Comment l’intelligence rend sot ?

C’est absurde ! Pourtant certains biais sociaux, cognitifs et culturels participent à cette dérive.

J’emprunte volontairement le terme « absurde » à Christian MOREL. Ici, le résultat « sottise » est contraire à la cause, « intelligence » qui lui a donné naissance.

La lecture de la biographie du général GAMELIN est édifiante. Jeune et au début de sa carrière, c’était un homme brillant, doué de grandes aptitudes scolaires. Ce sont ces aptitudes scolaires qui, aujourd’hui encore servent à évaluer l’intelligence d’un individu. L’outil d’évaluation le plus commun reste le fameux QI.

GAMELIN était aussi animé par une grande ambition et une grande motivation.C’est là que la plasticité de notre cerveau permet de transformer un potentiel cognitif en véritable pépite. Sans rentrer dans le détail des émotions et des besoins qui accompagnent l’ambition et la motivation, ils sont à l’origine des efforts fournis pour le développement de notre cerveau.

GAMELIN prenait-il un plaisir particulier à étudier à l’école de saint-Cyr pour en sortir major de promotion ? Avait-il un besoin de reconnaissance par son père, contrôleur général des armées ? Je ne saurai pas aller plus loin dans la psychologie de cet homme brillant mais nous sentons que les émotions ont certainement joué un rôle dans le développement de ses aptitudes.

L’intelligence de GAMELIN ne s’arrêtait pas au potentiel génétique, à son QI et ses efforts d’apprentissage. Il a fait preuve de grandes capacités de créativité et d’adaptabilité entant que stratège. La psychologie reste latente notamment lorsqu’on perçoit sa volonté de faire ses preuves aux yeux de son mentor, le général JOFFRE.

L’ascension de sa carrière était vertigineuse et les postes qu’il occupa furent prestigieux. C’est ainsi qu’il atteignit le sommet, Chef d’état-major des armées. Qu’en était-il des ambitions ? Des motivations ? Des besoins et des émotions ? Évidemment, tout cela ne disparait pas. Mais ces outils qui furent à la source de ce cerveau fertile n’étaient plus ceux employés. Il faut aussi dissocier le contexte. Je parle ici d’un aspect purement professionnel des capacités intellectuel de l’individu. Je m’apprête à dénoncer l’absence de remise en question de sa capacité à décider. Mais je ne doute pas qu’en dehors de cette autoroute de la gloire professionnelle, il ait eu la chance de commettre des erreurs, signaux vitaux de notre apprentissage. Je suis donc convaincu qu’au travers d’autres aspects de son intellect comme ses rapports sociaux ou ça culture, il continuait à briller.

Ainsi lorsque ce fut à lui de décider, dans le domaine où il excellait, celui où ses aptitudes n’étaient pas contestables. Il ne disposait d’aucun outil pour lui signaler le piège que son cerveau, ses habitudes, la culture hiérarchique et militaire de l’époque lui ont confectionné. L’exercice de son intelligence professionnelle a dû régresser faute de challenges.

En l’absence de signaux déclencheurs, le cerveau préfère fonctionner sur un mode d’économie, « on repose sur nos acquis », on se prélasse dans « notre zone de confort ». Non ! Pas « prélasse » ! Nous ne sommes pas conscients de ce passage à un mode d’économie. Pourtant le résultat est là le cerveau régresse, les connaissances et procédés sont toujours présents mais les connexions neuronales perdent en rapidité ou efficacité. On utilise plus facilement des solutions qui ont déjà fait leurs preuves au lieu d’en créer de nouvelles. La persévérance (S'attacher à atteindre un objectif) laisse la place à la « persévération » (S’attacher à maintenir une décision).

 

Le général GAMELIN prépare donc le conflit à venir à partir de procédés obsolètes, sans tenir compte des expériences de la campagne de POLOGNE. Bref, GAMELIN n’était pas le seul responsable de la défaite. Il fut incapable d’utiliser à bon escient le formidable intellect qu’il s’était forgé. Il a même dû servir d’exemple et influencer ses pairs qui furent incapables de le prévenir des dérives qu’ils auraient pu percevoir s’ils avaient été moins occupés à se congratuler pour leurs réussites.

 

Il existe de nombreux dirigeants, leaders, manager ou autres élites qui de par leurs échecs, expériences ou accidents voire même l’influence de leur entourage disposent de capacités comportementales qui leur permettent de « se remettre en question ». C’est-à-dire d’utiliser cette partie du cerveau plus consommatrice en ressources (on parle de mode mental adaptatif, cerveau préfrontal ou néocortex) au bon moment, dans les bonnes conditions et ce de manière intuitive. L’intelligence est multiple et la prise en compte de l’intelligence émotionnelle dans nos décisions professionnelles nous ouvrent des voies.

Aujourd’hui nous disposons de connaissances, de spécialistes et de formations qui nous offrent la possibilité de corriger ce genre de biais à force de volonté. Je compatis à la souffrance du général GAMELIN face à son exceptionnel échec car il ne disposait pas de ces outils.

Je lance ainsi une alerte aux génies, aux irréprochables, à ceux qui sont responsables des conséquences dimensionnantes de leurs décisions et ceux qui croient que maintenir une décision médiocre vaut mieux que montrer leurs faiblesses à autrui: vous êtes HUMAINS!

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