Comprendre les enjeux épidémiques du déconfinement
Le point clé d’une épidémie, c’est le nombre de personnes que chaque malade contamine en moyenne. Dans le cas de la grippe saisonnière, ce chiffre est inférieur à 2. Il serait compris entre 12 et 18 pour la rougeole d’après Wikipédia.
Ce taux, qu’on appellera R, a une haute importance dans la vitesse de propagation de l’épidémie évidemment. Mais il en a aussi une sur ce qu’on appelle l’immunité collective.
Imaginons en effet une maladie pour laquelle R est égal à 2. Au début de l’épidémie, toutes les personnes contaminées tombent malades. Mais progressivement, une partie des personnes contaminées par un malade donné sont elles-mêmes des anciennes malades (ou ont été vaccinées) et ont développé des anticorps. Le coefficient réel de dissémination de l’épidémie diminue donc progressivement. Quand la moitié des habitants d’un territoire donné ont développé des anticorps, de nouvelles personnes peuvent encore tomber malade, mais elles vont être de moins en moins nombreuses et l’épidémie s’arrêtera progressivement d’elle-même.
Soyons clair : immunité collective ne signifie pas absence de malades. Simplement si un porteur de la maladie arrive sur un territoire ayant atteint l’immunité collective, le nombre de personnes qui tomberont malades sera limité à quelques personnes.
La part P de la population nécessaire pour obtenir l’immunité collective peut se calculer en fonction de R : P = 1 - 1/R. Ce qui donne, pour une maladie qui a un R de 1,4 (la grippe en général), environ 30 %. A l’opposé si R= 15 (rougeole), il faut que près de 94 % de la population soit immunisée.
Il semble que le R pour le COVD-19 soit supérieur à 3 dans une population vivant avec les habitudes des occidentaux (peut être plus en zone très dense et moins en zone à population dispersée). En France, il y a eu 2 morts par jour entre le 5 et le 7 mars, mais environ 20 par jour autour du 15 mars et près de 300 par jour autour du 27 mars !
Le confinement a conduit à une forte baisse des personnes rencontrées par chacun et à une prise de distance lors de ces rencontres. Ces deux mesures ont fait baisser le coefficient R (qu’on appellera donc Rc) en dessous de 1, probablement autour de 0,5/0,6. Du coup le nombre de nouveaux malades s’est mis à baisser progressivement, comme on peut le voir sur le nombre d’entrées en réanimation : plus de 700 par jour autour du 1er avril, vers 250 autour du 13 avril, autour de 100 vers le 26 avril.
La question se pose comment va évoluer R après déconfinement (on l’appellera Rd) ? S’il est supérieur à 1 (par exemple 1,2), on risque de se retrouver avec une nouvelle vague épidémique dans quelques mois. Si au contraire il est inférieur à 1, la maladie va progressivement disparaitre (mais il faudra toujours surveiller les cas importés.
Au regard des mesures décidées, on va avoir deux types de cas :
· Les malades qu’on aura repérés rapidement (malades ayant développé des symptômes et personnes de leur entourage qu’on aura testé), puis mis à l’isolement
· Les porteurs du virus non détectés
Les malades mis à l’isolement ne devraient en théorie contaminer personne. En pratique, ils croiseront malgré tout quelques personnes. Leur taux de contamination (qu’on notera Ri) devrait être faible et inférieur au taux de contamination pendant le confinement (Rc)
Les porteurs non détectés risquent d’en contaminer d’autres assez nombreux. Cependant, s’ils respectent certaines précautions (distance spatiale, gestes barrières, limitation des rencontres), leur taux de reproduction (Rp) pourrait être inférieur à R (mais évidemment supérieur à Ri)
Si les porteurs non détectés représentent une part « a » du total, on peut écrire l’équation :
Rd = a Rp + (1-a) Ri
On comprend que Rd sera d’autant plus faible que Rp, a et Ri sont eux-mêmes faibles
Exemple 1 :
a = 0,5 (part des personnes non détectées à temps)
Rp = 2
Ri= 0,4
Alors Rd = 0,5*2 + 0,5*0,4= 1, 2. Dans ce cas l’épidémie repart
Pour passer en dessous de 1, une solution est de diminuer Rp. Dans l’exemple ci-dessous, Rd passe en dessous de 1 si pour les mêmes valeurs de « a » et de Ri, Rp passe en dessous de 1,6
Une autre solution est de diminuer a. Dans l’exemple ci-dessus, avec Rp et Ri inchangé, Rd passe en dessous de 1 si « a » passe en dessous de 0,375
Ri a moins d’impact, car devrait logiquement être nettement inférieur à 0,5 si les malades sont soumis à un isolement strict (chez eux ou à l’hôtel)
L’enjeu est donc surtout sur la partie a*Rp
A ne pourra pas être nul, parce qu’il y a des malades asymptotiques et que des porteurs ne seront pas détectés tout de suite. L’application sur mobile pour repérer les personnes rencontrées par un porteur ont comme objectif de baisser « a ». Il faut aussi bien sûr disposer de suffisamment de tests
Les mesures de distances spatiales ou d’utilisation de masques dans les transports ont pour objectif de baisser Rp : celui-ci dépend donc notamment du comportement de chacun.
Si dans les prochaines semaines, les prochains mois, le Rd reste sous la barre des 1, le nombre de victimes quotidiennes et hebdomadaires dimnuera progressivement, plus ou moins vite selon que Rd est plus ou moins éloigné de 1
Si au cpntraire Rd est supérieur durablement à 1, il faudra dans quelques mois de nouveau recourir à un confinement serré