Covid-19 : solidarité, image de marque ou marketing opportuniste à l’ère de la crise (sanitaire) mondiale?

Covid-19 : solidarité, image de marque ou marketing opportuniste à l’ère de la crise (sanitaire) mondiale?

Pour les entreprises et organisations, les contextes de crise présentent l’occasion de réaffirmer leurs valeurs et engagements citoyens. Pour les plus réactives et adaptables, c’est aussi la possibilité de se démarquer des concurrents, bénéficier d’un coup de projecteur temporaire ou bien renforcer durablement leur image de marque, à condition de réaliser des dépenses non rentables à courts termes.

Comme le soulignait récemment Mark Ritson qui enseigne le marketing au MIT et à la London Business School (“Marketing in the time of Covid-19”, lire son article ici sur marketingweek.com en anglais, traduction libre d’un extrait) : “la crise du Coronavirus nous met tous à l’épreuve, les marketeurs doivent penser long terme pour continuer à bâtir leurs marques, protéger leurs employés et honorer leurs valeurs. (...) Les marques qui sortent du lot mettent en pratique leurs valeurs face à la crise qui nous entoure. Elles prennent soin de leur personnel et sont prêtes à renoncer à des profits à courts termes pour s’occuper de leur parties prenantes, clients et employés."

Ces entreprises investissent dans des stratégies médias pour développer l’image de marque car, dans un contexte où de nombreux concurrents perdent pied, perdent leur voix et crédibilité, il y a là une rare opportunité, non seulement, de sortir vivant de la crise mais, surtout, avec une longueur d’avance (Mark Ritson).

Du point de vue marketing client, les raisons d’investir dans des dépenses non rentables à courts termes sont généralement multiples.

Marketing opportuniste : se faire connaître, élargir et diversifier sa clientèle

Rabais, essais gratuits pour applications sportives ou de divertissement, les exemples d’offres commerciales sont légions ces derniers jours. C’est aussi l’opportunité de bénéficier d’une certaine visibilité médiatique. 

En France, la chaîne cryptée Canal+ a décidé de rendre son programme gratuit sur toutes les box afin d'inciter les Français à rester en confinement chez eux. Les abonnés auront quant à eux accès à l'ensemble du catalogue de chaînes du groupe. Même le Porno surfe sur le Coronavirus remarque La Presse. Ainsi le site PornHub, un des leaders du secteur, a d'abord offert une période d'abonnement premium à tous les résidents italiens avant d'étendre l'offre aux Français et aux Espagnols. D’autres acteurs du milieu ont emboîté le pas.

Ces initiatives sont aussi accessibles aux micro-entreprises et PME. Par exemple, de nombreux coachs de fitness ont pris l'initiative d'organiser une ou plusieurs sessions en ligne gratuites sur les médias sociaux, à la fois pour leurs clients mais pas que, leur permettant de rejoindre de potentiels futurs abonnés.

Fidéliser et rassurer les clients : à contexte exceptionnel, offre exceptionnelle (image de marque et relation client)

De nombreuses marques ont pris des mesures temporaires pour faciliter la vie des clients ou adapter leurs offres.

Ainsi au Québec, le fournisseur d’accès internet Vidéotron a retiré les limites de données pour encourager le télétravail chez ses clients jusqu’au 31 mars. De même l’opérateur téléphonique Fido quant à lui a annulé jusqu’au 30 avril tous les frais d'itinérance pour ses clients à l’étranger et maintient ses services pour les clients connaissant des difficultés financières. Mais ces entreprises maintiendront-elles leurs ajustements et engagements si le contexte exceptionnel s’éternise et devient la nouvelle normalité pour plusieurs semaines ou mois ? 

D’autres optent pour des partenariats, c’est le cas du centre de gym Econofitness qui offre un mois gratuit pour une application pour faire du sport à la maison (voir aussi l’article de SidLee mentionné plus bas pour d’autres idées créatives de partenariats pour les marques en réponse à la crise).

La société étatique Hydro-Québec quant à elle n’a pas besoin de fidéliser ses clients puisqu’elle a le monopole de l’électricité mais elle a annoncé qu’elle ne procédera à aucune interruption du service d’électricité pour non-paiement et ce pour une durée indéterminée. Sa motivation, autre que le service public, est donc ailleurs comme dans les autres exemples plus bas.

Solidarité et engagement citoyen (image de marque et RSE)

Comme le recommande l’agence SidLee : “il est essentiel de développer de meilleures stratégies pour favoriser la création de valeur à long terme. (...) tout le monde y gagne quand les marques se servent de leur mission pour se mettre au service des gens, des consommateurs et des communautés.” (lire l’article : Utiliser sa mission pour se mettre au service des gens en temps de crise).

Plusieurs entreprises réaffirment leur engagement citoyen, voire jouent la fibre du patriotisme, en mettant à disposition des ressources exceptionnelles.

En France, la compagnie pharmaceutique Sanofi offre un antipaludique pour traiter 300 000 malades, après des essais jugés « prometteurs » (mais prudence, des essais cliniques restent de mise). Le groupe de luxe LVMH a aussi dit agir en annonçant que sa branche parfums allait fabriquer des gels hydroalcooliques mis gracieusement à disposition des autorités sanitaires françaises. 

L’occasion d’injecter un peu de sens et de valeurs positives dans ce système capitaliste mondial. Cela peut rappeler en France, les déclarations et la surenchère d’engagements corporatifs aux lendemains de l’incendie de la Cathédrale Notre Dame de Paris, avec des dons financiers, en nature ou en compétences qui ont parfois été sujets à controverses mais qui ont le mérite d’exister. 

Des avantages multiples et inter-reliés mais, à long terme, l’image de marque et la relation clientèle priment sur le coup de projecteur médiatico-commercial

L'Opéra de Paris et Metropolitan Opera à NYC, pour n’en citer que quelques uns, ont décidé pour une durée temporaire de mettre en ligne des ballets et opéras de leur programmation, pour le bonheur du plus grand nombre. En agissant ainsi, ils font au moins d’une pierre trois coups :

  • Ils élargissent leur renommée, augmentent leur portée médiatique tout en renouvelant leur image (nous sommes modernes et non pas de vieilles institutions poussiéreuses réservées à l’élite financière et intellectuelle); 
  • Service à la clientèle : ils offrent un service alternatif à leurs abonnés (mais pas que) malgré les contraintes de fermeture;
  • Ils rejoignent de futurs nouveaux clients qui voudront peut-être vivre l’expérience en vrai dans l’avenir (parmi les habitants ou touristes de NYC qui n’ont jamais été au MET, mais seraient curieux, et auraient les moyens si on leur proposait une publicité au moment opportun, par du reciblage et un rabais par exemple…).

Dans un autre registre, comme le remarque Ritson (cf. article mentionné au tout début), Marks & Spencer a contribué à sa façon à l’effort de guerre lors de la Seconde Guerre Mondiale en consacrant la plupart de sa production aux citoyens britanniques pour pourvoir à la pénurie de vêtements. Plus personne ne s’en souvient de nos jours, mais dans les années 60 et 70, la marque était largement connue et admirée pour cela. Et en période de difficulté, les Britanniques étaient attachés à leur marque et enclins à soutenir l’entreprise à leur tour.

Certains diront que c’est en temps de crise qu’on révèle sa véritable nature. D’autres qu’on ne juge pas un être à ses pensées mais à ses actes. Appliqué aux organisations et au monde corporatif : c’est en temps de crise qu’on réaffirme ses valeurs fondamentales par des engagements forts et porteurs de sens?

Et vous, en tant que client, employé, citoyen ou entreprise, qu’en pensez-vous? N’hésitez pas à partager votre opinion et vos exemples en commentaires.

A lire pour poursuivre la réflexion :

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets