🌱 Champ des possibles
Photo Laurence Danière

🌱 Champ des possibles

J’y allais pour prendre de la hauteur et profiter de la vue, dans ce lieu nommé « gratte-ciel », mais ce fut un beau retour au sol. Me voici donc à Villeurbanne, au pied de cette cité ouvrière verticale des années 30. C’est l’emplacement d’un parking dégagé de toute voiture en prévision d’un projet qui tarde un peu à se construire.

Quoi de plus exceptionnel qu’un peu de place libre dans un tissu urbain dense ? C’est un trou spatio-temporel dans le planning chargé du futur quartier. Un de ces moments — trop rares — où l’on peut vivre hors des contraintes de la ville normée, mais pour un temps seulement. Il faut donc vite labourer ce champ des possibles pour n’en perdre aucune seconde, et y semer des graines de projets. Des projets qui ne trouvent place ailleurs faute de sols disponibles ou d’économie bienveillante. Des projets qui vont profiter de ces instants de liberté pour mûrir — ou pas. C’est l’occasion de tester des modes constructifs, des plantations, des idées de commerces, des collectifs humains, des lieux conviviaux, des montages juridiques, des partenariats, des démarches artisanales, des recettes de cuisine, des modèles d’affaires, des modes d’organisation…

Cela peut paraître simple d’occuper pendant deux ou trois ans quelques milliers de mètres carrés dégagés de tout reste urbain. Mais c’est toute une aventure, aussi complexe qu’un « vrai » projet urbain, avec quelques moyens en moins et la pression permanente des aiguilles de l’horloge qui tournent. Il faut faire jouer collectif des faiseurs de villes tellement nombreux qu’on en oublie souvent : aménageur, porteurs de projets, services techniques, promoteurs, gestionnaires, bailleurs sociaux, élus, visiteurs… Il faut aussi trouver les moyens de financer des installations qui sont précaires mais pas gratuites, et surtout trouver les interstices réglementaires qui permettent de les faire germer.

Voilà un art martial qui mériterait d’être mieux enseigné dans les écoles d’architecture et d’urbanisme. Celui qui permet de faire passer entre les mailles étroites du filet des procédures et règlements ces Objets Urbains Non Identifiés ( les OUNI, on manque d’acronymes dans la profession). Car malgré les bonnes volontés, les procédures qui encadrent le temporaire restent encore mal stabilisées, et les règles qui régulent la ville ordinaire s’appliquent aussi à ces projets qui ont souvent du mal à rentrer dans les cases standard des formulaires Cerfa. Il nous faut sans doute mieux nous inspirer des savoir-faire du spectacle vivant pour apprendre à faire bien mais vite, en dénichant les chemins de traverse propices à la sobriété constructive et administrative.

Car la régulation de la fabrique de la ville se berce encore de l’illusion d’un monde stable et fini. Elle néglige le caractère toujours imparfait d’un tissu urbain au destin incertain, et l’existence permanente de marges en son sein. Au moment où l’on doit apprendre à penser la ville dans les soubresauts d’un siècle qui s’annonce chaotique, faire prospérer ces espaces d’expérimentation au creux de la ville peut permettre de tester des solutions pour demain. Sortir de la règle non pas pour la quête vaine d’une « simplification » qui serait la solution à tous nos maux, mais pour tester concrètement des solutions qui peuvent nous aider à tisser la ville au quotidien, quand celui-ci devient de plus en plus incertain.

Ce à quoi nous appellent ces temps suspendus, c’est aussi à une vraie rupture culturelle. Celle qui permettra aux faiseurs de villes comme aux habitants d’accepter l’imparfait pour un temps, jusqu’au cœur de nos procédures. Celle qui nous sortira des effets de manche et de la communication politique au bénéfice d’une évaluation sincère des projets, pour faire le tri entre les graines qui poussent, et celles qui végètent.

Mais ces champs du possible ont aussi besoin d’une nouvelle génération de paysans de la ville pour prospérer. De semeurs de projets qui savent nouer des liens étroits entre les acteurs de l'instant et ceux du temps long de la ville. Celle qui se croit finie, mais qui n’en finit pas de se transformer grâce à ses marges.

— Sylvain Grisot

PS : N'oubliez pas les deux interventions à Nantes cette semaine : mercredi, ce soir, à la Maison de l'Europe (Institut Kervégan) et demain, jeudi 12 mai, en débat-dédicace (Librairie Vent d'Ouest). L'occasion de boire un verre ensemble ;)

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Le projet urbain Gratte-ciel Centre-ville, présenté par Matthias Mustis, coordinateur du projet, a attiré notre attention. Sur le territoire de Villeurbanne et coordonné par le Le GIE La Ville Autrement, Sylvain a eu l’occasion de visiter les lieux. N'hésitez pas à franchir aussi l'entrée de ce site grâce aux portes ouvertes qui ont lieu du 10 au 14 mai. 

>> Lire et écouter l'entretien

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📆 13 mai 2022. Organisées par le CNFPT et l’Association des ingénieur.e.s et ingénieur.e.s en chef territoriaux de France (AITF), les Rencontres nationales de l’ingénierie territoriale (RNIT) auront lieu à Metz les 12 et 13 mai 2022. Les RNIT s’adressent plus particulièrement aux agents en charge des services techniques, de l’environnement, de l’aménagement durable et du développement des territoires. Elles auront pour thème cette année : « L’intelligence collective pour relever les défis de territoires en transition ».(RNIT)

🚶🏻♀ Walking on sunshine. Cet article de Bloomberg dépeint la création et l’évolution de la ville de Columbia dans le Maryland aux Etats-Unis. Cette ville s’est construite sur la base d'une proximité très intense entre les habitants. (Bloomberg).

🐑 Agriculture urbaine. Une BD rafraîchissante sur pourquoi mettre des fermes dans les villes, des exemples concrets de fermes et micro fermes urbaines principalement dans Paris, où se mêlent éducations, réhabilitation d’espaces non utilisés et impacts positifs sur les populations environnantes. (The Conversation)

🎞 Documentaire. A l’occasion de la récente sortie du dernier volet du rapport du GIEC, on vous invite à (re)découvrir ce très beau documentaire d’ARTE, l’Homme qui a mangé la Terre. Un incroyable travail d’archives pour comprendre les origines du réchauffement climatique, comme la transformation de la rue et de la ville par les “écraseuses” comme étaient appelées les voitures dans les années 1920. Ainsi que le lien entre guerre et pétrole ou la crise du logement après la 2nd Guerre Mondiale (William Levitt et les préfabriqués). (ARTE)

📖 Opération bye bye béton, de Ophélie Damblé et Roca Balboa (La ville brûle, 2022) Album jeunesse engagé, car la lutte contre l’artificialisation des sols commence dès le plus jeune âge ! Blague à part, il s’agit d’un très joli livre aux images colorées, qui peut donner envie aux enfants, et à leurs enseignant.es, d’avoir une cour de récréation plus verte, plus fertile, plus rafraichissante, somme toute, plus désirable. Jeunes parents, ce livre est pour vos enfants !

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dixit.net est une agence de conseil et de recherche urbaine. Tous les mercredis, nous décryptons les grands enjeux de la ville et de ses transitions. Si vous la lisez pour la première fois, c'est le moment de vous abonner à cette newsletter.

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Amélie Leguay

Urbaniste et Docteure en Géographie / Aménagement du territoire

2 ans

Une très juste mise en lumière d'un projet aussi bien instructif dans ses modes de faire la ville, que dans sa manière de réunir des acteurs d'univers variés - tous ayant à cœur de relever les défis urbains du moment. Merci pour cet article, et très reconnaissante d'avoir participé à cette aventure !

Vincent Malfere

Directeur Général de la SEM SERL et de la SPL MéLAC

2 ans

Merci de la mise en lumière de cette belle occupation temporaire montée et financée par le Groupe SERL, avec l’appui du GIE La Ville Autrement, pour le compte de la Métropole de Lyon et de la Ville de Villeurbanne dans le cadre de son aménagement de l’ambitieux projet Gratte-ciel Centre-Ville. Fier de ce qui se passe et se joue ici ! Ravier Benoît Cécile Bossière Camille André - Bénévent

Arnaud Bellier

Facilitateur de projet 🚀 Innovation - Concilier Humains 🤼♂️ et Non-humains 🌱🐸 pour des lieux de vie sobres et robustes

2 ans

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