La vérité sur les Startups, mythes et réalités : partie 2
Dans mon article précédent, j’ai abordé la question du mythe voulant que la startup et l’entreprise en démarrage soient la même chose et j’ai expliqué ces deux méthodes de développement d’affaires. Maintenant, je vous propose d’explorer un deuxième mythe sur la croissance de la startup d’aujourd’hui, en comparant le modèle du nouveau mouvement Startup avec celui du démarrage d’entreprise classique et celui axé sur le développement de clients (Customer Development).
Mythe 2. La startup d’aujourd’hui a un développement exponentiel
Comment se développent les organisations qui s’appellent aujourd’hui «startup»?
J’ai observé le mouvement de startups d’aujourd’hui à Québec et je constate que la plupart des activités d’incubateur et de concours pour les nouveaux entrepreneurs sont orientées vers les dons, les bourses, le financement et le capital de risque. On ne produit plus de plan d’affaires, on utilise le business canevas pour valider une idée de projet et… on cherche du financement pour développer le projet ou l’entreprise. À la fin, on le commercialise.
Alors, examinons le modèle classique de démarrage d’entreprise avec le plan d’affaires :
Si on compare les processus du développement des startups d’aujourd’hui avec ceux du plan d’affaires, on constate que les deux modèles débutent par une idée et fonctionnent sur le principe d’exécution. Puisqu’à une certaine époque le financement était toujours difficilement accessible pour le lancement d’une entreprise, alors le mouvement Startup a avancé cette étape, en donnant un accès rapide pour démarrer une entreprise.
Une autre approche Startup Compass propose la croissance de startup de façon suivante :
À première vue, ce modèle présente une image assez optimiste, mais regardons maintenant chaque étape d’un peu plus près. Dans un premier temps, on commence avec une idée que l’on valide ensuite à la deuxième étape (problème-solution) : on vérifie si la solution résout un problème significatif et si quelqu’un est potentiellement intéressé par cette solution.
Autrement dit, le processus débute par une solution à valider, à l’opposition du processus de développement de client (Customer Development) qui, lui, commence par la découverte des besoins des clients avant même d’avoir une idée d’un produit ou service :
À l’étape de Problème-solution, les startups d’aujourd’hui peuvent déjà prévoir leur financement par un ami ou par la famille.
Ensuite, lors de validation, les startups vérifient si les utilisateurs et les clients sont intéressés à acheter cette offre. C’est aussi le bon moment pour recevoir de l’investissement de la startup part d’un ange financier. Cette étape de validation ressemble un peu à l’étape de création des clients lors du développement (Customer Development) dans la phase d’exécution de deux méthodes. Par contre, si les startups valident le projet auprès des anges financiers, la méthode Customer Development valide le futur produit auprès de vrais clients :
Par ailleurs, si l’approche développement de clients (Customer Development) fait le pivot au moment de la création de proposition de valeur lors de la conception, les startups le font lors de l’exécution, ayant déjà le financement en main.
Elles engagent les premiers employés et alignent leur produit aux besoins du marché (product/marcket fit). Quant au modèle du développement de client (Customer Development), ce « fit » entre le problème et la solution se réalise encore une fois lors de la conception, avec un minimum de risque (sans financement) et un minimum de dépenses.
À l’étape de l’efficacité des startups d’aujourd’hui, ces dernières évoluent dans leur modèle d’affaires et assurent l’efficacité du processus d’acquisition de clients et de l’expérience client affinée. (C’est seulement maintenant quand on parle de l’expérience client dans leur contexte!). À ce moment, elles choisissent des canaux d’acquisition et leur revenu est prévisible et fiable. Autrement dit, c’est une étape de commercialisation, ce qui ressemble beaucoup au développement d’une entreprise classique : on fait des prévisions, on produit un plan d’affaires et ensuite on promeut nos produits ou services. Le développement de projet ressemble aussi au développement de produit en cascade : on définit les besoins, on produit, on vérifie et on maintient. La seule différence c'est dans le pivot après l’étape de l’implantation :
Revenons un instant à la question soulevée dans mon article précédent où je parle de retour en arrière au cas d’erreur après la troisième étape, l’implantation. L’étape de vérification arrive à la fin de trois processus : l’analyse des besoins, le design et (surtout!) le développement, qui gruge habituellement une bonne partie du budget. Alors, s’il arrive un problème, il faut tout reprendre depuis le début, et on risque de découvrir d’autres erreurs et leurs conséquences, et ce qui peut coûter extrêmement cher. De plus, comment peut-on contrôler les processus d’acquisition des clients si l’expérience client n’était pas définie avant que l’entreprise passe en mode exécution? Que feront les startups si le client ne répond pas et si leur revenu n’est pas aussi fiable que prévu? Un autre prêt? Un autre investisseur?
La plupart des startups échouent plus à cause d’un manque de clients qu’à cause d’un défaut de développement de leur produit. Steve Blank
Si on compare encore ce modèle avec celui du développement de clients (Customer Development) de Steve Blank, l’expérience client est bien conçue au début de tous les processus et les premiers clients sont déjà acquis AVANT que démarre la construction de l’entreprise, avec tous les parties du modèle d’affaires bien validées (y compris les canaux de distribution) :
La dernière étape du modèle des startups, le Surdimensionnement, est quand les startups d’aujourd’hui vivent une abondance totale de vente, « une croissance agressive » et la domination complète de son segment de client. C’est une étape irréaliste, à mon avis. Premièrement, le point de départ du processus de développement des startups d’aujourd’hui néglige un élément essentiel : l’idée ne vient pas d’un problème ou d’un besoin et ne vise donc pas l’apprentissage ni la création de proposition de valeur. Deuxièmement, on échappe à la réalité une deuxième fois à l’étape de l’efficacité, car on avance en pleine certitude du revenu à venir et de tous les processus à suivre. Finalement, si dans le développement de clients (Customer Development) on commence avec un maximum de production et un minimum de risques et de dépenses, du côté des startups actuels, on commence par un maximum de risques et de dépenses et on augmente ensuite la production.
La ligne exponentielle de la dernière étape ressemble plus à une prévision souhaitée, aussi comme on prévoit le revenu lors de démarrage classique de l’entreprise. Mais dans la vraie vie des startups d’aujourd’hui les choses se passent différemment. Les startups développent leurs affaires par l’ancienne méthode bien connue comme la « bouche à oreille » (cela explique d’ailleurs la popularité de 5@7), et leur ligne de croissance va vers le haut plutôt que de façon linéaire. Si elles ont de la chance. Sinon, elles visent le top-down de façon exponentielle.
Les startups d’aujourd’hui présentent pour moi un modèle modifié de l’entreprise en démarrage qui a un accès plus rapide au financement, mais il ne s’agit pas de création de valeur qui provient du vrai problème du client. Les processus de démarrage ont été déplacés, les titres ont été changés, mais le principe reste toujours le même : le financement et l’exécution. Puisque les startups d’aujourd’hui se développent finalement de façon linéaire, leur dernière étape se présente plutôt comme la commercialisation (marketing) de leur produit ou service que le surdimensionnement.
En fait, je vois la création des startups comme l’accélération de développement de nouvelles entreprises pour les statistiques de la croissance du nombre de startups, mais pas pour la nécessité de création de la richesse pour la société. Souvent les startups visent des opportunités économiques à court terme qui ne sont pas orientées dans l'intérêt public, car elles cherchent plutôt à financer ce qui est dans leur propre intérêt. Pour y accéder, elles deviennent des machines à exécuter ce que les « anges financiers » acceptent de financer.
Est-ce de la faute des startups ?
D’un autre côté, je me demande si c’est vraiment de la faute des startups. Comme une petite société est un micro modèle d’une grande société, les startups d’aujourd’hui me semblent être le résultat de notre culture. Je remarque que les politiques des organisations travaillant auprès des entrepreneurs et des startups en particulier, ne sont pas non plus orientées vers les besoins de leurs clients, mais bien vers les groupes financiers et les investisseurs. Par exemple, toutes les activités entrepreneuriales sont alignées sur les dons, les bourses et le financement, et la moitié des participants aux activités de réseautage proviennent du secteur financier. Je propose de faire une petite expérience. Après une soirée de réseautage, classez les cartes professionnelles ramassées en deux piles : l’une provenant du secteur financier et l’autre de tous les autres secteurs. Vous y trouverez l’égalité!
Pour ce qui est du mode de fonctionnement, nous procédons toujours en mode exécution : nous développons des produits dont nous ne connaissons pas vraiment l’utilité, comme la caméra Re, par exemple, et nous visons des développeurs comme la clé du succès de produit. Nous avons produit des désastres numériques comme SAGIR et d'autres classés déjà sous le nom « le bordel informatique ». Actuellement nous parlons beaucoup de ville intelligente et nous proposons déjà « des initiatives concrètes AFIN de créer de la valeur pour les citoyens » ! Nous sommes tous alors dans la même machine!
On ne peut pas résoudre un problème avec le même type de pensée que celui qui a servi à le créer. Albert Einstein
Si nous avons une belle voiture luxueuse intégrant toutes les nouvelles technologies et un réservoir rempli d’essence, mais que nous n’avons pas de moteur pour faire fonctionner cette voiture, peu importe combien d’essence nous y mettrons, elle ne bougera pas. C’est la même chose avec la startup d’aujourd’hui, où le moteur se compare à l’expérience client et l’essence au moyen financier. Même si nous avons intégré le business canevas, les incubateurs et le financement pour faire avancer nos projets, mais si nous n’avons pas créé de valeur pour les clients, notre entreprise sera toujours dysfonctionnelle.
Pour mieux saisir la ressemblance entre les startups d’aujourd’hui et le modèle de démarrage classique, voici le résumé imagé :
Naturothérapeute : consultante et animatrice d'ateliers favorisant la santé globale (coeur, corps et esprit)
10 ansExcellent article, précis et très bien détaillé, qui mérite d'être pris en considération. Merci et bon succès.
Présidente Sialicious.com
10 ansWow tout un réalisme !!!!!
Président de Gestion N. Lootzak Inc.
10 ansEn tant que coach d'affaires en entreprises au Québec, je suis très impressionné par l'aspect "pratique" des modèles que tu nous présentes ! Je trouve ton article très pertinent et j'espère que plusieurs entreprises sauront les comprendre/utiliser afin de garantir leur pérennité. Sois assurée que je vais incorporer tes supers schémas (qui nous permet de visualiser ces concepts) dans mon nouveau programme de formation qui sera offert aux TPE/PME du Québec en novembre prochain. Continue Tatiana Y. ton excellent travail !!!
Associé - Directeur de projet sénior
10 ansDes observations justes et documentées. Très bon !
Vice-président de l'exécutif et conseiller municipal chez Ville de Québec
10 ansTrès bonne analyse Tatiana