Budget : peut-on éviter le syndrome « tonneau des Danaïdes » ?
On ne va pas jeter la pierre au Gouvernement pour son projet de budget pour 2025 ; après tout, dans les conditions présentes de préparation (d’impréparation plutôt), il pouvait difficilement faire mieux… ou pire ! Il n’en reste pas moins qu’il s’inscrit, hélas, dans la lignée de tous les précédents, tentant de revenir à la ligne bleue, non des Vosges, mais du 3% de déficit… avec, très certainement, le même manque de résultats probants.
Pourquoi ? Parce que ce projet de loi de finances, même adopté dans sa forme actuelle (ce dont on peut douter) ne répond en rien aux deux problèmes fondamentaux de la France :
- Elle dépense trop… et mal ! Augmenter encore les prélèvements et couper grossièrement dans les dépenses ne mènera qu’à être encore moins efficace dans l’action publique, donc à demander à nouveau des moyens supplémentaires ;
- Elle n’a pas de marges d’investissement pour préparer l’avenir et notamment les défis liés aux changements climatiques. Il est d’ailleurs paradoxal de faire ce constat alors que l’épargne des français n’a jamais été aussi importante
Faute de répondre à ces objectifs, et même s’il devait, par ses économies et les augmentations d’impôts, atteindre l’objectif affiché des 60 Mds d’euros (on peut en douter…), on en restera à essayer de remplir le tonneau des Danaïdes d’un déficit structurel inscrit dans les comportements ! Et cela même en l’absence d’une crise majeure (COVID, guerre d’Ukraine, inflation…) qui amènerait, une fois de plus à un « quoi qu’il en coûte » que réclameront à cor et à cris tous ceux qui l’ont déjà exigé et qui reprochent aujourd’hui à Macron de l’avoir fait !
Comment échapper à cette malédiction ? Il y a pourtant une voie étroite en deux volets, assortie de trois conditions.
La seule possibilité réaliste d’obtenir des économies pérennes, c’est de mieux dépenser : « peigner » et réexaminer les différentes activités qui ne relèvent pas nécessairement de l’intervention de l’Etat ou des collectivités territoriales et mettre en place de véritables mécanismes d’amélioration de la performance de l’action publique. Mais, outre la volonté réelle de le faire (ce dont on peut également douter…), cela demande du temps… donc de l’argent ! Or, quand on vit au-delà de ses moyens, soit on vend des bijoux de famille, soit passe l’huissier pour reprendre les biens autres que de première nécessité.
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Où trouver le financement spécifique pour mettre en oeuvre ces réformes ? Outre la vente des bijoux (participations de l’Etat), on ne peut que constater que nous avons tous peu ou prou profité du fait d’avoir vécu au-dessus de nos moyens depuis plus de 50 ans ! Dès lors, il serait logique et juste qu’un prélèvement exceptionnel soit appliqué à tous, sauf les plus démunis, « l’huissier-impôt » reprenant une partie de nos dépenses incontrôlées. Un prélèvement exceptionnel (vraiment exceptionnel !) sur les patrimoines au-delà d’un certain seuil (400 k€ par exemple, soit plus du double du patrimoine médian) au taux de l’ordre de 1 à 2 pour mille (soit 1000 à 2000 € pour un patrimoine de 1 million d’euros), pendant deux à trois ans permettrait de dégager théoriquement une bonne vingtaine de milliards (probablement plus) pour « tenir » pendant que la transformation se met en place.
Quant aux investissements futurs, pourquoi ne pas imaginer un « impôt climat » comme nous avons connu l’impôt « sécheresse » en 1976 : un emprunt « obligatoire » qui, cette fois, ne concernerait que les 45 % des ménages qui paient l’impôt sur le revenu. Là encore, ce serait justice, car ce sont les ménages les plus aisés qui ont finalement le plus contribué au réchauffement climatique et le plus accumulé l’épargne.
Certes dans les deux cas, il s’agirait de prélèvements supplémentaires, même s’ils doivent rester exceptionnels. Leur acceptation est donc subordonnée à trois conditions :
- d’une part que des explications précises soient données sur les programmes qui seront financés, notamment pour le volet concernant l’analyse de la valeur de l’action publique . A défaut, les français penseront (à juste titre…) qu’il s’agit encore d’essayer de trouver des voies de « presser le citron » pour combler une partie des trous budgétaires ;
- d’autre part, de mettre en place des clauses « de retour à meilleure fortune » pour éviter de faire prospérer une forme de sentiment de désespoir ou de déclassement (il est d’ailleurs étonnant qu’on n’ait pas pensé à le faire pour la réforme des retraites) ;
- enfin, si les allègements d’impôt peuvent avoir un effet pour les entreprises ou pour tel ou tel aspect spécifique (par exemple l’investissement immobilier locatif), il faut cesser de « jouer » avec cet outil pour des raisons électorales : il ne faut en attendre aucune gratitude de l’électeur, car ces mesures ne sont ressenties (si elles le sont…) que l’année de leur mise en place ! Ensuite, comme le montre l’exemple désastreux de la suppression de la taxe d’habitation, elles sont intégrées dans le vécu de tous les jours et l’impact financier qui n’est plus perçu par le bénéficiaire… l’est en revanche douloureusement par les finances publiques !