6 bonnes raisons pour en finir avec le management par les objectifs
1-Le management par les objectifs est inadapté aux réalités du travail d'aujourd’hui. Il n’est pas agile. Le morcellement du travail et l’accélération des changements dans les entreprises a pour effet de remettre quasi quotidiennement en question les objectifs fixés en début d’année. Soit que de nouvelles priorités se font jour, soit que les projets phares soit remisés, chassés par d’autres projets que l‘actualité vient mettre au devant de la scène. C’est le cas des DSI et de l’ensemble des services internes des entreprises soumis à la variabilité des priorités. La capacité des managers et de leurs équipes consiste alors bien plus à endiguer et à s’adapter aux changements qu’à réaliser des objectifs. « Comment je fais mes entretiens annuels avec mes chefs de projets dans un contexte où la moitié de nos projets sont annulés ou reportés en cours d’année », me demandait récemment un responsable de DSI.
2-L’objectif n’est que la partie immergé de l’iceberg alors que la valeur ajoutée reste invisible. Les efforts, astuces, compétences déployées pour les atteindre reste à jamais « inévaluées » et donc inexploitées. Car l’évaluation par les résultats chiffrés ne pose jamais la question du comment on a fait pour…et empêche de capitaliser les bonnes pratique et d’enrichir l’entreprise et l’équipe. Dans certaines entreprises les bonnes pratiques sont devenues des secrets jalousement gardés procurant un avantage concurrentiel aux salariés pour leur permettre de rester au TOP du classement mensuel. Un manager dirigeant des équipes d’intervention technique dans le domaine des réseaux hertziens s’est insurgé lors d’un séminaire, à l’évocation des outils d’analyse et de partage des pratiques professionnelles comme outil efficace de développement des compétences, en disant : « qu’ils ne pourraient jamais demander à ces agents de partager leurs expertise. Ce serait les mettre dans une situation de handicap vis-à-vis de leurs collègues ». Tu donnes, tu perds !
3- Plutôt que d’ouvrir, le management par objectif restreint considérablement le développement des personnes et des équipes. C’est un mode déménagement à œillères. La focalisation sur les objectifs individuels détruit la solidarité et l’esprit d’équipe. Christophe Desjours le dénonce depuis des années et décrit bien comment ces modes de management rendent les individus profondément individualistes alors que dans le même temps on exige d’eux plus de coopération…mais sans changer les modes d’évaluation. Un manager d’un centre d’appel spécialisé dans le recouvrement de créance et dont le mode de management est particulièrement centré sur les résultats, me faisait un jour cette confidence : « je ne peux plus rien demander à mon équipe. Chaque fois que je leur demande de s’investir dans des actions collective, je me heurte à un refus ».
4-Le management par les objectifs rend bête. C’est la fin de l’intelligence et de la créativité voire de l’étique. Tout individu soumis à une pression forte des résultats va adopter une attitude qui consiste à obtenir le maximum de résultat avec le minimum d’effort, de recherche et d’investissement. Si la stratégie peut se révéler payante à court terme elle est à terme un appauvrissement global pour l’entreprise.
5-Le management par les objectifs peut conduire à des catastrophes. Rien de mieux que l’histoire relatée dans le rapport de la commission d’enquête sur les attentas du 11 septembre (un livre passionnant !) à propos du FBI pour comprendre les effets pervers du management par les objectifs. Dans les années Reagan, de nombreuses administrations se sont vues contraintes d’évaluer leur performance en fonction de critères chiffrés. L’attribution des budgets en dépendait largement. C’était le cas aussi du FBI et le critère phare était le taux d’élucidation des affaires. Les agents du FBI se sont mis très vite sur des affaires à élucidation rapide pour faire grimper les indicateurs, délaissant les affaires de terrorismes, longues, difficiles et pour lesquelles les résultats s’obtiennent après des années d’infiltration des réseaux. C’est une des explications sérieuses données par la commission d’enquête et qui explique l’indigence des fédéraux à prévoir les événements que l’on connait, alors qu’ils avaient de nombreux éléments probants sous les yeux.
6-Il n’y a rien de plus subjectif qu’un objectif ! Si de nombreuses entreprises ont adopté des modes de management par les résultats quantitatifs, un bon nombre d’entre elles se sont rendu compte que ça n’était pas suffisant. Elles ont alors décidé (c’est le cas des centres d’appel et de relation clients mais aussi de grandes entreprises pour son personnel commercial) d’ajouter à leur critères de performance des critères qualitatifs. Les employés de ces structures se voient aujourd’hui donc évalués sur des critères de qualité de la relation client par exemple, critères qui entrent en ligne de compte pour le calcul de leur prime. « Tu dois faire plus 10 sur le quali ce mois-ci !, entend t-on dans certaines structure ». « C’est impossible à évaluer avoue ce responsable d’agence spécialisée dans les prestations sociales, on a tout essayé, les écoutes mais à raison de 25 agents par manager, s’ils arrivent à faire 2 écoutes par an c’est le bout du monde. En quoi est-ce représentatif nous disent les agents ? Les clients mystère aussi, mais là on a tenté une fois et compte tenu du coût et du retour sur investissement on a vite abandonné ! Et puis on passe plus de temps à évaluer qu’à faire notre vrai job de manager. Mais lorsque je passe sur le plateau je vois très vite les conseillers qui ne savent pas faire et je n’ai pas besoin d’objectif qualitatif pour les repérer et les faire progresser ». Evaluer ou manager, il faut choisir ! « C’est très subjectif nous confiait un manager de proximité de cette même structure. Si on veut que ce soit objectif il faudrait vérifier que le dialogue client est bien respecté et que le conseiller utilise les bons mots. Mais nos clients n’apprécient pas, ça a vite un côté robotisé qui leur déplait. Alors qu’en étant eux même tout en restant professionnels certains conseillers reçoivent des mails de remerciement et même des cadeaux quelquefois, c’est arrivé. Mais je ne peux pas utiliser ça comme critère d’évaluation ! Alors on finit par mettre une note consensuelle lors de l’entretien !».