"Voyage en entreprises régénératives" - Épisode 5 : "Décrypter des cas réels : NEXANS, cotée au CAC 40"
Face au dérèglement climatique, comment faciliter les transitions des entreprises vers des modèles respectueux de la planète ? Comment embarquer les équipes dirigeantes et les collaborateurs dans cette indispensable évolution, face aux réactions chaque jour plus éruptives de notre planète ? Comment apporter les garanties conceptuelles et méthodologiques nécessaires, pour faire évoluer les représentations, les visions du monde, les cadres de référence de tous, actionnaires, dirigeants, équipes, partenaires, ...? Comment faire le premier petit pas ?
Le parcours de formation Butterfly School porté par AXA Climate et l’organisme de recherche LUMIÅ , déjà suivi par plus de 700 personnes sur les 3 premières promotions, a pour ambition de faire découvrir l’Entreprise Régénérative, « une entreprise qui fonctionne et opère comme un système vivant, dans le respect des limites planétaires, en contribuant de manière positive aux éco-systèmes vivants, humains comme non humains », dixit Antoine Denoix, le directeur d’Axa Climate.
Pourquoi est-ce nécessaire ? « Parce que 6 des 9 limites planétaires sont déjà dépassées, l’habilité même de la planète est menacée. Il faut passer d’entreprises qui veulent faire « moins mal » à des entreprises qui vont positivement impacter le vivant ».
C’est possible ? Oui, un certain nombre d’entreprises ont déjà fait le pas et en témoignent, comme Christopher Guerin - CEO Nexans (câbles électriques) : « Nous avons arrêté la croissance volumique pour aller vers de la croissance en valeur, en repensant le modèle pour qu’il soit systémique et positif d’un point de vue environnemental. Nous nous sommes aperçus que non seulement on s’en tire très bien économiquement, mais aussi que cela contribue à une meilleure sobriété ».
Les quatre premiers épisodes ont permis de réaliser :
Ce 5ème épisode présente un cas d'entreprise emblématique de transition vers un modèle plus vertueux, dans un contexte pourtant peu porteur (CAC 40).
Partie 1 : Présentation du cas Nexans
Nexans , c'est un grand industriel français côté au CAC40, qui participe à l’électrification de la planète depuis 120 ans, avec des systèmes de câbles et le déploiement de réseaux électriques partout dans le monde : 8 milliards de CA et une action proche des 90€ actuellement.
Son CEO est Christopher Guerin , rencontré par Butterfly School au siège de Nexans, à la Défense.
Son défi, c'est d'électrifier durablement et de manière décarbonée les usages du quotidien partout dans le monde.
Quand il prend son poste il y a 4 ans en 2018, la situation est critique : le cours de bourse se traine à 20€, la valorisation boursière à moins de 800 millions d’€. Nexans est donc tout à fait opéable, par n’importe quel fond un peu hostile.
Il fallait donc redresser l’entreprise rapidement : il décide de ne pas le faire sur les paradigmes du passé, i.e. en sortant de cette trop courante logique de croissance, centrée sur le toujours plus de clients et donc toujours plus de produits.
En 4 ans, il réussit à multiplier par 4 la valeur de l’action sans restructuration. Comment ? En refusant la croissance en volume au profit d’une croissance en valeur.
Pour comprendre, observons en détail l’écosystème de Nexans et analysons ses relations avec ses différentes parties prenantes.
En 2018, le contexte était tendu, les investisseurs attendaient un changement radical.
En effet, entre 2012 et 2018, le Groupe :
Le bilan de l'opération était sans appel : entre 2012 et 2018, le CA, le cours d’action et la profitabilité n'avaient pas bougé, aucune création de valeur n'avait été effectuée !
Il fallait donc repenser un système bénéfique sur la création de valeur et la partie environnementale.
Christopher Guérin s'intéressait depuis longtemps, grâce à de nombreuses retraites pour dirigeants auxquelles il avait pu participer, à la réalité de la société dans laquelle lui-même et son entreprise vivaient. Ces moments de recul partagés lui permettaient de prendre conscience de sa responsabilité en tant que dirigeant, sur le monde et sur son environnement.
La méthode de transformation de l’entreprise qu'il a employée pour redresser l'entreprise a donc combiné 3 éléments, de manière systémique :
1/ Le moteur de la transformation, cela a été la relation avec ses clients
Il a engagé un mouvement de réduction radical, sans plan social, en passant de 17 000 clients servis à 4 000,
Mais comment se séparer de 13 000 clients en seulement 6 mois ?
L'entreprise a effectué un profilage de l'ensemble de ses clients sur 30 critères :
Un autre critère très structurant a été la distance entre les clients et les usines qui les servaient. Au départ, il s'agissait de faire 60% du CA avec des clients à moins de 500 km.
L'objectif aujourd'hui, pour les 78 usines du Groupe dans le monde, est de faire 90% de leur CA dans un rayon maximum de 800 km.
Cela a permis de créer 4 catégories de clients : Platinum, Gold, Silver et le reste.
Ces critères ont permis de se séparer des clients Silver et LED (dits mauvais cholestérol), en leur proposant une augmentation des prix de 50%, du jour au lendemain, de manière unilatérale. Cela a créé automatiquement une libération de 15% des volumes traités.
Se débarrasser de 13 000 clients a pu ainsi libérer du temps managérial, ainsi que du temps de production, pour faire de grandes choses :
Comme le dit Christopher Guérin :
« C'est une vraie erreur, une aberration économique, que personne ne cherche à relever, de vouloir impérativement + de clients et + de produits pour couvrir les frais fixes ! »
2/ Une relation d'incompréhension avec les analystes financiers
Compte tenu des pratiques du système financier actuel, les analystes challengent le CEO sur le trimestre à venir. Il estime que ce n'est pas le propos.
"L'hyper financiarisation du modèle boursier et du temps court ne vont pas du tout avec les enjeux du monde actuel. Il faut sortir du modèle d’abondance, du toujours plus, de la croissance du CA, de la réduction des coûts et de l'innovation pour améliorer les marges".
Pour lui, les vrais clés aujourd'hui pour les entreprises, ce sont :
Il considère que la manière dont ces résultats vont être obtenus ne regardent pas les analystes financiers. Et qu'il n'a pas à mettre de la guidance sur la restructuration, ni sur la croissance.
Depuis 2018, il tente de leur faire comprendre que tant que la croissance organique n’est pas définie, i.e. portée par le volume ou la valeur, si elle verte ou pas, polluante ou pas, régénérative ou non, ce n'est pas la peine de venir le voir, car il ne qualifiera jamais cette croissance sur leurs critères habituels.
Ainsi :
Les analystes ne comprennent pas, ce n'est pas dans leur modèle du monde.
3/ Heureusement, les investisseurs, eux, comprennent.
C’est pour cela que le cours de Bourse est passé de 22 à 90€.
De même que pour les clients, Nexans a décidé de renoncer à certains investisseurs, en ne conservant que les "Platinum", ceux qui ont une conscience environnementale et sociale.
Il ne voit plus ceux qui demandent des restructurations pour réduire les frais fixes, ceux qui ne posent pas de questions sur l’environnement.
30% de son agenda est lié aux rencontres avec les investisseurs, qu'il sélectionne avec la même conscience environnementale et sociale que Nexans : et bonne nouvelle, heureusement, il en existe !
4/ La relation avec la Terre
Pour fabriquer ses câbles, Nexans consomme 500 000 t de cuivre par an.
Aujourd'hui, la bascule s'effectue sur l'aluminium et le cuivre bas carbone, sur des distances plus courtes.
Les objectifs de matières premières sont consommées de janvier à juillet. Il faut donc travailler sur le régénératif = le recyclage.
Et casser le modèle de l’abondance pour y arriver.
Une autre possibilité, c'est de partir sur un modèle de décroissance, avec l’arrêt de l’électrification. Mais le paradoxe, c'est que la demande en électrique explose :
Ainsi va l'effet rebond, qui, en améliorant l’aval (véhicules électriques), s'effectue parfois au détriment de l’amont (besoin de matières premières extraites dans les mines, non respectueuses de l'environnement).
Actuellement, Nexans ne se donne ainsi pas d’objectif de moins extraire, mais plutôt de recycler une part du cuivre existant.
La capacité de recyclage de l'entreprise est de 10% actuellement. Elle vise 30 voire 40% dans les années à venir, grâce à des investissements qui vont dans ce sens.
Pour Christopher Guérin :
"Les déchets d’aujourd’hui sont notre croissance de demain".
Alors pour finir, quels conseils aux entreprises pour se lancer vers le régénératif ?
Pour le CEO, "Nous sommes actuellement dans l'aire des bâtisseurs, dans un contexte de fin d’un monde mais pas de fin du monde. Il y a donc besoin de réinventer le système, avec des architectes, des bâtisseurs leaders, pour inviter le plus grand nombre à davantage se parler, davantage échanger, sans cesse tenter de nouvelles choses, pour davantage innover..
« Si tout le monde allait dans le sens de la sobriété, arrêtait la croissance volumique et travaillait sur la croissance en valeur, si on pensait le modèle pour qu’il soit systémique et positif d’un point de vue environnemental, on s’en tirerait très bien économiquement, comme le prouve Nexans actuellement, avec en plus une forme de sobriété ».
Partie 2 : Décryptage "régénératif" du cas Nexans
Antoine Denoix , Chief Ecosystem Officer AXA Climate , nous accompagne dans le décryptage de ce cas, avec le prisme "régénératif".
La méthode de transformation employée pour redresser l'entreprise a combiné 3 éléments :
Globalement, d'un point de vue environnemental, l'orientation prise par Nexans est clairement celle d'un plan de réduction de l’impact négatif.
Mais quid du régénératif ?
Nous vous proposons l'étude du cas Nexans à travers la grille d'analyse Butterfly :
1/ L'ambition régénérative
Q1. Quelle est l'intention portée par l'entreprise et son dirigeant ?
L'intention visée est davantage axée sur le développement durable que sur la régénération de la planète :
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Q2. Par quelles actions le leader se montre-t-il aligné, au-delà de l'entreprise ?
Q3. Le leader est-il prêt à renoncer à des activités, des façons de faire dans son entreprise ?
2/ Paire de lunettes
Q1. Quelles sont les parties prenantes de l'entreprise ?
Q2. L'entreprise a-t-elle identifié sa dépendance à la Terre partout où elle se trouve ?
Oui, parfaitement, la dépendance est totale vis à vis du cuivre ou de l'aluminium.
Q3. L'entreprise accorde-t-elle la même importance aux parties prenantes humaines et non humaines ?
Q1. Quel principe du vivant est le plus respecté ?
Principe du vivant le plus respecté : "Pas de déchets"
2ème principe le plus respecté : "Croissance limitée"
Q2. Quel principe est le moins respecté ?
Q1. L'entreprise a-t-elle réduit son usage de matière, d'énergie, en absolu ou en relatif ?
Nexans, c'est le roi du TIC dans la réduction, notamment des clients, des produits et des émissions de carbone.
Mais les diminutions présentées sont à considérer en relatif, domaine par domaine, plutôt qu’en absolu. Sur le plan global, de l'amont à l'aval de la production, tous domaines confondus, la question de la réduction reste posée.
Q2. L'entreprise a-t-elle fait évoluer son modèle économique dans cette réduction ?
Son modèle économique a en effet évolué, vers davantage de services auprès d'un nombre réduit de clients, avec des contrats sur une plus longue durée (2 à 3 ans vs 6 mois auparavant).
Q1. Quelles limites planétaires l'entreprise contribue-t-elle à régénérer ?
Le nouveau modèle économique continue à croitre, ce qui ne résout pas le problème des limites planétaires.
Q2. L'entreprise a-t-elle participé à une création d'impacts positifs nets pour les écosystèmes et la Société ?
Le CEO parle de création d'impacts à trois reprises.
2. Puis à propos de croissance : 13% de croissance réalisée à isotonne de carbone consommée.
3. Enfin, à propos des produits recyclés.
Q3. A quel point l'entreprise se met-elle à la place de ses parties prenantes ?
Les parties prenantes les plus considérées sont ici les investisseurs, pour des besoins de rentabilité des capitaux engagés : c'est la règle du jeu dans lequel le CEO se trouve, à l'intérieur du système (CAC 40) avec lequel il doit composer.
Q1. Y a-t-il eu des effets papillons inattendus ? Quelle partie prenante est concernée ?
Q2. A quel point l'entreprise est-elle surprise par ce qu'elle a enclenché ?
La surprise observée par le CEO provient de la partie prenante "Clients Platinum".
Q3. Si le dirigeant disparaissait, que se passerait-il pour l'entreprise ?
Apparemment, le dirigeant est confiant sur l'avenir de l'entreprise.
Q1. Peut-on qualifier le modèle économique de l'entreprise comme régénératif ?
D'après Christophe Sempels de LUMIÅ , pas vraiment :
car même s'il y a un objectif de sortie de la croissance en volume pour aller vers la croissance en valeur, il n'y a pas de réelle remise en question du modèle économique par Nexans et pas non plus d'objectif de reconnexion au vivant.
Ce que Nexans a fait :
1.Sortie de la croissance en volume pour aller vers la croissance en valeur.
2. Rationalisation du portefeuille clients :
3. Recyclage de la matière première pour moins extraire de ressources de la planète.
Q2. Comment pourrait-elle aller plus loin ?
L'invitation à Nexans serait de se projeter sur son avenir :
Conclusion
Nexans constitue un cas singulier, issu du CAC40, dont il faut honorer les efforts de transition écologique, dans un système pourtant dominé par des logiques exclusivement financières.
Vous souhaitez approfondir l'approche régénérative avec d'autres cas d'entreprises ? Rendez-vous dans notre Épisode 6 pour découvrir comment concilier business, limites planétaires et connexion au vivant.
J’accompagne les dirigeants, managers et leurs équipes dans leurs transformations individuelles et collectives (notamment vers l'entreprise régénérative), pour leur permettre d’obtenir des résultats durables.
8 moisPour toutes celles et ceux qui ont manifesté un intérêt sur les épisodes précédents Laure Bertrand Olivier Zara Christophe LAGACHE Thierry MENARD Emeric Lestournelle Sandrine Laplace ✨✨✨Emmanuelle MICHOT✨✨✨ Franck DEMAY Aya Usui Marie-Pascale Martorell Marion LEVIS Anne-Charlotte Chatard Damien Jourdan 🦋 Edouard Provenzani Christophe Boissonnade Louise Faye 🦋 Sophie Oloa Marie-Pierre Delannoy Christophe de la Fouchardière Thierry Denys Marjorie Maugeais Cousyn 🌱✊ Hind Arbaoui Florence Garçon Doris C. Keller
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8 moisPour mes collègues coachs Climate Coaching Alliance Francophone Sophie Bochereau, Isabelle JENNY, Anne ANGEBAULT▪️Coach, Equicoach et Lead RH▪️▪️Coaching, formation, facilitation▪️, Pauline Caroni, 🌿 🌿 🌿 🌿 🌿 Marie-Laurence Hiller, Muriel Huet 🍃 🍃, Caroline Pensier Filis, Samia Klouche, Marie Christine Julian Caro, Corine de Hemptinne - Morel, PCC, Muleine SU LIM, Catherine Bordaneil, Gabriela Buettner, Nelly LE BOT, Dominique RICHARD, 🌱🌱🌱🌱🌱Odile Soulas, Chloé Urvoas
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8 moisMerci à mes "Buddy Learners C4" des "Live" à la Butterfly School Florence Mouton Beaufils, Mathieu Schilliger, Anne de Béthencourt, Olivier Wautier, Vanessa Bohé Maud JEGO Corine Mermillod Laurence Picard Anne-Sophie GOUGEON Christophe Peysson Nathalie GILLET Gwendoline JAPIOT Bruno ROUANNE Catherine Ransquin
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8 moisMerci Butterfly School, LUMIÅ, La Jolie Prod pour ce toujours aussi bel élan de la C4 Veronique Letellier 🦋 🦋Céline Robert 🦋 🦋Chloé Conda 🦋 🦋Christophe Sempels Chiara Momo Coline Tison Antoine Denoix