Colère des agriculteurs : la punition, c'est le recul sur l'environnement
Ce vendredi 2 février, de nombreux tracteurs font marche arrière sur les autoroutes de toute la France, bloquées depuis une semaine. La plupart de ces agriculteurs estiment avoir été entendus et ont donc suivi les consignes des syndicats majoritaires, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs. Mais d'autres sont bien décidés à ne pas bouger, à l'instar de la Confédération paysanne ou du collectif Bassines non merci, qui lutte contre la construction de mégabassines. Celui-ci annonce sur X le "blocage de plusieurs plates-formes logistiques" telles que Leclerc, Carrefour ou encore Aldi.
"L'écologie punitive"
"La mobilisation sur la revendication principale du mouvement : un revenu digne par l’interdiction d’acheter nos produits agricoles en dessous de notre prix de revient, n'a pas été entendue", s'insurge la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole français. Il dénonce aussi le recul "fort" sur la protection de l’environnement.
Car ce qu'on retiendra surtout des discours du Premier ministre Gabriel Attal et du président de la République Emmanuel Macron, c'est la mise en pause du plan Écophyto, énième tentative pour réduire de moitié l'usage des pesticides d'ici 2030, et la dérogation sur l'obligation de mise en jachère. Véritable blanc-seing donné à l'agriculture intensive, qui va pouvoir continuer comme avant.
Le gouvernement justifie cette mise en pause par la volonté de "sortir de l’écologie punitive". Les plans de réduction des pesticides ont été "inefficaces" depuis quinze ans, justifie la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot. Elle assure que le gouvernement "travaille en ce moment sur le plan Ecophyto 2030" mais souhaite "se poser un mois de plus pour faire en sorte qu'il soit parfaitement compris, dans le cadre d'un accompagnement et pas d'une punition".
"Détournement"
Mais la punition, est-ce que ce n'est pas plutôt ce manque de courage qui repousse aux calendes grecques le sujet pourtant majeur de la protection des sols mais aussi de la santé des agriculteurs. Car ce sont bien eux les principales victimes du changement climatique, de la perte de biodiversité mais aussi de l'exposition aux pesticides. Avec cette décision, ne sommes-nous pas en train de creuser leur tombe, au propre comme au figuré ?
C'est un "détournement de ce qui est demandé sur le terrain ! On va poursuivre dans la dégradation de la santé des paysan·nes, de nos sols et de notre environnement. Et on va continuer à engraisser les multinationales des fabricants de pesticides…", s'est insurgée la Confédération paysanne.
"Le rapport Stern de l'agriculture"
Pourtant, une autre voie est possible. Une nouvelle étude majeure, publiée par la Food System Economics Commission, un groupe indépendant de quelque 60 chercheurs en économie et en développement durable, appelle à “renoncer à la monoculture, à abandonner certaines pratiques courantes comme le labourage, à revoir l’utilisation des engrais et des pesticides et à privilégier les petits exploitants". Le résultat ? Des gains notables sur le climat, la santé mais aussi l'économie. Car malgré la hausse du coût de l'alimentation que cette transformation engendrera, elle sera largement compensée.
Les auteurs du rapport, qui vise à être l'équivalent alimentaire du rapport Stern de 2006 sur les coûts du changement climatique, estiment que le passage à des systèmes alimentaires durables pourrait rapporter 10 000 milliards de dollars par an. À l'époque, le rapport coordonné par Nicholas Stern, l’ancien chef économiste et vice-président de la Banque mondiale, alors directeur du Budget et des Finances publiques au Trésor britannique, avait marqué un tournant dans la prise de conscience climatique auprès des décideurs.
Celui-ci pourrait connaître le même destin à l'approche des élections européennes qui se cristallisent autour des sujets liés à la nature et à l'agriculture. La droite et l'extrême-droite se sont alliées pour faire de l'écologie l'ennemi numéro un au nom de la protection des agriculteurs. Qui, en face, réussira à convaincre qu'elle fait au contraire partie de la solution ?
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On finit avec la cerise sur le gâteau, le conseil de la rédac'
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Concepcion Alvarez
Journaliste - Rédactrice en chef adjointe
Voilà, c'est la fin de notre newsletter ! 😭 Toute la rédac vous remercie d'avoir lu cette 37e édition jusqu'au bout, bravo ! On a hâte d'avoir vos retours et on vous souhaite évidemment une très belle année 2024.
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