Abandon du programme hélicoptère FARA : attention aux mauvaises conclusions
images Bell et Boing

Abandon du programme hélicoptère FARA : attention aux mauvaises conclusions

On est parfois surpris par les décisions américaines. Cette décision concernant le programme FARA, de modernisation de l'hélicoptère de reconnaissance peut paraître étonnante, alors même que près d'un milliard de dollars ont été investis sur les démonstrateurs de Bell et de Sikorsky entre 2020 et 2023*.

On se rappelle que les américains ont déployé toute leur influence pour entraîner les européen sur leurs nouveaux programmes d'hélicoptères, au point de faire qualifier ceux-ci par un ministre des armées de « H 35 », en référence au F35, dont le coût exorbitant pèse sur bien des défenses européennes.

Ce n'est pas une première, il y a 20 ans, c'est le RAH 66 Comanche qui était abandonné en raison des dépassements de coûts... et parce que ses atouts, notamment sa furtivité, ne répondait plus à la situation géo-stratégique du moment (la guerre en Afghanistan vs les combats durcis type guerre froide).


Aujourd'hui, alors que les deux prototypes sélectionnés devaient effectuer leurs premiers vols dans l’année, les retours d'expérience de l'invasion de l'Ukraine par la Russie poussent à abandonner le programme FARA : la capacité de reconnaissance des drones et des autres capteurs est considérée comme plus intéressante et surtout plus économique, et la vulnérabilité les engins pilotés devient trop importante face à une défense anti-aérienne sérieuse.

Voilà deux vrais sujets qui pourraient remettre en cause la place de l'hélicoptère de combat dans la panoplie des systèmes d'armes. Mais il se trouve que le programme FARA visait un objectif particulier, et un théâtre particulier.


Il y a deux ans, j'intervenais à la conférence annuelle sur les hélicoptères de combat à Londres, et j'exposais mes doutes sur l'appétence à la vitesse des Américains, bien relayée par des amis européens, estimant qu'elle ne répondait pas à nos défis au combat. Pour faire simple on ne sait pas aller à de très grandes vitesses très près du sol, là où les hélicoptères sont difficiles à détecter. La grande vitesse a pour conséquence de rendre l'hélicoptère de combat vulnérable. Un officier de l'Army Aviation US avait alors répondu qu'il fallait voler à de grandes vitesses, pour intervenir sur de longues distances sur le théâtre majeur que représente l'indo-pacifique ! On sait bien que les Américains sont tournés vers ce lieu de tension depuis quelques années.

Mais ils le constatent, avec la guerre en Ukraine, que face à une armée puissante, dans un espace moins permissif, ce style de vol ne peut aboutir qu'à des destructions.

Par ailleurs, nous devons aussi nous souvenir, que si le FARA était présenté comme un « game changer » par les Américains, il ne devait concerner qu'une (petite) partie de la flotte des hélicoptères de combat.

Aujourd'hui, on sait que les avancées technologiques seront ré-utilisées pour la modernisation des flottes existantes, et notamment les AH 64 Apache et UH 60 Black Hawk. On sait aussi que les fonds économisés seront en grande partie réinvestis sur le segment hélicoptère. L'abandon du programme FARA n'est donc pas un abandon du segment combat pour l'hélicoptère.


Pour autant, les arguments avancés pour l'abandon du programme ne doivent pas être rejetés à la légère.

Souvenons-nous que le FARA devait remplacer l'OH 58 KIOWA, qui n'est pas une plate-forme de feux mais un hélicoptère de reconnaissance.

De fait, aujourd'hui les troupes au sol ne font pas un pas sans un drone, les armées n'envisagent ni de guerre sans satellite, ni de combat sans guerre électronique, etc... Oui, les moyens de reconnaissance sont nombreux, et les moyens non-pilotés parfaitement adaptés à la zone des combats, au moins pour leur coût. Oui, la reconnaissance par des hélicoptères n'est plus forcément une de leurs missions prioritaires.

D'ailleurs, même pour le combat aéromobile, l'emploi des drones devient important, voire indispensable. D'ores et déjà on sait parfaitement faire du tir au delà des vues directes, avec illumination de la cible par un drone.


Alors, cet abandon de programme est-il vraiment un revirement ? Les Américains vont-ils délaisser l'hélicoptère pour d'autres systèmes ? De toute évidence, certainement pas, on entendra même encore parler de vitesse pour les appareils de transport, (de manœuvre). Mais les Américains sont loin d'abandonner le segment de l'hélicoptère de combat, qui va même probablement continuer à être modernisé grâce aux développements des technologies explorées pour les projets abandonnés.

Pour les Européens, il ne s'agirait pas d'avoir la vue un peu courte sur ce sujet  !


* The Army is seeking a rotorcraft called the Future Attack Reconnaissance Aircraft that it deems to be its highest aviation modernization priority. Forbes 4/12/2023

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