DRH, êtes-vous plutôt Brueghel ou Pythagore 2.0 ?
La vie de Pieter Brueghel dit l'Ancien est fort mal connue. Brueghel ou Bruegel ? Même l'orthographe de son propre nom porte à confusion. En l'absence d'écrits probants, les historiens en sont, selon leurs propres mots, réduits aux conjectures.
Difficile de ne pas s'émerveiller de l'oeil que porte ce peintre inclassable sur la réalité humaine des Flandres dans lesquelles il vécut. L'un de ses quasi-contemporains nous décrit un artiste plus proche de l'ethnologue potache et du journaliste d'investigation que du peintre académique :
« Un marchand, du nom de Hans Franckert, lui commanda de nombreux tableaux. C'était un excellent homme qui était fort attaché au peintre. A eux deux, Franckert et Brueghel prenaient plaisir à aller aux kermesses et noces villageoises, déguisés en paysans, offrant des cadeaux comme les autres convives et se disant de la famille de l'un des conjoints. Le bonheur de Brueghel était d'étudier ces mœurs rustiques, ces ripailles, ces danses, ces amours champêtres qu'il excellait à traduire par son pinceau, tantôt à l'huile, tantôt à la détrempe, car l'un et l'autre genre lui étaient familiers. C'était merveille de voir comme il s'entendait à accoutrer les paysans à la mode campinoise ou autrement, à rendre leur attitude, leur démarche, leur façon de danser. Il était d'une précision extraordinaire dans ses compositions et se servait de la plume avec beaucoup d'adresse pour tracer de petites vues d'après nature. »
Ce Pieter Brueghel aurait fait un talentueux DRH
Doté d'une belle sociabilité, d'une extrême précision dans l'analyse de ses contemporains, Brueghel maitrisait les données sociologiques de son temps. Qu'il s'agisse de décrire le travail de ses contemporains, la vie sociale au moyen-âge ou dans la riche campagne flamande sa production picturale offre un panorama d'une expressivité et d'un niveau de détail saisissants.
C'est au travers de ses œuvres picturales et non par ses réflexions que cet artiste nous offre ses clés de lecture sur la vie paysanne en Europe du Nord, entre fin du moyen-âge et avènement de la Renaissance. Ce peintre de génie aurait-il souhaité exercer une activité en entreprise, on peut parier avec humour qu'il eût fait un talentueux DRH. A moins qu'il n'eut choisi comme profession journalisme ou sociologie...
En 2022 c'est bien souvent encore avec notre œil que nous appréhendons la réalité sociale de nos organisations. MBWA : Management by wandering around, nombreux sont les DRH qui privilégient le contact direct et ont encore l'œil aiguisé lorsqu'ils se déplacent physiquement dans les locaux ou virtuellement sur les réseaux sociaux de l'entreprise.
Pourtant des changements massifs sont intervenus. Et nous avons basculé ces vingt dernières années dans un monde virtualisé pour une large part et marqué par la présence d'un volume considérable de signaux numériques en tous genres.
Que nous le souhaitions ou non, nous appréhendons aujourd'hui partiellement nos organisations au travers d'un prisme d'une nature bien différente de l'œil du peintre ou celui du photographe, celui de flux considérables des données numériques. Et nos fonctions s'attelent bien sûr, comme les autres dans l'entreprise, à leur interprétation. Leur exploitation mathématique ou statistique reste pourtant souvent fort délicate.
De Pythagore au "Machine Learning" et à l'I-A
"Tout est nombre" : telle était la devise de l’école pythagoricienne qui proclamait que les dieux avaient ordonné l’univers par des nombres.
"Tout est nombre", ce n'est plus un simple slogan. C'est aujourd'hui une réalité technologique. Les capacités de stockage et de traitement des données défient désormais l'imagination des spécialistes de la "Big Data".
Pythagore aurait vraisemblablement embrassé avec enthousiasme notre époque et et sa vie sociale marquée par l'ubiquité de la donnée numérique et l'irruption spectaculaire du "Machine-Learning" et de l'I-A !
Ces données numériques sont adaptées à la perception de la santé commerciale et financière de l'entreprise. Elles dopent en particulier massivement l'activité de tous les acteurs de l'économie dite "numérique". Mais la plupart de ces informations subissent nécessairement un encodage parfois fort réducteur lorsqu'il s'agit de données RH. Et leur exploitation peut s'avérer effectivement difficile quand il faut apprécier la subtile et délicate réalité humaine d'une organisation.
Mentionnons cependant à ce stade une excellente nouvelle : on peut désormais bien souvent poser sur le nombre pythagoricien, la "data" d'aujourd'hui, le regard simple, immédiat et sans préjugé que l'on porterait à l'oeuvre du peintre ou du photographe.
Regard de Brueghel - données de Pythagore : la "social data viz"
Nous souhaitons introduire ici une proposition fort simple : celle de préférer l'œil au calcul dans la perception de la réalité humaine et sociale des organisations.
Une forme de "data viz" qui est en pratique une invitation à traiter le "nombre" sous une forme quasi-cartographique immédiatement intelligible plutôt qu'au travers d'aggrégats comptables ou statistiques.
Ce type d'imagerie requiert des écrans, ou des projecteurs, particulièrement puissants. Heureusement, de fait, depuis deux à trois ans, résolution 4K et puissance des processeurs de nos machines de bureau et autres tablettes se conjuguent pour nous permettre de formaliser des images d'une remarquable finesse. Une précision d'affichage qui change aujourd'hui la donne en matière d'analytique dans de nombreux domaines.
De la géologie à la génomique, les techniques de "data viz" sont en train de faire progresser, parfois de manière spectaculaire, certains domaines de la recherche scientifique.
Dans nos domaines, le volume de données reste modeste. Mais, à l'instar des sciences dures, nous pouvons mobiliser une part de ces avancées technologiques pour rendre compte de la réalité humaine des organisations.
On estime actuellement que le cortex visuel représente 20 à 25% du cerveau humain : une part importante de nos ressources cérébrales. Autant exploiter au mieux la puissance de ce cortex visuel et les cinq milliards de neurones que la science actuelle lui attribue !
Il s'agit donc ici d'appliquer fort simplement le regard du peintre au nombre pythagoricien.
Cette "social data viz" évacue d'emblée pour l'essentiel, l'appareillage statistique habituel. Selon l'adage attribué à Napoléon Bonaparte, "un bon croquis vaut mieux qu'un long discours". Il s'agit bien de présenter de l'imagerie. Mais cette "data viz" spécialisée se distingue ici des techniques usuelles d'analytique visuelle par quelques principes supplémentaires :
Cela vous parait complexe ? Cela ne l'est pas vraiment. Cette imagerie 2.0 peut être formulée immédiatement et sans apprêt à partir des données dont vous disposez vraisemblablement déjà en totalité.
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Quelques exemples qui vaudront mieux qu'un long discours
S'agissant d'apprécier la politique de recrutement d'une organisation, une compilation d'indices numériques offre des indications précieuses sur les enjeux auxquelles l'organisation est confrontée notamment en termes d'appréciation des discriminations.
Ces indices numériques fournissent un support de communication précieux. Mais ils ne constituent pas une alternative au regard porté sur un synoptique détaillé tel que le très récent "Tetris brick plot" :
Ce synoptique détaillé (ci-dessus sur une organisation de 300 personnes) permet effectivement d'embrasser visuellement la réalité dans son détail le plus fin. Chaque individu s'y trouve inscrit et placé anonymement. Une précision, un "pointillisme" qui offrent une meilleure appréciation des enjeux et de l'ampleur des éventuelles actions à mener.
Bonne nouvelle : la formulation de ces très immersifs "brick plots" (ci-dessous la variation "Manhattan brick plot") ne vous prendra que quelques secondes. Des structures d'emploi ou de compétences aux rémunérations ou encore absentéisme, vous disposez d'un synoptique associant perspective d'ensemble et précision cartographique sur des volumes potentiellement considérable d'informations.
Autre proposition visuelle, le "bee swarm plot" - littéralement "graphe en essaims d'abeilles" - est issu de pratiques d'analyse de données des sciences du vivant. Ce graphique offre, sans doute aucun, un perception plus claire et explicite de la dispersion des rémunérations dans l'entreprise qu'une compilation d'éléments comptables ou statistiques :
De l'indice à la prise de décision : l'Egalité Femmes-Hommes
Qu'il s'agissent d'indices à portée nationale ou internationale, les éléments statistiques fournis en matière d'Egalité Femmes-Hommes ont une portée considérable.
Ne négligeons l'impact de la simple divulgation de ces indices tant au sein de l'organisation qu'auprès du public. Ils permettent assurément de fixer également de précieux éléments de cadrage. Ces indices sont cependant issus de calculs d'agrégats qui ne peuvent rendre compte de l'hétérogénéité des situations que l'on constate en entreprise. Et il est bien sûr indispensable de décliner plus finement l'analyse pour opérer les arbitrages souhaitables. Par niveau de poste par exemple, comme dans l'exemple ci-dessous, voire, au plus fin, par site et par nature d'emploi.
Le criblage de situations discriminatoires éventuelles requiert de fait un examen, un séquençage de la réalité effectivement constatée pour chacune des entités qui composent l'organisation.
On ne saurait faire l'économie de ce travail au plus fin. Car les équipes ne se ressemblent pas. Et c'est bien à ce palier, celui de l'unité opérationnelle, du site, de l'atelier ou encore du groupe de travail, que se cristallisent des situations critiques. Et c'est à ce niveau également qu'elles devront être dénouées.
Une visuel tel le "graphe de gouvernance" pourra apporter ici un éclairage précieux sur la réalité souvent très hétérogène des structures managériales en offrant l'opportunité d'identifier, hors tout cadre statistique, aisément les équipes au sein desquelles des changements pourraient utilement intervenir (ci-dessous équipes d'une entreprise 700 p.).
La rémunération est à la fois contrepartie d'une prestation marchande et réalité sociale construite, au travers d'accords en entreprise voire au niveau interprofessionnel ou national. Et l'utilisation du "governance chart" peut et doit s'inscrire bien sûr dans un examen multifactoriel incluant également une appréciation explicite des rémunérations au regard des pratiques de marché.
Nous avons abordé dans des publications précédentes ces thématiques au travers de représentations multiples mêlant "vues d'hélicoptère" et détail quasi-cartographique. N'hésitez pas à y jeter un "œil".
Conclusion : le choix n'est pas entre Pythagore et Brueghel
Faut-il donner la primauté à la donnée numérique et confier aux chiffres l'intégralité de notre jugement en matière de vie sociale ? Nous ne le évidement recommandons pas.
Nos métiers RH sont humains, irréductiblement humains. Les décisions le sont également. Elles ne sauraient résulter de l'examen ou de l'arbitrage de données numériques, ces derniers fussent-ils pilotés par une I-A de qualité.
Faut-il, à l'inverse, avoir à l'encontre de la donnée numérique, la méfiance que lui porte, non sans justification, le poète, l'artiste... Et bon nombre de DRH? Non également bien sûr, les donnée numériques ont toute leur place désormais dans la prise de décision.
La vérité humaine échappera certes toujours partiellement à l'analyse de données nécessairement fort réduites. Mais il ne s'agit pas ici d'arbitrer entre Pythagore et Brueghel, entre rationalité numérique et perception intuitive. Evitons tout simplement d'attribuer aux agrégats, calculs et autres indices plus de sens qu'ils ne peuvent avoir. Et sachons porter sur ces données RH, et tout particulièrement à leur dispersion, le regard attentif qu'elles requièrent.
Vous souhaitez en savoir un peu plus ? Nous organisons de brefs ateliers centrés sur l'"Intelligence salariale" aux termes desquels vous aurez acquis un savoir-faire directement opérationnel en entreprise.
Ces courtes sessions - 60 minutes en distanciel - sont gracieuses. Et vous conserverez, à l'issue de cet atelier, d'une version réduite mais totalement fonctionnelle de notre proposition de valeur, un outil logiciel dédié.