10 vœux pour ne pas rater son développement touristique (1ère partie)
1. Investir dans une vraie gouvernance
La destination touristique est une construction, une mise en réseau et non une collection d’acteurs juxtaposés. Multiplier les organisations couteuses, qui se juxtaposent en silo : un club des excursionnistes, un club des croisières, des associations d’hôteliers.., à défaut d’avoir une vraie gouvernance qui fait le lien entre les acteurs, et entre le public et le privé.
La gouvernance, c'est-à-dire l’orchestration des collectivités et des acteurs, la gestion de leurs participations dans une perspective stratégique commune, est un sujet essentiel à la valorisation de l’industrie touristique. Sa fonction ? Coordonner des acteurs et fédérer des compétences pour rechercher la cohérence, élaborer une stratégie concertée, renforcer la connaissance des acteurs (analyse sectorielle – observatoire du tourisme – définition et mesure sociétale de l’industrie), partager des axes stratégiques qui servent chacun des maillons, évaluer l’impact et la cohérence des axes déclinés, pour permettre des ajustements liés à l’évolution des acteurs, du contexte, et des concurrents, notamment.
Bref, un mécanisme concerté favorisant une approche interministérielle pour envisager une politique touristique à long terme, fondée sur une vision coordonnée, est essentiel pour le développement du tourisme durable et pérenne (cf. « Tourism Task Force » en Islande) .
2. Co-construire avec la population la stratégie touristique qui lui convient
Confondre Hôtellerie et Tourisme : Avoir un objectif de volume pour augmenter son taux d’occupation et imposer un schéma touristique aux autres opérateurs sans considération de leurs valeurs, de leur environnement et de leurs objectifs, c’est considérer que ce sont les hôtels qui font l’attractivité de la destination.
Prendre la posture de l’hôtelier de Nouméa et décider d’un développement qui s’impose à la population Au lieu de faire avec la population hôte pour faire émerger une véritable identité propre au territoire, l’âme, le « WHY », ce qui va motiver le touriste dans sa recherche d’un voyage exploratoire.
La chaine de valeurs de l’industrie touristique doit compter sur toute la population calédonienne (à la fois consommatrice, prescriptrice et entreprenante) et pas seulement sur les professionnels.
Associer la population à la détermination des volumes et des cibles développera le nécessaire processus d’appropriation et d’ouverture au développement touristique.
3. Décider d’une stratégie et d’indicateurs cohérents
Plutôt que de poursuivre un positionnement flou et de ne pas savoir renoncer à certains marchés ; Viser large et volume en vendant/bradant des séjours, des chambres d’hôtel, comme UNILEVER le fait de sa lessive à tout prix et sur un marché de masse pour générer du volume, et compter le nombre de touristes débarquant à Tontouta, est contraire à l’affirmation que « la NC est une destination de non-masse ». Au lieu de ratisser large, pour faire du nombre, faute d’avoir décidé de nos publics cibles et ainsi diluer les moyens et l’image de la destination, il faut identifier des clientèles spécifiques, au lieu d’agir uniquement sur les segments de marchés usuels, ajuster les cibles pour en tirer le profit optimal, plutôt que de tenter encore et toujours une approche plus globale qui risque de ne satisfaire qu’une demande approximative et par conséquent limitée.
Par exemple : considérer que la croisière se réduit aux paquebots de 2.000 et bientôt 3.000 passagers ; N’est-ce pas manquer de cohérence quand on veut s’afficher destination de « non-masse » ?
Alors que la contribution économique de la petite croisière de luxe, d’un grand navire de plaisance, peut être aussi importante que 10.000 croisiéristes mais beaucoup moins invasive.
4. Elaborer et suivre des indicateurs pertinents
Ne mesurer la performance du secteur qu’au nombre de croisiéristes et de touristes qui débarquent en NC et considérer que nous avons tout raté jusqu’à présent au vu du seul indicateur que tout le monde a en-tête : 110.000 touristes ! C’est l’indicateur qui répond à un objectif de tourisme de masse. Or, on parle bien de viser une clientèle à haute contribution pour un tourisme de niche.
La faible densité touristique d’aujourd’hui est un atout, tout comme la faible standardisation de l’offre ; nous avons une offre plutôt authentique qui correspond à de petits flux et nous n’avons pas travesti notre patrimoine, ni la riche diversité culturelle de ce pays.
Une mesure pertinente si l’on considère vraiment que la NC est une destination de non-masse, serait de comparer la courbe des volumes d’arrivées à celle des dépenses touristiques ; c’est le rapport entre ces deux courbes qui donnerait la mesure de la valeur des efforts et leur pertinence par rapport aux objectifs du secteur.
5. Prendre conscience des vrais atouts stratégiques de la NC
Se comparer aux autres états et pays insulaires de la zone, et vouloir faire autant qu’eux : penser industrie, low-cost, resorts all-inclusive, forlklorisation et rester confronté à cette concurrence impossible qui se joue sur les prix par effet de volume ?!
schéma d'un Nouveau champ stratégique
Il nous faut construire une identité suffisamment tranchante pour sortir de la compétition frontale que l’on connait avec les autres destinations de la zone : Promouvoir une offre au-delà du produit ultra-marin classique, balnéaire tropical, révélant les éléments discriminants par rapport à la concurrence, en retravaillant le canevas stratégique :
Ce « nouveau champ stratégique » doit susciter une nouvelle représentation « upgrade » de la Nouvelle-Calédonie dans tous les esprits.
Le seul portefeuille de ressources (naturelles et créées) –ce que j’appelle le « what »- n’est pas en mesure de motiver la valeur de la destination. Il convient de l’habiller d’expériences, de valeurs affectives (« Why, ce pourquoi on le fait ») partagées par une communauté d’usagers, qu’ils soient touristes mais aussi résidents.
Par exemple, la Nouvelle-Calédonie peut être considérée comme un « véritable laboratoire territorial[1] » :
· un laboratoire d’étude pour une biodiversité exceptionnelle[2] (recherche d’hydrocarbures dans la Zone Economique Exclusive, étude des bactéries marines, « pristine seas »[3]…)
· une organisation politique unique pour la construction d’un avenir en paix (modification de la loi organique) et un transfert de compétences organisé,
· des outils de développement économique provincial, et de capital risque,
· une usine de traitement du nickel au procédé métallurgique unique au monde
· territoire d’innovation en matière d’aquaculture, par exemple,
· terre d’excellence, grâce à un nombre phénoménal de sportifs de haut niveau, et d’évènements de portée mondiale (triathlon, windsurf, etc…)
Nombreux sont les exemples illustrant la singularité de cette île du Pacifique et dont ce trait spécifique de caractère n’est pas suffisamment valorisé alors qu’il génère une compétitivité accrue et justifie un positionnement haut de gamme éloigné du tourisme de masse.
[1] (GAY, 2014)
[2] (Portail de la Biodiversité de NC, 2010)
[3] La NC détient 33% des récifs « pristine » non affectés par l’humain sur la planète
Telecommunication Integration Expert & Field Technical Engineer at Nokia
7 ansMes meilleurs vœux mon ptit, Grand JM pour cette nouvelle année.