Dendrogrammes: le C&B est aussi..."data scientist"
Ce Pulse est le quatrième d'une série d'articles de réflexion, fruit de l'expérience de nos clients dans le domaine de l'analyse salariale. Destinés aux spécialistes des rémunérations en entreprise, nous y brossons progressivement - sous l’appellation "Salary Intelligence 2.o" - un large inventaire de techniques récentes d'analyse de données applicables aux problématiques salariales.
Juristes, fiscalistes et juges de paix à leurs heures, nos lecteurs et clients en charge de données salariales sensibles sont des grands utilisateurs des tableurs. Notre objectif, les transformer en « data scientists » des questions salariales.
Vous avez dit « Data science »? Au regard de la volumétrie limitée des données salariales d'entreprise, de la complexité fort modérée des traitements réalisés à leur encontre et des biais cognitifs majeurs associés à ce travail, le terme de "data science" n'est-il pas inadapté voire une totale usurpation ? Bien sûr, il s'agit ici d'une formulation rapide et nous ne prétendons traiter ici ni de Machine Learning ni de modèles statistiques avancés. Les volumes de données sont clairement trop faibles pour justifier des modèles analytiques de la "big data". Les enjeux politiques sont également trop intenses pour les convoquer sans risque.
Notre objectif ? Proposer à nos lecteurs des représentations salariales rigoureuses et numériquement fidèles de la réalité des organisations. Nos travaux spécialisés C&B se situent plutôt en filiation de ceux de Edward Tufte. Et nous laissons à nos lecteurs le soin de se faire une opinion sur l'emploi fait ici du terme "scientifique" au travers d'une lecture attentive de nos propositions !
Cette semaine, nous vous proposons d'examiner ensemble un nouvel outil à la disposition des C&B, le dendrogramme. Le projet est ici fort simple : insérer ce "best-of-breed" de la représentation de données biologiques parmi les supports de l'analyse exploratoire des rémunérations en entreprise.
Une étymologie grecque... Un graphique simple
Introduire une colonne sur un media destiné à un public relativement large par l'emploi d'un terme scientifique d'origine grecque, dendrogramme (du grec ancien dendron "arbre", -gramma "dessiner") est-ce bien une entrée en matière aimable ? Peut-être pas, mais rassurez-vous, nous introduisons ce terme à dessein et non dans l'objectif d'obscurcir notre propos par le jargon !
Le dendrogramme est, vous l'aviez saisi, le terme retenu par nos amis scientifiques pour regrouper l'ensemble des représentations arborescentes. Point n'est pas nécessaire ici de paraphraser Wikipedia qui introduit ce terme de manière claire et succincte : «Un dendrogramme est un diagramme fréquemment utilisé pour illustrer l'arrangement de groupes générés par un regroupement hiérarchique ou hiérarchisant. Les dendrogrammes sont souvent utilisés en biologie pour illustrer des regroupements de gènes, ou des filiations (arbre phylogénétique), mais aussi dans de nombreux autres domaines utilisant des notions de regroupement hiérarchique et/ou de coalescence, de l'arbre généalogique aux logiciels de fouille d'images.»
Dans les domaines des sciences du vivant, ce dispositif visuel simple permet de seconder efficacement nos propres capacités cognitives dans la perception de liens de toutes natures qui peuvent exister dans le monde vivant.
J'invite nos lecteurs à examiner avec attention les remarquables réalisations des spécialistes des biosciences et la créativité graphique que les plus talentueux d'entre eux mettent à son service. Employées avec à juste titre, ces représentations facilitent effectivement considérablement la perception de l'écheveau complexe des filiations, des arborescences et autres regroupements usuels des sciences du vivant.
Intéressant, me direz-vous, mais ne nous éloignons-nous pas très largement de notre sujet de préoccupation immédiat, l'entreprise, ses hommes et ses femmes, son organisation et in fine ses salaires ? Pas tant que cela !
L'organigramme, un dendrogramme fort chiche
La question des organisations, de leur conception au re-engineering permanent et à l'analyse critique dont elles font l'objet donne matière à une large iconographie. Elle se traduit au quotidien par la construction de représentations que nous avons pris l'habitude de dénommer « organigrammes ».
Que l'organigramme soit formulé sans soin particulier sur un coin de table, un paper-board ou officialisé sur papier glacé, chacun connaît ces constructions visuelles, largement popularisée par l'enseignement de la gestion tel qu'il s'est construit durant le XXième siècle durant la formalisation de l'économie industrielle et post-industrielle dans laquelle nous vivons.
Notre avis sur ces représentations qui furent en leur temps le symbole de l'organisation industrielle maîtrisée ? Il est fort simple : « peut mieux faire ».
Les organigrammes sont en pratique des représentations pauvres, limitées dans leur champs d'analyse à la représentation conjointe de la spécialisation fonctionnelle – chacun à son poste – et de la question hiérarchique – comment sont construites les équipes.
La mise en page est certes simple pour qui maitrise MS-Powerpoint. Mais leur lecture ne donne effectivement qu'une vision réductrice et fort imparfaite de la réalité de l'organisation. Une réalité qui tient heureusement le plus souvent plus du vivant que de la mécanique administrative ou de la bureaucratie et dont la substance quasi organique échappe de ce fait la mise en forme d'un org-chart.
Au titre d'une économie post-industrielle, beaucoup souhaitent faire l'économie des formalisations de l'organisation. Nous n'avons rien ici contre la remise en cause des grandes organisations, le « small is beautiful », ou contre une entreprise aplatie et revisitée par le digital. Mais vous l'aviez capté, ce n'est pas notre propos.
Des représentations visuelles pertinentes sont toujours utiles pour rendre compte de la complexité de la division du travail dans ces impressionnantes termitières que sont les grandes organisations. Nous vous proposons ici de présenter vos organisations en "cross-fertilisant" cet organigramme traditionnel par l'intégration d'une composante rémunération.
"Fertilisation croisée" au service du C&B ?
Pour le DRH et le responsable C&B, nous l'avions mentionné dans un post précédent, « l'analyse salariale commence souvent sur un tableur et une liste bien ordinaire de salaires dument accompagnés de facteurs légitimes de leur évaluation constitue le socle de ses réflexions ».
Ajoutons ici que, lors de la prise de décision salariale l'organigramme est toujours, explicitement ou non, sur la table du décideur au même titre que la liste des salaires. Sous le vocable « governance charting », nous vous proposons donc de croiser simplement, au sein d'une représentation arborescente unifiée, une formulation de l'organisation hiérarchique et une présentation ordonnée des salaires.
Ce "dendrogramme sous contrainte axiale verticale" – sa mise en place requiert une algorithmique récursive de l'ordre de quelques milliers de lignes – ne nécessite en pratique qu'une simple liste des rémunérations et de liens hiérarchiques dans l’organisation. En dépit de sa simplicité visuelle, ce document se distingue par une richesse, en termes d'informations, quasi-cartographique.
Nous avons déjà employé à plusieurs reprises le terme d'« helicopter view » pour qualifier certains synoptiques salariaux. Ce terme est ici en tous point justifiée. Ce document se prête en effet à des usages larges et des déclinaisons multiples.
De la validation du grading lors de la mise en place d'une échelle de classification à l'information d'un nouveau dirigeant, nous clients ont eu l'opportunité de valider l'intérêt de ce visuel auprès de dirigeants dans de nombreuses situations d'entreprise.
Réaliser ses propres « salary governance plots » ?
Nous intégrons à notre offre de formation à l'intelligence salariale, un logiciel minimaliste remis à titre de support pédagogique et qui intègre ces "organigrammes 2.0". C'est avec ces représentations que nous avons illustré ce court article.
A ce jour nous n'avons pas connaissance sur le marché d'alternative à notre proposition destinée aux fonctions Ressources Humaines.
Si vous pratiquez des solutions alternatives, que vous les ayez formulé par vous-même, qu'elles soient fournies à titre gracieux sous forme de code open source ou dans le cadre de solutions d'entreprise, SIRH ou logiciel de support à la décision, n'hésitez pas à revenir vers nous sur ce sujet.
Vos informations nous serons précieuses. Nous travaillons actuellement à un projet de cartographie d'entreprise ambitieux exploitant à large échelle l'algorithmique et les ressorts fonctionnels évoqués aujourd'hui. Sur ce sujet également, si vous portez un intérêt à ces questions, n'hésitez pas à nous contacter.
Dans l'un de nos prochains pulses, nous tenterons de recycler le « vector plotting » de nos collègues des sciences dures, de la physique à la météorologie, dans notre domaine privilégié d'application, la rémunération.
Aurez-vous à revisiter votre cours de trigonométrie de lycée ? Nous laissons le suspens ouvert... Toujours intéressés ? Stay tuned !