Bisounours ou tyran ?
Imaginez une équipe où tout est toléré, où l’empathie déborde au point de transformer la bienveillance en laisser-faire…cela fait envie n’est-ce pas. Et maintenant, visualisez une équipe où chaque erreur est sanctionnée, où la directive est la seule méthode et l’initiative individuelle un délit…cela fait peur n’est-ce pas.
Soyons honnêtes, dans le monde merveilleux des entreprises, nous croisons souvent deux figures légendaires : le "Bisounours", qui distribue des câlins et des cookies mais semble oublier que la productivité n’est pas une option, et le "Tyran", qui a confondu le tableau des objectifs avec la pyramide de la terreur. Alors, quel est le meilleur à votre avis ? Vous avez raison, aucun des deux.
Dans cet article, nous allons explorer ces deux extrêmes, comprendre pourquoi les chemins roses des Bisounours ou les trônes de fer des Tyrans ne sont peut-être pas les routes les plus glorieuses à emprunter.
"Tout le monde est beau, tout le monde est gentil"
Le leader Bisounours, c'est celui qui croit fermement que la gentillesse est une stratégie de management à part entière. Ses réunions ressemblent plus à des séances de thérapie de groupe qu'à des discussions business. Il fait passer le bien-être émotionnel avant tout, même si ça veut dire que les dossiers traînent, que les délais sont des suggestions vaguement évoquées, et que les réunions finissent en chorale.
Le problème, c'est qu'à force de dire "oui" à tout, le Bisounours finit par être celui qu’on ne prend pas ou plus au sérieux. Son équipe ? Ravie au début. Mais rapidement, elle commence à se demander si un vrai capitaine est aux commandes. Sans cadre ni exigence, les collaborateurs finissent par faire ce qu'ils veulent, quand ils veulent. Le chaos s'installe doucement, enveloppé d'un doux parfum de bienveillance. Et c'est là qu'on se rend compte que l'anarchie, même avec des smileys, reste de l'anarchie.
Une entreprise active en Europe a laissé faire son nouveau directeur pour la Suisse. Sa première mesure bienveillante pour se faire accepter par ses collaborateurs, a été de libérer les équipes des objectifs de production. Après 6 mois les résultats se sont avérés catastrophiques alors que les équipes avaient par le passé démontré leur capacité à développer le chiffre d’affaires. Les équipes ont vécu des conflits ravageurs dont les conséquences ont conduit à des départs volontaires.
Une étude publiée par l'Université de Lausanne (2023) révèle que 60 % des employés préfèrent une clarté des attentes à une totale liberté. Dans certaines situations, les collaborateurs ont besoin d’être guidés, surtout face à des projets complexes et encore plus en période de crise.
Dangers du laisser-faire :
Bref, être sympa, c'est bien. Mais diriger une entreprise comme une kermesse, c'est moins efficace.
"La terreur est ma meilleure alliée"
Passons à l'autre extrême : le Tyran. Celui-là, il ne distribue pas de câlins. Il distribue des tâches. Beaucoup de tâches. Son bureau, c’est Fort Knox et son calendrier, un champ de bataille où chaque réunion est une épreuve de survie. Il croit que la peur est le moteur ultime de la performance. Son mantra : "Vous avez bien travaillé ? Parfait, vous allez travailler encore plus."
Avec un Tyran à la barre, l’entreprise ressemble à une armée de petits soldats obéissants. Les délais sont respectés, les objectifs atteints… mais à quel prix ? Sous la carapace d'efficacité, l’équipe tremble. Le stress règne, les burn-out s’enchaînent, et les talents fuient plus vite qu’un iceberg fondant sous le soleil des tropiques. On obtient des résultats, certes, mais on détruit la motivation, l’innovation, et l’humanité dans la foulée.
Plusieurs études menées en Suisse révèlent les effets délétères du style de leadership autoritaire sur les collaborateurs et la performance à long terme. Une étude menée par l'Université de Saint-Gall montre que les environnements de travail dominés par un management autoritaire connaissent une hausse de 25 % des absences pour cause de maladie ou de burnout. Le lien entre stress et absentéisme est direct : plus la pression est forte, plus les collaborateurs finissent par céder sous le poids du stress chronique.
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Une autre étude a démontré que près de 60 % des employés suisses placés sous une direction autocratique ressentent une démotivation après un an à ce régime, avec un turnover accru de 40 % par rapport aux entreprises pratiquant des formes de leadership plus participatives. Le taux de rotation est particulièrement coûteux dans des secteurs où la fidélisation des talents est primordiale et la rétention des savoir-faire un enjeu majeur.
Une entreprise suisse dans le domaine de l'horlogerie de luxe a observé que, sous une direction autocratique, les idées novatrices des employés étaient moins nombreuses, freinant ainsi le développement de nouveaux modèles, pourtant essentiels pour rester compétitif sur le marché mondial. À long terme, les effets d'un management par la terreur deviennent contre-productifs : l'entreprise peut afficher des résultats immédiats, mais son développement à long terme en pâtit.
En effet, le leader tyran peut obtenir des résultats immédiats, mais les études montrent que ces gains s’effondrent rapidement dès que les employés craquent sous la pression ou décident de fuir. Le coût du remplacement des talents, les absences prolongées, et la perte d’innovation sont des réalités auxquelles doivent faire face les entreprises suisses ayant adopté ce type de leadership.
Dangers de l’autocratie :
En résumé, régner par la terreur fonctionne... jusqu’à ce que plus personne ne veuille travailler avec vous.
Le juste milieu…existe !
Alors, que faire ? Si être un Bisounours rend inefficace et qu’être un Tyran vous transforme en tyrannosaure rex du management, il doit bien y avoir une autre voie, non ?
Heureusement oui.
Il s’agit de trouver cet équilibre délicat entre fermeté et bienveillance. La clé réside dans la clarté des attentes, la capacité à dire "non" avec le sourire et à établir des règles sans pour autant vous transformer en chef de guerre. Le bon leader sait écouter son équipe sans pour autant se laisser marcher sur les pieds, et surtout, il ne craint pas de déléguer, tout en gardant un œil vigilant sur la direction à prendre. Il incarne la vision, donne du feedback constructif et, au lieu de tout contrôler, il fait confiance.
Le leadership n’est pas un choix entre le monde des bisounours ou celui du tyran. Le réel talent du leader est de jongler avec les styles, de comprendre le contexte, de connaître ses richesses humaines, de faire preuve d’anticipation et de proactivité. Cet équilibre est la clé pour répondre aux enjeux de la mission, de la compréhension du sens de ce qui est fait et de la performance de l’entreprise. Il est temps d'arrêter de choisir entre bienveillance et autorité pour commencer à les marier intelligemment.
Une affaire de dosage
En fin de compte, si vous devez choisir entre être un Bisounours et un Tyran… ne choisissez pas ! Laissez ces extrêmes là où ils doivent rester : dans les caricatures. Parce que diriger, ce n’est pas un concours de popularité ni une compétition pour savoir qui peut faire le plus peur. C’est l’art de savoir doser. Trouvez cet équilibre qui rendra vos équipes efficaces, sans pour autant en faire des zombies émotionnels ou des enfants en colonie de vacances.
Et rappelez-vous, un leader inspirant sait quand distribuer un sourire... et quand il faut remettre les pendules à l’heure.