Abandon du portail public de facturation : l'État impose discrètement aux entreprises une #TaxePDP
Pour ceux qui n'auraient pas suivi l'actualité récente sur la réforme de la facturation électronique, je commencerai pas un petit rappel : le ministère du budget a publié le 15 octobre 2024 un communiqué de presse sobrement intitulé L'État accompagnera la généralisation de la facturation électronique entre entreprises. Dans ce communiqué de presse se cache une phrase qui peut paraître anodine : "Dans ce contexte, le projet sera poursuivi en privilégiant la construction d’un annuaire des destinataires, indispensable aux échanges entre les plateformes, et d’un concentrateur des données permettant leur transmission à l’administration fiscale." C'est dans un post de la DGFiP sur LinkedIn publié quelques heures plus tard que l'administration a clarifié ce qui se cachait derrière cette phrase anodine : la DGFiP y affirme que toutes les entreprises devront passer par une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) pour émettre leurs factures, non seulement pour leurs factures B2B mais aussi pour leurs factures à destination de la sphère publique (que les entreprises envoient aujourd'hui gratuitement par Chorus Pro).
Pour rappel, la réforme de la facturation électronique prévoyait depuis le début deux possibilités de raccordement pour les entreprises :
A ce stade, Akretion avait fait le choix de développer un module opensource pour Odoo qui implémenterait les APIs du PPF pour envoyer et recevoir des factures électroniques au format Factur-X et/ou UBL.
Mais voilà que Bercy décide soudain d'abandonner le PPF et de forcer toutes les entreprises à choisir une PDP pour émettre et recevoir leurs factures électroniques. Cette trahison de la promesse initiale de la réforme survient à moins de 2 ans de l'échéance du 1er septembre 2026, date de démarrage de la réforme !
Bercy met en avant le fait qu'il existe déjà 70 candidats PDPs qui ont reçu le statut immatriculé sous réserve et que ce large choix doit permettre à chaque entreprise de trouver l'offre qui lui convient le mieux. Parmi ces 70 PDPs immatriculés sous réserve, combien obtiendront l'immatriculation finale ? Les entreprises vont donc devoir choisir une PDP immatriculée sous réserve et réaliser les développements logiciels pour utiliser les APIs du PDP qu'elles auront choisi... sans oublier un plan de secours au cas où le PDP initialement choisi n'obtienne pas son immatriculation finale ! L'interfaçage entre un logiciel de facturation/comptabilité et une PDP nécessite des développements logiciels conséquents qui mettent en jeux de nombreux appels d'APIs. Les flux à implémenter sont nombreux :
Passer d'une PDP à une autre sera une tâche longue et donc coûteuse pour les entreprises. Obliger les PDPs à proposer une API de raccordement standardisée serait une façon de réduire les coûts et de favoriser la concurrence entre PDP, mais, à ce stade, le cahier des charges d'immatriculation des PDPs ne le prévoit pas. Bercy aurait pu annoncer cette nouvelle exigeance pour l'immatriculation des PDPs en même temps que l'abandon du PPF, mais ce n'est malheureusement pas le cas.
Si rien n'est fait, la situation pourrait ressembler à ce qui se pratique aujourd'hui pour la télétransmission de la TVA :
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Les entreprises désirant télétransmettre leur déclaration de TVA se retrouvent donc à rémunérer des intermédiaires privés dont la seule valeur ajoutée est de proposer une API que la DGFiP ne propose pas. Est-ce normal ? Qui sont les #Dindons dans cette histoire ?
Avec l'arrivée en 2016 de la plateforme Chorus Pro dédiée au traitement des factures à destination de la sphère publique (État, collectivités locales, fonction publique hospitalière), Bercy avait enfin fait le choix de l'ouverture en proposant un portail gratuit mais aussi des APIs librement accessibles à toutes les entreprises sans passer obligatoirement par des intermédiaires. Avec Chorus Pro, Bercy s'engageait enfin sur la voie des APIs ouvertes, dans la lignée de la doctrine des APIs dans l'administration élaborée par la DINUM (Délégation Interministérielle du Numérique).
Malheureusement, depuis l'annonce du 15 octobre 2024 sur la réforme de la facturation électronique, les vieilles habitudes du passé ressurgissent : Bercy renonce à la mise à disposition d'une plateforme et d'APIs ouvertes et gratuites et décide d'obliger toutes les entreprises à passer par des prestataires sélectionnés qui font payer leurs services d'intermédiation. Tout le monde sait bien que ce n'est pas en ajoutant des intermédiaires qu'on réduit les coûts ! Toutes les entreprises devront choisir une PDP, sans solution alternative possible. Pour les entreprises, c'est une sorte de nouveau péage numérique qui se profile à l'horizon ! D'où le terme de #TaxePDP utilisé dans le titre de ce billet !
Comme de nombreuses organisations professionnelles qui ont manifesté leur mécontentement par communiqué ou par voie de presse suite à la décision de Bercy (la CPME, la Fédération Française du Bâtiment, la Confédération des Grossistes de France, l'Union des Entreprises de Proximité, la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment et la Fédération Nationale des Travaux Publics), je tenais à exprimer mon désaccord en tant qu'entrepreneur sur l'abandon du portail public de facturation. Si le développement de ce portail est réellement trop long et trop complexe pour Bercy, il faut a minima que l'administration mette à la disposition des entreprises des APIs ouvertes et gratuites pour émettre et recevoir des factures électroniques, envoyer le e-reporting et accéder à l'annuaire, sans imposer le passage par une PDP. Étant donné que Bercy devra de toute façon mettre des APIs à disposition des PDPs, il ne devrait pas y avoir de surcoût majeur à permettre l'accès à ces APIs pour toutes les entreprises françaises.
Au délà de la réforme de la facturation électronique, l'accès à des APIs ouvertes et gratuites pour effectuer les déclarations administratives obligatoires devrait être un objectif à atteindre pour tout État moderne qui souhaite réellement simplifier la vie des entreprises. Toutes les déclarations administratives obligatoires devraient pouvoir être télétransmises par des API ouvertes et gratuites, à commencer par les déclarations à faire tous les mois :
Que ce soit pour la réforme de la facturation électronique ou pour les déclarations mensuelles obligatoires, il est plus que jamais nécessaire que Bercy mette à disposition des entreprises françaises des APIs ouvertes et gratuites. De mon côté, en tant que développeur et contributeur d'un progiciel de gestion opensource (Odoo), je m'engage à implémenter ces APIs dans des modules sous licence libre pour simplifier la vie des entrepreneurs au quotidien.
Chers entrepreneurs, n'hésitez pas à donner votre avis sur la récente décision de Bercy sur la réforme de la facturation électronique. Si, comme moi, vous refusez l'instauration d'une #TaxePDP et souhaitez la mise à disposition par Bercy d'APIs ouvertes et gratuites, prenez la parole !
⚜ Directeur associé chez TeMPO CONSULTING, Logiciels Libres de gestion d'entreprise | Expertise en Solutions Digitales | ERP | Production | Finance | Stocks | ⚜
1 moisImpensable de devoir payer pour déclarer son activité à l'administration fiscale. C'est comme si il fallait payer pour déclarer ses revenus. Impensable de ne pas pouvoir changer facilement de prestataire. C'est comme si changer de fournisseur téléphonique était payant.
ENSAB - CNAM/ICH
1 moisBonjour à tous les commentateurs et Alexis de Lattre, bien sûr. J'ai lu vos commentaires et il en en ressort ces remarques et interrogations: 1/ Vous n'aimez pas que l'on change la règle du jeu en cours de partie ce que je conçois. Aucun de vous n'aborde le sujet de la cyber sécurité qui devrait être THE subject quand on construit un tel magasin de jouets pour prédateurs de données. Les API, c'est chouette et indispensable bien sûr mais c'est comme comme une injection: on perce pour faire entrer le médicament et des microbes hors catalogue peuvent s'y glisser et c'est la septicémie! Je reçois des fausses factures Chorus que je jette à chaque fois. Sans déconner! ça va se passer comment à votre avis quand tout sera open bar et obligatoire, payant ou non? 2/ Aucun de nous n'est très adepte de la créativité de l'Etat en matière de nouvelles taxes quelque soit leur (dé)matérialisation "Dématérialisé" n'est pas le substantif de "gratuit"! Comment des gens qui vendent des honoraires comme la plupart d'entre vous qui ont commenté le post peuvent-ils vouloir que tout soit gratuit? De quoi vivez-vous? Sinon, pour le business, on est est dans le même schéma que celui des mutuelles d'entreprises imposées. Sauf que là, ça c'est vu!
Co-Gérant d'Adiczion
1 moisJ'ai également appris cette nouvelle la semaine dernière, et je n'en croyais pas mes oreilles. Je suis particulièrement indigné de cette décision qui oblige les entreprises a choisir un tiers pour pouvoir gérer sa facturation (au sens large).
Président fondateur/CEO chez Nuxly
1 moisMerci Alexis pour ton information, comme d'autres commentaires, je pense qu'il n'est pas trop tard pour faire changer cette décision, terriblement injuste envers les TPE et PME !
Chef de projet Odoo chez Scalizer
1 moisTellement décevant, mais il est encore temps de faire valoir un accès libre. Merci pour vos actions 💪