Wacht am Rhein !

Wacht am Rhein !

En cette nuit du 15 au 16 décembre 1944, au long d’une ligne qui va de la petite ville allemande de Monschau, située au sud d’Aix-la-Chapelle, à Echternach, localisée au Luxembourg, tout semble être calme. Cette région, accidentée, boisée, sauvage, est au débouché de ce que l’on appelle les Ardennes belges. Tout semble donc calme… Le temps est d’ailleurs de la partie, le brouillard, le froid, ainsi que la neige, s’accrochent au paysage nocturne, confortant ainsi cette impression de tranquillité. Noël approche… A défaut de le passer dans les foyers, le réveillon de ce sixième Noël de guerre consécutif, devrait au moins être partagé dans le réconfort de la camaraderie. Cette camaraderie particulière qu’impose le sort des armes. D’ailleurs, en évoquant le sort des armes, il semble désormais que le boche soit kaputt

A 5H30 du matin, sans préavis, la ligne s’embrase sur une distance d’un peu plus de 100 kilomètres, celle-là même qui sépare Monschau d’ Echternach. L’artillerie allemande, au devoir des dieux de la guerre, pilonne les lignes alliées sur ce front secondaire que sont les Ardennes. L’erreur magistrale de mai 1940, va-t-elle donc se reproduire ?… En effet, à l’instar du printemps de 1940, en dépit de certains signes avant-coureurs, nul n’avait considéré que la Wehrmacht, épuisée par les combats de l’été puis par ceux de l’automne, soit en capacité de lancer une offensive de grande ampleur. Pourtant, c’est exactement ce qui est en train de se produire. Au loin, en provenance des lignes allemandes, le sinistre grincement des chenilles des chars en train de prendre leur position de départ, se fait déjà entendre. De ce territoire oublié, Noël se retire définitivement car le diable vient d’y déposer son cadeau infernal.

A 8H, quatre armées allemandes, dont deux blindées, se précipitent vers les lignes alliées nivelées par le feu. Peu après, le centre du front vole en éclat et la marée des panzers d’Hitler monte en direction de la Meuse. En effet, cette rivière constitue le premier objectif de l’offensive allemande. Il s’agit d’abord de franchir la Meuse au niveau de la ville belge de Dinant, puis ensuite, d’effectuer une conversion en direction du nord-ouest, vers Anvers. Cette ville portuaire est donc l’objectif final de l’offensive surprise. En effet, sur le plan stratégique, Hitler désire s’emparer d’un des ports clé de l’approvisionnement des troupes alliées, tout en tronçonnant en deux les mêmes armées alliées, rééditant ainsi le coup de poker du printemps de 1940. L’objectif est-il réaliste ? Anvers n’est-il pas un « port trop loin » pour  une armée allemande présumée à bout de souffle ?...

La caractéristique principale de la bataille des Ardennes réside par son atomisation des combats, notamment en raison de la topographie. Cette dernière encaissée par le terrain, dicte le duel plutôt que la manœuvre de style. Le stratège de la masse y est mal à l’aise, tandis que le courage de l’individu y trouve toute sa détermination. L’offensive d’Hitler repose sur la vitesse d’exécution sous couvert du mauvais temps. Mais cette vitesse d’exécution va être progressivement enrayée par la résolution de quelques-uns. Le retard ainsi imposé au poing blindé allemand va permettre d’organiser la riposte allié. Sans le savoir, l’abnégation de celui qui tient au moyen d’un canon un carrefour, retarde l’attaque. A l’abnégation, répond le courage, voire la témérité de celui qui interdit l’accès d’un modeste pont en pierre, au moyen de son char Sherman, qui pourtant ne fait pas le poids face aux monstres blindés que sont les tigres royaux allemands. Ainsi 30 tonnes de ferraille s’opposent à 68 tonnes d’acier ciselés par l'enfer… L’arrêt intempestif excite le SS et cela dégénère en crime de guerre. Tel est le cas le 17 décembre à Malmédy, où les SS de Peiper massacrent 120 prisonniers de guerre américains. Les mêmes SS de Peiper rééditeront la sale besogne dans la région de Stavelot, le 19 décembre, mais cette fois-ci, il s’agira de civils.

Dans cette étrange bataille, fondée sur le pointillé des crêtes, l'ombre des vallons et le creux des abris pratiqués à la hâte dans la neige, l’humour s’invite parfois. Tel est le cas du général américain Anthony Mc Auliffe, qui, le 22 décembre, à la tête de la 101ème division aéroportée, encerclée dans les ruines de Bastogne, répond à l’ultimatum allemand de reddition, par un laconique et peu conventionnel :

Nuts !

En d’autres termes, selon les traductions : « Des noix ou des clous ! »

A l’humour, s’ajoute également, en cette période de la nativité, le divin. Et le divin proviendra du général Patton, dont la 3ème armée, engagée plus au sud, en Sarre, loin des combats des Ardennes, malgré les conditions climatiques et devant un état-major sceptique, à commencer par le scepticisme de son général-en-chef, Eisenhower, Patton réussit donc à réengager son armée en direction de Bastogne, qu’elle atteint le 26 décembre, levant ainsi le siège allemand.

Le divin ?...

Le divin réside aussi en la demande iconoclaste formulée par le même Patton, auprès du colonel James Hugh O'Neill, aumônier de la 3ème armée. Patton exige d’O’Neill une prière afin que le beau temps revienne. La prière se révèle manifestement efficace. En effet, le temps redevient clément dans les heures qui suivent et Patton fait décorer son aumônier, en raison de son influence manifeste sur Dieu...

Le 28 décembre, Hitler est obligé d’admettre que l’objectif d’Anvers est hors de portée. Les combats ne cessent pourtant pas. D’ailleurs, le Führer décide de lancer une nouvelle offensive, mais cette fois-ci en Alsace. Un temps, il sera même question d’évacuer Strasbourg. Mais l’intervention du général de Gaulle mettra un terme à un projet qui aurait été d’abord préjudiciable sur le plan psychologique.

La bataille des Ardennes aura des répercussions directes sur la phase finale du conflit, en affaiblissant définitivement l’armée allemande. Dorénavant, cette dernière ne dispose plus de la moindre ressource de manœuvre stratégique. A l’est, la bataille des Ardennes, de l'ouest, à l’invitation des alliés occidentaux, incitera Staline à anticiper son offensive. Cette dernière, dénommée offensive Vistule-Oder, débute le 12 janvier suivant. Elle portera les armées de Staline dans les ruines de Berlin, et au-delà, à s’emparer de territoires qui ne seraient vraisemblablement pas tombés dans la poche des soviétiques, si le coup de poker des Ardennes n’avait eu lieu.


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