2017 : Le mouvement populaire doit prendre la main

2017 : Le mouvement populaire doit prendre la main

Par Pierre LAURENT,

Hier, dans tout le pays, une mobilisation sociale d’ampleur, la première de cette importance depuis le début du quinquennat, a vu converger jeunes et salariés pour exiger le retrait de projet de loi El Khomri.

L’issue de la bataille engagée est essentielle. François Hollande et son gouvernement peuvent et doivent être battus. Ce combat appelle l’engagement total des communistes car, comme le disent autour de nous de très nombreux salariés, « trop c’est trop ». La loi proposée, parfaitement décryptée dans le numéro spécial de l’Humanité qui mérite la plus large diffusion, ne fera pas reculer le chômage, qui continue de progresser de manière alarmante, mais amplifiera la généralisation de la précarité. Notre époque appelle à l’inverse un nouvel âge de la Sécurité sociale et de la réduction du temps de travail.

Loin de la modernité frelatée que nous vend le pouvoir, le projet du gouvernement, écrit sous la dictée du Medef, prépare une société d’insécurité, fragilisée. Nous pensons qu’une autre vision, celle d’une société de partage, est possible en combinant un changement profond du travail et une sécurité d’emploi et de formation qui remette à l’ordre du jour l’objectif d’une société débarrassée du fléau du chômage.

Battre la loi El Khomri

Les communistes, au premier rang desquels les jeunes et les étudiants communistes, nos parlementaires et tous nos élus, sont totalement impliqués. Cet engagement doit conforter l’élargissement, l’unité et la durée du mouvement engagé. La clé de la victoire est l’ampleur de la mobilisation populaire et la pression qu’elle doit mettre sans tarder sur le Parlement: pas une voix de gauche ne doit voter ce projet, et il sera mis en échec.

Utile pour l’avenir du pays, de la jeunesse et des salariés, cette bataille et la victoire possible peuvent également l’être pour la reconstruction d’une alternative de progrès au pouvoir de François Hollande. En effet, les forces populaires indispensables à cette reconstruction sont précisément celles qui se mobilisent en ce moment. Comment et par quel chemin ? C’est l’objet de nos discussions préparatoires au congrès de juin. Les médias m’interrogent : « mais avec qui voulez-vous préparer 2017 ? », je réponds clairement : « le périmètre des forces à rassembler, c’est toutes celles qui s’opposent à la loi El Khomri ». Mais soyons lucides : au-delà de leur opposition à cette loi, leur unité politique pour constituer une réponse politique alternative au piège de 2017 ne va pas de soi. La construire demande des initiatives politiques.

Un débat sain et enrichissant des communistes

Quelles initiatives politiques ? La discussion des communistes préparatoire à notre prochain congrès bat déjà son plein sur ce point autour de la base commune adoptée à une très large majorité par le Conseil national. C’est en effet la partie du texte qui suscite le plus de questionnements, de positions différentes, voire tranchées. D’ores et déjà, les échanges montrent que ce texte devra être enrichi et amélioré à partir de ces questions.

Cela ne doit ni nous étonner, ni nous effrayer, car chacun d’entre nous a en tête que nous sommes dans une situation paradoxale et difficile, où cohabitent sans cesse potentiels de rassemblement et dangereuses impasses politiques. Le Conseil national du 15 avril, que nous avons décidé début mars, devra commencer à prendre compte les évolutions de la situation et tous ces débats.

C’est ensemble, par des décisions démocratiques issues d’un libre débat, que nous trouverons les réponses les mieux adaptées.

Cette procédure démocratique permet l’unité de notre parti à laquelle, comme secrétaire national, je veille avec le plus grand soin. D’ores et déjà, et parce que je souhaite un débat clair et loyal, je sens nécessaire de préciser ce que nous cherchons ensemble dans ce débat. J’entends dire parfois que nous souhaiterions « une primaire de toute la gauche de Macron à Mélenchon », voire que nous serions déjà presque prêts à nous rallier, devant le danger de droite ou pour sauver quelques sièges de députés, à « mener la campagne derrière Hollande ». Ecartons ces caricatures, qui n’ont rien à voir avec nos objectifs, pour parler des problèmes que nous devons résoudre.

Le piège de 2017…

Périlleuse, la situation l’est indiscutablement. Après dix ans de droite et un quinquennat de Hollande où les pouvoirs successifs se sont employés à détricoter systématiquement notre modèle social et républicain, les appétits prédateurs du patronat se sont aiguisés. Le mouvement social et populaire, l’électorat de gauche sont profondément marqués par ces expériences et singulièrement la trahison du quinquennat Hollande, qui semblant fermer la porte à toute alternative, ont installé une défiance profondément ancrée, principal terrain de manœuvre du FN. La conscience de classe, la conscience politique de gauche se sont affaiblies et les forces politiques et sociales de progrès sont profondément divisées. Cette déstabilisation est particulièrement ressentie par les millions d’électeurs de François Hollande au premier tour de 2012, largement les plus nombreux à gauche. Quelles conclusions vont-ils tirer de cette période ? Le renoncement définitif, le désarroi ou le ressaisissement ? L’issue de leurs choix individuels et collectifs pèsera très lourd dans la balance, lors des deux élections, présidentielle et législatives.

Cette situation engendre deux difficultés conjointes.

La première est évidente : si rien ne bouge d’ici 2017, tout conduit à un second tour de l’élection présidentielle où les électrices et électeurs devront faire leur choix entre le candidat de la droite et Marine Le Pen. On imagine les conséquences durables d’un tel choc, le désarroi du mouvement progressiste, surtout si aucun parti, aucune force, n’a tenté ou n’est parvenu à conjurer un danger mortel pourtant largement annoncé.

… est-il bien mesuré?

La seconde question suit : Est-il possible de construire une candidature de gauche, porteuse d’un projet de gauche, autrement dit en ? rupture avec la politique Hollande-Valls, capable de rassembler suffisamment pour être susceptible de mettre en échec ce danger prévisible ? A l’heure qu’il est, la dispersion maximum reste le scénario le plus probable. Nous sommes à plus d’un an de la présidentielle, déjà le NPA, le MRC et LO ont annoncé leurs candidats.

Jean-Luc Mélenchon, lui, a « proposé sa candidature », hors cadre collectif, en déclarant dépassé le Front de gauche et « hors cadre des partis ». Pour être décidée où? Quand? Par qui ?

Tout se passe donc comme si chacun avait intégré la prévision d’un deuxième tour droite radicalisée - FN comme une fatalité.

Chacun se défend en estimant que l’opposition à Hollande justifie sa candidature. Certes, pour échapper au duel droite-FN, une candidature de gauche en rupture avec les choix du quinquennat est nécessaire. Mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante.

Elle doit aussi chercher à s’appuyer sur le socle populaire et politique le plus large possible. Si nous n’acceptons pas que les échéances de 2017 conduisent ainsi notre pays dans une régression sociale et politique durable, je suis convaincu que le Parti communiste ne serait pas à la hauteur de son histoire s’il ne faisait pas tout ce qu’il peut, tout ce qu’il doit pour bousculer la donne. Le moment est venu d’initiatives politiques nouvelles.

C’est ce que propose la base commune adoptée par le Conseil national.

Des initiatives majeures et innovantes du Parti communiste Ces initiatives politiques, nous leur donnons l’objectif de construire un nouveau front populaire et citoyen, un large front social et politique qui fasse converger les forces de la gauche et de l’écologie politique, les forces syndicales, le mouvement social,

le monde du travail et de la création, pour ouvrir un chemin neuf pour la France, pour écarter le danger de la droite et de l’extrême droite, pour construire une nouvelle majorité.

Comment? D’abord par la politisation dans les mobilisations, celle contre la loi El Khomri, celle qui est en train d’aboutir à la mise en échec de la déchéance de nationalité, celles dans les luttes pour l’emploi industriel ou pour la défense de l’avenir du monde paysan, afin de faire émerger la conscience de nouveaux objectifs politiques partagés. La jeunesse prendra-t-elle par exemple une part active de ces constructions ? Voilà une question d’importance pour la suite des événements.

Hollande n’est pas « le candidat naturel » et ne sera pas notre candidat Ces initiatives politiques, elles consistent aussi à revaloriser l’enjeu des élections législatives, pour impulser dans la durée une autre conception du pouvoir et de la démocratie, non assujettie au présidentialisme. Les élections législatives peuvent être un chemin précieux de reconquête politique populaire sur le terrain.

Ces initiatives politiques, c’est aussi évidemment une autre construction présidentielle à partir de l’investissement citoyen.

Le pouvoir Hollande-Valls est affaibli. Même si le Président sortant prépare sa candidature, l’idée grandit qu’il est la candidature de l’échec. Les appels à des primaires à gauche ont rouvert le débat, en contestant à Hollande le statut de « candidat naturel ». C’est pourquoi nous n’avons pas fermé cette porte.

C’est pour éliminer Hollande que nous proposons de construire une primaire résolument citoyenne, bâtie sur un socle d’abord discuté au grand jour dans tout le pays. Est-ce possible ? Je le crois, mais j’entends le scepticisme. Débattons-en sans caricatures inutiles.

Ceux qui s’opposent à la loi El Khomri garderont-ils la main?

Comment construire une primaire citoyenne qui s’adresse aux 1,4 million de signataires, aux grévistes et manifestants contre la loi travail, aux millions de déçus de Hollande, à ceux qui refusent les dérives sécuritaires et liberticides des réformes constitutionnelles et du droit pénal. A ceux qui refusent l’austérité pour la France et pour l’Europe.

Ces citoyens, ces salariés, ces jeunes qui aujourd’hui se battent de front contre la politique de Hollande garderont-ils la main en vue des échéances de 2017, ou la lâcheront-ils quand il s’agira de passer aux urnes ? Dans les conditions à bien des égards inédites de cette échéance, la primaire que nous investirions peut-elle leur permettre de choisir, de dire voilà quelle France nous voulons, voilà comment doivent se passer les élections déterminantes de 2017, voilà quel candidat, quelle candidate nous choisissons pour cela.

 

Une consultation populaire sans précédent

C’est pourquoi tout doit démarrer à nos yeux par une discussion politique géante avec notre peuple. C’est le sens de la « grande consultation citoyenne » que nous proposons. Nous savons le rejet de la politique, la rupture démocratique qu’ont entraîné les pratiques politiques de la droite, les reniements de François Hollande et plus généralement les dérives de nos institutions. Nous voulons y répondre en produisant et en proposant une consultation populaire permettant d’aller à la rencontre de 500 000 personnes.

C’est une initiative exigeante, elle demande de se tourner avec confiance vers notre peuple et nécessitera de grands efforts militants.

La décision appartient aux communistes

En se tournant vers celles et ceux qui se dressent contre la politique Hollande, en ouvrant avec eux le débat politique, en les invitant à prendre la main sur les échéances de 2017, nous sommes fidèles aux orientations qui nous ont conduits à créer le Front de gauche. C’est le mouvement populaire qui a en main les clés du changement. Beaucoup dépend des efforts politiques que nous allons consentir.

Nous proposons des initiatives en faisant le pari de l’intelligence collective et populaire, dans une situation mouvante et incertaine.

Les communistes devront se prononcer sur toutes les questions. Sur nos orientations à l’occasion du choix de la base commune début mai puis au congrès en juin. Sur la candidature et le choix du candidat ou de la candidate que nous soutiendrons ou présenterons le moment venu. Aucune de ces décisions n’échappera aux communistes, à leur vote. Encore une fois, c’est la garantie, à laquelle je veillerai, de l’efficacité et de l’unité de notre parti.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Pirrottina Michel

Autres pages consultées

Explorer les sujets