Aggravation des symptômes et inadéquation des outils fédéraux aux besoins des PME

Aggravation des symptômes et inadéquation des outils fédéraux aux besoins des PME

Le baromètre industriel de la Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP) indique, pour le troisième trimestre 2016 au moins, la prolongation d’une situation caractérisée par un volume d’affaires très bas et de multiples conséquences de moyen et long terme sur les acteurs industriels de l’Arc jurassien. Offrant des éléments de compréhension des dynamiques industrielles, cet outil d’appréciation des anticipations plongeant au cœur des entreprises met particulièrement en exergue l’incidence de carnets de commandes vides sur les résultats financiers et les capacités d’investissement, des domaines cruciaux pour la compétitivité de la place industrielle suisse dans un contexte international incertain. Invariablement, les petites entreprises s’avèrent les plus sensibles à cette configuration dont l’origine remonte au mois de janvier 2015. "Leur faible capacité d’investissement est des plus préoccupantes et engage la pérennité de certains des éléments constitutifs du tissu industriel microtechnique " constate Patrick Linder, directeur de la CEP.

Face à ce contexte délicat menaçant l’existence de petites entités, la pertinence de la réponse politique nationale face aux contraintes que connaissent les petites et moyennes entreprises suisses, notamment en matière d’innovation, doit être questionnée urgemment.

Baromètre industriel de la Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP), troisième trimestre 2016

L’outil de compréhension des dynamiques industrielles développé par la Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP) met en lumière, sur la base de prévisions subjectives des entrepreneurs, la prolongation d’une période délicate pour le système de production homogène et fortement interdépendant de la région. Initiée en janvier 2015 à l’issue du choc constitué par l’annonce abondamment commentée la Banque nationale Suisse (BNS) d’abandonner la défense du taux plancher du franc, la brutale réduction du volume d’affaires semble s’être stabilisée depuis quelque mois à un niveau très bas. Si l’hémorragie paraît maîtrisée, le degré d’entrée de commandes ne s’avère pas suffisant pour un fonctionnement de l’industrie régionale à son degré actuel de déploiement. Plus vulnérables à plusieurs titres, les petites entreprises anticipent encore des diminutions d’affaires, une réduction qui doit alerter les consciences.

Les particularités de cette situation (à la fois conjoncturelle et propre au modèle suisse)  se prolongeant depuis 18 mois déterminent largement les performances financières des entreprises dont les trésoreries ont été, pour nombre d’entre elles, mises à rude épreuve. Les attentes en matière de résultat opérationnel sont pessimistes, particulièrement pour les petites entreprises qui planifient des pertes plus importantes pour les trois prochains mois. Conséquemment, les capacités d’investissement sont perçues comme faibles pour la majorité des acteurs industriels interrogés, malgré la conscience affichée d’une nécessité à poursuivre leur processus continuel d’amélioration.

Cet indicateur suggère un degré aigu de propagation de la baisse générale des affaires qui, cumulé à d’autres paramètres propres à chaque entreprise, laisse planer des doutes pour les activités à moyen terme, certains éléments de compétitivité étant directement affectés. La durée de 18 mois fixée par le SECO pour les mesures de réduction de l’horaire de travail (outil crucial pour la préservation du tissu industriel dans un contexte monétaire trop volatil) arrivant possiblement à échéance pour les sociétés y recourant en continu depuis janvier 2015, le troisième trimestre 2016 menace d’exiger un lourd tribut. Enfin, les anticipations au niveau du développement de l’entreprise, un indicateur auscultant les projections à distance d’une année, s’avèrent stables depuis le deuxième trimestre 2016 bien que l’ensemble des acteurs affiche des prévisions très modestes.

Interrogations au sujet des soutiens fédéraux à l’innovation et la politique mise en œuvre

La situation délicate à laquelle la place industrielle suisse (particulièrement des régions très axées sur le secondaire comme l’Arc jurassien, a fortiori le Jura bernois) est confrontée suscite des réflexions dans les milieux industriels au sujet de l’adéquation des mesures fédérales aux besoins effectifs. Au-delà de la volatilité du franc suisse qui déclenche des effets immédiats sur les entreprises, le contexte conjoncturel est peu propice à une amélioration de la situation actuelle. Les incertitudes de l’horlogerie suisse aggravées par la problématique récurrente des stocks inquiètent le système de production régional dont l’horlogerie demeure le domaine d’application premier. La situation est donc préoccupante et l’innovation, seule issue envisageable, est entravée par un potentiel d’investissement en érosion rapide.

Louable, la décision récente du SECO de proposer des mesures spéciales « pour encourager l’activité d’innovation des PME » risque hélas encore une fois de ne pas répondre aux préoccupations immédiates des acteurs visés. Concernant une petite partie uniquement des entreprises suisses, axées sur la recherche fondamentale, inscrites dans une temporalité différente des calendriers des entreprises, nécessitant l’affectation de ressources de recherche importantes, les mesures de la CTI ne sont pas applicables par et pour les PME.

Plus étonnants, les diagnostiques sous-tendant la volonté du SECO de soutenir financièrement les entreprises ayant des projets destinés à combattre la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée génèrent une incompréhension tangible. Estimables sur le principe, ils éludent pourtant des considérations fondamentales sur la formation professionnelle. Aux yeux de nombre d’entreprises en effet, un soutien direct à la formation professionnelle tout comme une volonté claire - et mise en œuvre administrativement au niveau suisse - de préserver la formation des apprentis dans les périodes de chômage partiel par exemple répondraient de façon durable aux besoins des entreprises tout en garantissant des places d’apprentissage.

Ces deux exemples laissent craindre une conception erratique de la politique industrielle, au contraire de celles assumées dans d’autres pays, comme l’Allemagne par exemple. Dans le pire des cas, peut-être transcrivent-ils une vision idéologiquement non-interventionniste, déconnectée des enjeux des entreprises. La situation économique actuelle plaide en tout cas pour une réévaluation rapide de cette approche.

Dès lors, la CEP et sa commission industrie estiment qu’un soutien direct à la formation professionnelle, qu’une prise en charge des postes de recherche et développement par le chômage partiel durant les périodes de RHT (réduction de l’horaire de travail) et qu’un possible soutien temporaire pour l’engagement de jeunes ingénieurs affectés à des projets de création constituent des mesures adaptées aux risques de moyen terme engendrés par la configuration actuelle. Elle les revendiquera par différents biais.

Merci pour l'article. Intéressant et reflétant parfaitement ce que l'on peut vivre quand on est une TPI

José Diaz

Technical Sales Engineer chez Mikron Tool

8 ans

Analyse pertinente et franchement il y a urgence.

Sylvain Houriet

Directeur chez BreTech Sàrl

8 ans

Salut Patrick, merci pour cet article! Quels sont ces 'mesures spéciales' proposées par le SECO? Tu aurais un lien sur leur page? Merci A+

Eric Tissot

Marketing & Communication Manager chez Multiple SA Global Design

8 ans

C'est avec grand intérêt que je viens de te lire. Bien à toi.

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