Analyse Marchés / 1er trimestre
Lors de notre dernière préconisation, fin décembre, la prudence était de mise face aux incertitudes qui planaient sur l’évolution de l’économie mondiale et la forte volatilité qui avait ébranlé les marchés financiers (le Stoxx 600 perdant plus de 15% sur le dernier trimestre).
Les principaux facteurs d’anxiété qui pesaient sur les perspectives de croissance et parricochet sur l’appétit des investisseurs aux actifs risqués étaient clairement identifiés.
Après trois mois, nous constatons que ces facteurs ont évolué dans le bon sens, ce qui a été un élément de soutien considérable pour les marchés financiers :
• Guerre commerciale : les tensions entre les Etats-Unis et la Chine ont laissé place au dialogue et à l’apaisement. Ce qui paraissait être une évidence a été clairement prouvé, la guerre tarifaire a comme finalité une réduction des échanges commerciaux impactant indéniablement la croissance mondiale et ne réduit en rien les déficits extérieurs.
• Chine : les craintes sur un ralentissement brutal de l’économie chinoise se sont une nouvelle fois apaisées (jusqu’à quand ?). Il y a un affaiblissement constaté de la demande domestique mais les nouvelles annonces de relance budgétaire (notamment la réduction de la TVA) ont quelque peu rassuré les investisseurs. Ces stimuli devraient apporter une certaine stabilité à la croissance chinoise, ce qui éloigne le spectre d’un « hard landing ».
• Politique monétaire : les discours des différentes banques centrales laissaient présager une politique plus restrictive en 2019. Au fil des réunions qu’elles ont tenu, que ce soit en Chine aux Etats-Unis ou en Europe, force est de constater que le resserrement monétaire n’est plus à l’ordre du jour. La BCE a repoussé jusqu’en 2020 le débat sur la première hausse de taux et la FED a drastiquement changé de cap récemment en renonçant à relever ses taux d'intérêt cette année. Elle prévoit également d'arrêter de réduire la taille de son bilan à partir de septembre.
Dans ce contexte, les investisseurs sont progressivement revenus sur les marchés et une grande partie des pertes du quatrième trimestre ont été résorbées. Depuis le début de l’année le S&P 500 et le Stoxx 600 sont en hausse respectivement de 12,7% et 11,8%. Si nous n’avions pas souhaité renforcer nos investissements lors de notre dernière allocation d’actifs, notre surexposition aux marchés actions (au détriment des obligations) nous a permis de profiter largement du rebond boursier. Peut-être aurions-nous dû être plus agressifs sur certaines thématiques, mais compte-tenu du manque de visibilité, la prise de risque par rapport aux perspectives de gains était trop élevée ce qui ne correspond pas à notre stratégie d’investissement.
Si l’économie américaine a perdu de sa vigueur, elle reste toutefois bien installée en zoned’expansion :
Le taux de chômage se maintient en dessous de 4% et la hausse des salaires couplée à une inflation basse soutiendront la consommation, moteur de la croissance outre-Atlantique. Certes l’impact des mesures fiscales va s’atténuer mais le niveau actuel du climat des affaires ne donne pas d’inquiétude et la publication au-dessus des attentes de l’indice « Philly FED » indique un net redressement de l’activité économique dans le Nord-Est des Etats-Unis. Les craintes d’une récession à moyen terme ne sont pas fondées selon nous.
En Europe les premiers signes de stabilisation du climat des affaires enrayent le flux de mauvaises nouvelles :
La demande interne est résiliente et la tendance du chômage est à la baisse. Le recul de l’inflation et la poursuite de la politique monétaire accommodante offrent un terrain favorable pour la reprise. On serait tenté de parler d’un point bas cyclique mais des facteurs exogènes tels qu’un Brexit « désordonné » ou un enlisement des négociations commerciales pourraient inverser la tendance. Nous serons particulièrement attentifs à l’évolution du secteur industriel, la publication des indices PMI (indicateurs sur l’activité des entreprises) sont ressortis inférieurs aux attentes. Le momentum des révisions des bénéfices s’améliore, il semble que le mouvement de correction soit en grande partie réalisé. Enfin les élections le 27 mai prochain au Parlement européen pourraient apporter de la volatilité avec la montée probable des « eurosceptiques ». Néanmoins il est quasi impossible qu’ils puissent accéder à des postes de direction ce qui devrait tempérer la réaction des marchés.
Les perspectives sur les pays émergents restent intactes :
La pause de la FED sur sa hausse des taux est favorable à la thématique émergente car elle évite entre autre le renchérissement des financements. Par ailleurs les devises émergentes sont bon marché et nous pensons que le potentiel d’appréciation du dollar est désormais limité compte-tenu du différentiel de croissance, de l’amélioration de la balance commerciale dans ces pays et de l’apaisement des tensions commerciales. Cette classe d’actifs se paye 11 fois les bénéfices 2020 escomptés (P/E source : Bloomberg) soit des niveaux proches de sa moyenne historique. Toutefois après le parcours boursier intéressant depuis le début de l’année nous ne souhaitons pas renforcer nos positions pour le moment.
Comment positionner nos portefeuilles dans ce nouvel environnement ?
Il est toujours opportun de privilégier les actions même si les marchés auront probablement besoin de souffler après le rallye boursier et qu’une consolidation n’est pas à exclure. Les conditions de financement de l’économie resteront avantageuses et les banques centrales continueront d’injecter des liquidités. Si ralentissement il y a, l’économie continue de croître et les valorisations, sans être un argument fort à l’achat, restent à des niveaux opportuns. L’indice S&P 500 et le Stoxx 600 affichent une décote de valorisation respectivement de 5% et 8% comparé à l’historique de leur P/E sur 5 ans. En termes de zone géographique nous restons surpondérés sur l’Europe en se repositionnant sur des grandes capitalisations, plus à même de tirer profit de la «faiblesse de l’euro». Nous allégeons l’univers des petites et moyennes capitalisations qui, audelà de probables prises de profit, pourrait être affecté par le manque de liquidités en cas de retournement de marchés. Par ailleurs, dans un souci de réduire le risque global de notre portefeuille, nous revenons sur le marché de la dette à travers le fonds Pimco Global Bond qui est principalement investi dans des obligations de qualité (signature élevée, soit AA et AAA). Nous renforçons également la thématique Min Variance dont la stratégie d’investissement permet de lisser l’évolution de l’investissement en cas de regain de volatilité.
Khemais Jelidi, Investment Adviser