projet International pour la Paix au Moyen-Orient » (2). Les résultats furent stupéfiants dans tous les villages qu’ils traversèrent : Arrêt des actions terroristes, baisse significative des offensives et des ripostes, respect spontané de trêves inattendues, fraternisation des camps rivaux. Une étude de l’Université de Princeton pousse le sujet encore plus loin en affirmant qu’il suffirait que la racine carrée de 1% d’une population concernée par une guerre ressente la paix pour qu’elle devienne réalité.
Je pense qu’il est important de comprendre que nous faisons tous partie aujourd’hui d’une grande conscience collective. Quelque chose qui nous dépasse encore mais qui a sans aucun doute le pouvoir incommensurable d’influencer sur nos actions et notre direction commune. Il en va directement du bonheur sur terre. Désacralisons donc un peu le drame et mettons d’avantage en exergue ce qui a le don de nous faire sourire. Cela ne veut bien évidemment pas dire qu’il faut oublier la souffrance et renoncer à porter assistance. Mais j’entends par là que nous nous devons, en tant que représentants vivants de l’Humanité, de diriger notre énergie vers quelque chose de plus grand, de plus noble que la peur de quelques âmes en perdition.
Les auteurs des récents évènements d’assassinats de masse qui hantent aujourd’hui nos rues ne méritent pas l’attention d’une foule si puissante, et encore moins d’entacher le plus important des constats : l’Humanité va bien et elle ne s’est jamais mieux portée.
(1) The Better Angels of Our Nature de Steven Pinker.