"For Whom the Bell Tolls"

"For Whom the Bell Tolls"

Le Brexit et l’élection de Trump sont deux évènements majeurs d’un point de vue économique depuis les trente dernières années et marquent la fin de la globalisation.
Les peuples ont passé un message clair : ils veulent se débarrasser de leurs classes dirigeantes car ces derniers ont failli. Les peuples exigent des nouvelles mesures pour retrouver du travail, récréer un sens et un idéal commun.


Les mesures des prochains gouvernements US et UK signifient un retour du protectionnisme par des barrières douanières et une politique budgétaire de relance des investissements. Et le tout dans un contexte de dumping fiscal pour attirer les entreprises qui ensuite créeront de l’emploi. Seuls les pays avec une marge de manœuvre budgétaire participeront à cette nouvelle guerre économique dont la déclaration est désormais officielle. Proche de chez nous, en Europe, cette concurrence fiscale n’est pas nouvelle mais elle s’est intensifiée depuis la crise financière de 2008. Le taux moyen d’IS est passé entre 2010 et 2016 de 32% à 23%, allant pour l’Irlande de 12,5% à 34,4% pour la France ! Et cette tendance va se poursuivre, le gouvernement UK post-Brexit évoque un taux en baisse de 10 points à 15%, idem pour Trump dont le programme est double : rapatrier les 2 Trillions$ de cash des entreprises thésaurisés à l'étranger par une baisse du taux de 25 points et passer l’IS à 15%.


Force est de constater que la France est hors-jeu car incapable de réduire ses dépenses publiques (57% du PIB en 2015 vs 51% en 2001) pour compenser une baisse de la fiscalité. D’ailleurs, les fleurons de nos entreprises françaises ont déjà pris la poudre d’escampette puisque 9 des 40 qui composent l’indice phare parisien ont leur siège social à l’étranger. Sans oublier la fusion avortée Publicis-Omnicom dont le seul objectif était de déplacer le siège aux Pays Bas. Au-delà de la fiscalité, notre déclin est déjà bien avancé : chômage structurel depuis 23 ans de 10%; affaiblissement des gains de productivité autour de 0,5%/an vs 1,5% au début des années 2000 ; désindustrialisation avec une capacité de production du secteur en baisse de 12% depuis 2006. La raison est connue, la faiblesse des investissements en nouvelles technologies, dans un rapport de 1 à 2 par rapport à la moyenne en zone euro et de 1 à 3 avec les entreprises américaines. Nos usines sont sous-robotisées pour être en compétition avec des pays à forte valeur ajoutée.


Parenthèse faite à notre cas particulier, revenons aux conséquences de la fin avérée de la globalisation. Les marchés financiers l’ont déjà anticipée depuis une semaine et s’attendent à un nouveau contexte reflationniste. La révolte anti-establishment, anti-globalisation est par nature reflationniste : moins de régulation et activation plus importante du levier budgétaire (dépenses d’infrastructures), tout cela ayant un impact positif pour la croissance. Protectionnisme et potentielle faiblesse de la monnaie sont aussi source de hausse de prix. La politique monétaire n’est plus l’unique pilier sur lequel s’appuyer pour pousser à la hausse les anticipations d’inflation. Les politiques vont reprendre la main, nous passons d’une politique monétaire accommodante des banques centrales à une politique budgétaire. Suivant cette logique, « les bonds proxies » et la duration sont vendues, et qu’à l’inverse les financières en profitent et constituent le baromètre de cette rotation initiée post Brexit. Le taux à 10 ans US a bondi en une semaine de 35 points à 2,3% et fait tache d’huile en Europe, preuve de l’impuissance de la BCE dont le bazooka monétaire, 80 Mds€ par mois de rachat de dettes publiques, ne fait plus peur à personne. Le taux à 10 ans en France a doublé en 5 jours à 0,86% et a dépassé les 2% en Italie, un plus haut depuis juillet 2015.


Ce contexte reflationniste n’est pas sans intérêt pour l’Europe si les taux restent autour de 1%. Il permettra aux banques de retrouver des marges de manœuvre alors que certaines sont toujours en convalescence (Unicredit, Deutsche Bank…). Car notre économie européenne reste toujours dépendante des banques, contrairement aux US où 75% du financement des entreprises vient des marchés. Chez nous, c’est le contraire. Enfin, ce nouveau modèle devrait accélérer la relocalisation des chaines de production, phénomène déjà en marche avec un commerce mondial qui croit moins vite que le PIB alors que le multiplicateur était de 2 auparavant. L’assemblage en Chine il y a 10 ans correspondant à 70% des exportations, aujourd’hui il est tombé à 30%. La demande intérieure croit plus vite en raison d’une hausse du pouvoir d’achat et avec pour conséquence une baisse de la compétitivité salariale. Nous assistons à une demondialisation du commerce des biens et parallèlement à une globalisation des services, notamment financier.


Face à cette nouvelle donne, deux choix s’offrent à nous : soit la croissance par l’ouverture au monde et la réforme, soit un déclin très rapide dans l’immobilisme. Les dés sont jetés ?

Simon Quiret

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