Augmentation générale des salaires ou rémunération au mérite ?
Sous couvert de « désmicardiser les salaires », le gouvernement envisage de généraliser la substitution des hausses générales par des revalorisations individuelles dans le public comme le privé.
Il a fallu des siècles de drames sociaux et de luttes pour que les travailleur·ses ne soient plus la propriété d’un maître, puis que l’on soit payé pour travailler. En économie capitaliste, les patrons payent les salarié·es pour une heure de travail, en dessous de la valeur de ce qu’elle permet de produire et de ce qu’elle rapporte. Les dirigeants d’entreprise s’approprient une partie du travail : la plus-value, que Marx appelle « surtravail », source de profits.
Seule une partie de la journée couvre le salaire, permettant au salarié de « reproduire sa force de travail », tout le reste de la journée il travaille gratuitement. Même, selon economie.gouv.fr, « la richesse produite lors du processus de production, la valeur ajoutée, traduit le supplément de valeur donné par l’entreprise par son activité (le travail) aux biens et aux services (…). Elle se répartit ensuite entre revenus du travail, revenus du capital (…) ». Il n’y a pas création de richesse sans travail… et il n’y a pas de travail sans travailleur·ses.
Or, la part du travail dans la « valeur ajoutée » ne cesse de diminuer au profit du capital. En quarante ans, ce sont 5 points passés des salarié·es vers les détenteurs de capitaux. Plus ils nous parlent de partage de la valeur, plus elle leur profite. Ce n’est pas le travail qui coûte cher mais le capital. En témoigne la « smicardisation » du pays, où près de 20 % des travailleur·ses sont au Smic, soit plus de 3 millions de salarié·es (près de 60 % de femmes).
Pour maintenir les salaires bas : plus les salaires sont faibles et proches du Smic, plus les aides publiques aux entreprises privées sont importantes (exonérations de cotisations qui affaiblissent notre protection sociale). La faiblesse historique de l’écart entre le Smic (seulement 6e d’Europe) et le salaire médian est dramatique. Le problème n’est pas que le Smic soit indexé sur les prix, c’est que les autres salaires ne le soient pas.
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Pour stopper le tassement des salaires et « partager la valeur », augmentez les salaires ! La CGT combat aussi les rémunérations à l’objectif, à la productivité, à la présence ou au mérite par les primes occasionnelles non cotisées. Plutôt que ces « pourboires », des millions de salarié·es veulent vivre de leur travail.
Ces primes accroissent le contrôle des travailleur·ses en les individualisant, cassant les collectifs de travail, poussant à la compétition plutôt qu’à la complémentarité, et faisant porter aux salarié·es le risque de l’activité économique (censé être supporté par l’employeur et justifiant, dans leur idéologie, la rémunération du capital).
S’ensuit une double peine : en plus de pertes de salaire en cas de maladie ou de grève, ces primes, souvent supprimées dès les premières heures, mettent une pression supplémentaire pour que les salariés ne s’arrêtent jamais… aberration conduisant jusqu’à contaminer ses collègues par des maladies pour ne pas perdre sa prime, bien méritée… Voici ce que subissent les salarié·es du privé et bientôt ceux du public ? Personne ne « mérite » cela…
Cet tribune en débat a été publiée sur L'Humanité