Billets de Trésorerie : les profils leveragés ont plus à gagner
L'arbitrage des lignes RCF bancaires par des Billets de Trésorerie génère des économies de charges financières deux fois plus importantes pour les émetteurs sub-investment grade, jusqu’à 70 points de base
Le marché des Billets de Trésorerie (BT) est aujourd’hui très peu utilisé par les entreprises de taille intermédiaire. En zoomant sur la soixantaine d’entreprises (non financières et non foncières) disposant d’un programme de BT actif, on constate que le chiffre d’affaires moyen de l’ensemble de ces émetteurs est de 17 milliards d’euros. Dans cette liste, les entreprises affichant des revenus consolidés inférieurs à 3 milliards d’euros représentent moins d’un quart du total, celles aux revenus inférieurs à 1 milliard moins de 8 %. Sous l’angle des encours, en ce début d’année, la représentativité des ETI est encore plus faible puisque les émetteurs au chiffre d’affaires consolidé inférieur à 5 milliards pèsent moins de 10 % des encours (moyenne des pointages à fin janvier et fin février). Inversement plus de trois quart des sociétés non financières du CAC 40 ont un programme de Billets de Trésorerie.
Graphique 1 - Emetteurs corporates actifs sur le marché des BT (hors foncières)
Sources : bfinance, Banque de France
Des raisons historiques
La faible proportion des émetteurs de taille intermédiaire sur le marché des BT provient principalement d’un malentendu assez fréquent sur les critères d’éligibilité à cet outil de financement :
- Tout d’abord, il n’est pas nécessaire d’être noté pour émettre des BT. Le fait de disposer d’un instrument coté sur un marché réglementé est une condition suffisante. L’encours des émetteurs non notés ressort à 9 milliards d’euros.
Avec l’avènement des EuroPP et leur format coté, il est intéressant de souligner que plusieurs entreprises non cotées – mais ayant emprunté dans ce format – deviennent de facto éligibles au marché des BT.
Enfin, une entreprise à la fois non notée et sans titres cotés sur un marché réglementé, peut solliciter ses banques pour garantir son programme de BT. L’approche est rare – elle concerne seulement quelques émetteurs corporates aujourd’hui – mais elle mérite d’être considérée.
- Il n’y a pas non plus de critère relatif à la taille, et ce dans aucun texte qui réglemente les programmes de BT. Bien entendu, un programme n’est viable qu’à partir d’un certain seuil en-deçà duquel les investisseurs n’y prêteront pas attention. Un programme de 50 millions d’euros passera sous le radar. Le plus petit programme corporate en vigueur est celui du groupe Exacompta Clairefontaine, calibré à hauteur de 125 millions d’euros, et utilisé aux alentours de 25 millions en ce début d’année. Mais quelle que soit la taille du programme, il est important de l’animer et de maintenir un encours minimal pour rester présent sur le marché.
Aussi, les programmes de BT ne sont-ils pas réservés aux « grands corporates » ! Ce sont d’ailleurs trois belles ETI françaises, du monde de la technologie et du conseil, qui sont venues grossir les rangs des émetteurs sur ce marché ces dernières semaines : Altran Technologies (CA 2014 € 1,8 milliard), puis Sopra-Steria (3,4), et enfin Ingenico (1,6), chacune avec un programme à concurrence de €300m précisément.
- Enfin, s’il convient d’être un bon ou un assez bon risque, un risque sub investment grade ne barre pas la route. De beaux groupes comme Rexel ou Faurecia, dotés d’un rating précisément non investment grade (BB pour Rexel, Ba3 pour Faurecia) évoluent avec succès dans le marché des BT (encours fin février de Rexel = 201 millions d’euros ; encours de Faurecia = 693 millions).
Sous l’impulsion de plusieurs instances de la Place (AFTE et AF2I notamment), réunies sous l’égide de la Banque de France et de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, nombre d’idées reçues sur l’éligibilité ou non aux BT devraient s’estomper et le marché s’ouvrir progressivement à une population plus large d’ETI.
Un outil flexible mais court terme
Une ambition pour l’avenir est que les ETI soient plus nombreuses à tirer parti des avantages d’un marché à la fois liquide et commode dans son usage au quotidien.
Il est important de souligner que les BT ne constituent pas un instrument de financement venant sécuriser la liquidité d’un groupe (tout au plus un billet souscrit à un an sécurise son émetteur sur cette durée). Les BT doivent s’appréhender avant tout comme un outil flexible d’optimisation du résultat financier et de gestion des besoins court terme.
Le marché est liquide. Il n’a toutefois pas échappé, au plus fort de la crise, à un court épisode de fermeture. Fin 2008 / début 2009,les émetteurs historiques en BT ont vécu en direct le moindre appétit de leurs investisseurs. Certains grands émetteurs se sont notamment retrouvés forcés de battre le rappel pour placer des tickets de quelques centaines de milliers d’euros alors qu’ils étaient habitués à traiter par dizaines de millions au minimum ! Si rien n’oblige formellement un émetteur non noté à disposer d’une ligne de back up (certains émetteurs n’ont pas de crédit syndiqué prévu pour cela), il est essentiel de garder à l’esprit toute évolution radicale du marché et de s’assurer des sources de financement (ou la trésorerie équivalente) pour prendre le relais en cas de besoin.
Ce principe posé, cet outil peut permettre à bon escient :
- d’éviter d’interrompre des placements, à fortiori si leurs rémunérations sont supérieures à celles des BT eux-mêmes
- de ne pas tirer sur des lignes bancaires et ainsi d’économiser en frais financiers (et ce y compris en intégrant le surcoût de non utilisation inhérent à cette absence de tirage)
- de reconstituer un fonctionnement à guichet unique (grâce à l’Agent Domiciliataire) pour les corporates qui sont organisés avec des lignes bilatérales
Arbitrage BT / Bancaire : une prime au non investment grade
En période de baisse des taux et des marges, l’avantage de ce marché réside dans sa capacité à s’ajuster en temps réel. Dans un environnement de baisse des marges, le marché des BT s’ajuste à la baisse beaucoup plus vite que tout autre marché, si bien que l’on observe, pour la majorité des cas, des niveaux de coût all-in plus compétitifs en BT que sur n’importe laquelle de ses lignes bancaires non sécurisées. Ceci est aussi amplement justifié par la différence d’exposition en maturité.
Selon les estimations de bfinance, les niveaux de marge moyens pratiqués actuellement en BT vont de 0 points de base (signatures les plus Investment Grade) à 70 points de base (les moins Investment grade).
En parallèle, on peut estimer que les tranches RCF des crédits syndiqués (ou les lignes bilatérales équivalentes) dans la même fourchette de qualité de crédit vont de environ 30 points pour les meilleurs risques à environ 200 points pour les profils plus leveragés.
Dans ce contexte, l’arbitrage de ses facilités renouvelables (lignes bilatérales ou tranche RCF de crédit syndiqué) par des BT s’impose. En effet, le surcoût lié à la commission de non-utilisation est bien inférieur à l’économie sur la marge et sur la commission d’utilisation.
Sur la base d’une étude portant sur un échantillon représentatif de l’ensemble des niveaux de risque implicite dans lequel se situent la majeure partie des ETI éligibles au marché des BT (BBB+ <=> BB en échelle S&P Long terme ; A-2 <=> strong B en échelle S&P Court Terme), le gain financier all in capté par l’entreprise utilisant son programme de BT en lieu et place de ses facilités bancaires renouvelables oscille entre 30 et 70 points de base, avec un niveau moyen observé à 40 points.
Graphique 2 - Gain d'arbitrage BT vs RCF
* sommes algébriques des agrégats suivants : gain de marge RCF + gain de commission d’utilisation – coût de marge BT – surcoût de commission de non utilisation.
Source : bfinance
Il est intéressant de constater que cet arbitrage profite particulièrement aux entreprises non investment grade (mais néanmoins éligibles aux BT) ; ceci illustre que les investisseurs sur le marché des BT sont moins sensibles aux situations leveragées que ne le sont les banques au travers des documentations de crédits RCF. Là aussi, les différences de durée d’engagement le justifient mais cela n’obère en rien le constat.
Indéniablement, les ETI ont tout intérêt à explorer davantage ce marché qui n’est pas réservé aux grands groupes cotés / notés, qui n’est pas l’apanage des meilleurs risques et, surtout, offre des sources de gains financiers notables pour des contraintes de mise en place puis de gestion quasi nulles.
Senior Director - Marketing, Etudes & Publications
9 ansArbitrer ses facilités de crédit par des BT n'est pas une option réservée qu'aux meilleurs risques