Ce que les schtroumpfs m'ont appris sur le storytelling

Ce que les schtroumpfs m'ont appris sur le storytelling

Tous les soirs, mon fils me demande de lui raconter une histoire.

Pas n’importe laquelle.

Une histoire avec ses héros préférés (les schtroumpfs, en l’occurrence). Une histoire qui colle si possible à la situation qu’il vit ou a vécue dans la journée.

Entendons-nous bien. Je ne dois pas lui lire d’histoires. Non, je dois lui en raconter une. L’inventer de toutes pièces. Le surprendre, le faire vibrer, le faire rire, lui faire peur. Titiller toute la palette de ses émotions.

Ainsi donc, j’emmène, soir après soir, les schtroumpfs à la mer, à l’école, sur les traces de l’étrange voleur de noisettes... À chaque fois, j’y mets les ingrédients essentiels d’une « bonne » histoire. De l’action, bien sûr, une possibilité d’identification (les petits êtres bleus sont souvent sauvés par un garçonnet du prénom de mon fils…), une morale (j'en profite pour essayer de transmettre certaines valeurs... une sorte de "Call-to-Action" familial). Je parle son langage (enfin, je parle « schtroumpf ») et je fais mouche à chaque fois. Mon fils est ravi et en redemande. Et quand mon imagination est en berne, mon jeune lectorat ne cache pas sa déception ni ne mâche ses mots pour me le faire savoir.

Quel parent n’a pas raconté d’histoires à son enfant ? Et, devant les yeux émerveillés de sa progéniture, s’est pris au jeu du storytelling ? L’art du storytelling peut se résumer, en effet, au paragraphe précédent. En remplaçant l’insatiable fiston par votre client. Il s’agit de lui raconter une histoire qui touche sa corde sensible et dans laquelle vous aurez glissé le "Call-to-Action" désiré. Plus vous parlerez au cœur de votre lecteur, plus vous lui permettrez de s’identifier à votre produit ou à votre marque et plus la probabilité qu'il passe à l'action sera grande.

LA PYRAMIDE DE MASLOW

Comment expliquer le succès du storytelling ? Ce procédé répond en fait à un besoin humain de raconter et d’écouter des histoires. Abraham H. Maslow a hiérarchisé les besoins humains dans une pyramide où l’accomplissement personnel culmine au sommet.

Selon sa théorie, un certain nombre de besoins fondamentaux doivent d’abord être satisfaits avant d’atteindre une personnalité équilibrée. Des histoires empreintes d’émotions créent notamment le contexte sécurisant dont nous avons besoin pour évoluer.

Le storytelling fonctionne dans les deux sens. Nous souhaitons conserver l’attention obtenue par le jeu avec les mots, les images et les histoires. Et nous aimons également, lorsque nous racontons des histoires, sentir que nous sommes suffisamment intéressants pour être écoutés. Pour l’appliquer à la pyramide de Maslow : le storytelling répond à notre propre besoin de sécurité et de constance. Raconter des histoires à mon fils me conforte dans mon rôle de parent.

UN CHAOS STRUCTURÉ

La mise en récit a pour autre fonction importante de structurer la réalité. Les histoires mettent de l’ordre dans le chaos de notre existence en replaçant des faits et des événements qui paraissent épars dans un contexte plus large, renouant en quelque sorte « le fil de l’histoire ». Par ailleurs, les histoires véhiculent également des valeurs telles la responsabilité et l’estime de soi. Elles contribuent à accroître nos connaissances et incitent à l’action. Et le savoir, c’est ce qui se transmet de génération en génération. Pendant longtemps, le mode de transmission des valeurs, des règles de vie, des traditions, bref l’éducation au sens large, s’est fait sur le mode des histoires. Histoires vraies pour certaines, contes et légendes pour d’autres, mais un message authentique et porteur de sens. “Et comme le dit toujours le Grand Schtroumpf, il faut se serrer les schtroumpfs et s’entraider dans la vie…”

MIROIR, MON BEAU MIROIR…

Il existe également une explication scientifique au succès du storytelling. Elle est liée au fonctionnement du cerveau. Ce dernier aime bien emmagasiner des histoires. Même confronté à des sujets ennuyeux ou complexes, le cerveau humain parvient à filtrer les informations, à les décortiquer et à enregistrer, au final, les données utiles. Une activité cérébrale stimulée de façon appropriée par le storytelling. Nos neurones miroirs sont, en effet, activés dès qu’on écoute ou lit une histoire. Nous avons alors tendance à croire que nous en faisons nous-mêmes partie. Et mon fils de filer voir sous son lit, si le schtroumpf bricoleur est bel et bien en train de construire un nouveau village… Comme la mise en récit opte en général pour un ordre chronologique, le cerveau établit des liens de cause à effet de manière systématique lorsqu’il écoute une histoire et, ce faisant, recherche du sens là où il n’y en a pas forcément. Un point de départ fautif qui a le mérite, toutefois, de ne pas nous laisser dans l’incertitude. Le cerveau est ainsi fait qu’il ne peut émotionnellement pas faire la différence entre une légende et une histoire vraie.

RACONTER UNE HISTOIRE POUR VENDRE

Il n’est guère surprenant, dès lors, que le storytelling ait été rapidement récupéré notamment par le milieu publicitaire. Les marketeurs, mais aussi les spécialistes de la communication et les copywriters, ont tout à gagner à atteindre les bons groupes cibles de manière efficace. Et comme chaque personne a son histoire, il en va de même pour les marques. De nombreux spots publicitaires intègrent une intro, une progression dramatique, un point culminant et un final, soit la construction logique d’un récit. Qui plus est, si l’histoire est rapportée avec soin, dans l’ambiance adéquate et en générant les émotions qui conviennent, le consommateur s’y identifie d’autant plus facilement.

Le storytelling transmédia pousse la tendance encore plus loin : l’histoire s’étend sur plusieurs médias (livres, sites web, vidéo, etc.), chaque support fonctionnant toutefois de manière autonome. Ainsi, une histoire peut commencer sur YouTube, s’enrichir via Facebook et aboutir à une campagne d’affichage le long des routes.

La Loterie Nationale nous en fournit un exemple récent, avec sa campagne consacrée aux chiffres. Au départ, une vidéo d’entreprise qui fait le buzz sur YouTube et, à l’arrivée, un magazine numérique qui complète et renforce son message.

Morale de – excusez le mot – l’histoire : quelle que soit la plate-forme, le storytelling est une histoire qui schtroumpfe (oups, qui marche !).


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