Virus, Hydroxychloroquine et Loja ou le Triangle Enchanté
Virus, Hydroxychloroquine et Loja ou le Triangle Enchanté !
La ville de Loja est située à 650 km au sud de Quito, capitale de l’Equateur, ville s’élevant à 2100 mètres bien cachée au cœur des montagnes, ville où par ailleurs j’ai eu la chance de naître. Peu d’entre vous en Europe ou dans le monde ont déjà entendu parler de cette ville, mais vous allez découvrir que cette région andine est actuellement l’épicentre de ce qui semble être la solution à l’épidémie du COVID19. Loja, à mon avis, devrait être mieux connue du monde médical pour quatre raisons scientifiques que nous détaillerons ci-dessous.
La première est l’incidence anormalement élevée du très rare Syndrome de Laron. Ce syndrome se caractérise par un déficit congénital du facteur de croissance, cause de nanisme non dysmorphique chez les individus atteints. Paradoxalement, ce déficit les protégerait du diabète, des cancers et même de la maladie d’Alzheimer dont l’incidence est presque nulle[1]. Seules 300 personnes dans le monde sont touchées par cette maladie, dont 1/3 vit en Equateur.
La deuxième est la présence de la Maladie de Gaucher. La maladie de Gaucher est aussi une pathologie orpheline définie par le déficit congénital d’une enzyme, la glucocerebrosidase, responsable d’une splénomégalie et de malformations osseuses. Longtemps maladie mortelle, il existe heureusement aujourd’hui un traitement substitutif changeant ainsi la vie de milliers de patients.
Ces deux maladies sont attribuées à la présence significative de descendants de Juifs séfarades et ashkénazes ; ces anciens Conversos avaient fui l’Inquisition en Europe et s’étaient réfugiés dans les Amériques jusqu’à se fondre de façon anonyme dans la population locale afin de cacher leur identité devenue dangereuse.
La troisième raison est liée au village de Vilcabamba (à 32 km de Loja), connu sous le nom de La vallée des centenaires où l’on constate l’étonnante longévité de ses habitants. Cette longévité a suscité l’intérêt de scientifiques qui inlassablement cherchent l’élixir de la jeunesse éternelle. De nombreuses études ont tenté d’expliquer ce phénomène sans réellement convaincre[2] [3], mais une troisième étude a clairement cassé ce mythe[4] sans pour autant flétrir la renommée de cette vallée.
La quatrième raison nous intéresse tout particulièrement aujourd’hui. Elle nous transporte dans le petit village de Malacatos (à 25 km de Loja) en 1630[5]: le chef indien et chaman Pedro Guayllas, baptisé sous le nom de Pedro Leiva par les Jésuites, soignait la fièvre en utilisant les propriétés curatives de l’arbre appelé en langue quechua cara-chuccho, qui signifie "arbre à fièvres" et que des années plus tard en castillan on a nommé quina ou le quinquina en français, arbre duquel on extrait la quinine. Son utilisation a guéri la fiebre terciana, autrement appelée paludisme, qui à l’époque faisait des ravages parmi les nouveaux colons dans les Amériques. La quinine et les soins du cacique Leiva permettront la guérison de patients distingués. Don Juan Lopez de Cañizares, par exemple, préfet de Loja, abattu et déjà condamné par une fièvre implacable, est le premier guéri. Puis, nous pouvons citer la célèbre comtesse de Chinchon, épouse du vice-roi de Lima, Doña Francisca Enriquez de Ribera, malade du paludisme sera elle-aussi guérie. Les Jésuites, témoins essentiels sur le terrain de ces guérisons et excellents chroniqueurs, ont amené cette plante à Rome. En France, le Dauphin, fils de Louis XIV, a été guéri en 1672 par une « forte dose de quinine » prescrite par Robert Talbot. Le roi a alors décidé d’acheter son secret pour 42 000 livres. A l’époque déjà, R. Talbot alertait sur les effets secondaires du traitement. Plus tard, en 1699, le médecin Diego de Herrera écrivit à Quito L’écorce de la Quina ou Cascarilla de Loja, arbres aux vertus uniformes, dont le texte sera consigné par Charles Marie de la Condamine dans son carnet de voyage présenté à l’Académie des sciences de Paris en 1737. Plus tard encore, en 1820, deux pharmaciens et chimistes français, Caventou et Pelletier, réussirent à extraire le principe actif de la quinine permettant ainsi sa commercialisation à l’échelle industrielle, sans hélas pouvoir tirer profit, faute d’avoir oublié de patenter l’exploit. A partir de là, l’utilisation de la quinine s’est banalisée au point d’être un ingrédient de base des boissons toniques.
Le paludisme, la maladie la plus meurtrière au monde avec plus de 400 000 décès par an, a vu le taux de mortalité décroître considérablement lorsqu’un dérivé de la quinine est utilisée à certaines périodes de la maladie, malgré ses effets secondaires connus. Par ailleurs, d’autres maladies dites auto-immunes avec un composant inflammatoire bénéficient depuis des années d’un descendant de la quinine : L’Hydroxychloroquine curieusement au centre d’une polémique absurde.
Alors rendons un hommage posthume et respectueux au chaman Pedro Leiva de Loja dont la sagesse ancestrale nous permet cinq siècles après sa mort de continuer à sauver des vies. Le COVID19 ne fera pas exception. Loja, l’énigmatique, le Jardin Botanique de l’Amérique comme l’appellerait Humboldt, nous surprendra toujours...
Hugo Gonzalez Carrion
[1] « Growth Hormone Receptor Deficiency Is Associated with a Major Reduction in Pro-Aging Signaling, Cancer, and Diabetes in Humans ». Jaime Guevara-Aguirre, Valter D. Longo et al. Science Translational Medicine, 2011; 3 (70)
[2] Vilcabamba, tierra de longevos. M. Salvador. Editorial CCE. 1972
[3] The centenarians of the Andes. Davies D. Anchor Press, Garden City. NY. 1975
[4] “Longevity and Age Exaggeration in Vilcabamba”, Ecuador. R. Mazess and Sylvia Forman. Journal of Gerontology. 1979. Vol 34. N°1.94-98.
[5] Historia de Loja y su Provincia. Pio Jaramillo Alvarado (Tercera edición) Editorial Senefelder. 2002
Network Architect at Orange
4 ansTriangle magnifique recelant bien des trésors !
Clinical Oncology en SIME Sistemas Médicos USFQ
4 ansTrés bien Dr!