Développer un état génératif et incarner l'exemplarité. Utopie ou Réalité ?
Le 21e siècle : l’ère du discernement, de la clarté d’esprit et de l’écologie humaniste.
Dans un monde assourdissant comme celui dans lequel nous vivons actuellement, apprendre à calmer son dragon s’avère tout un challenge. « Être exemplaire » par-dessus ça… alors là, tout un défi ! Surtout quand on a du mal à jongler avec ses turbulences intérieures.
Il est démontré que les dirigeants émotionnellement intelligents sont plus en mesure de prendre des risques et d’être de bons pourvoyeurs d’une « écologie humaniste »[1]. De plus, des analyses statistiques claires indiquent que plus le ou la gestionnaire a un quotient émotionnel élevé, moins il ou elle a des traits de comportement toxique. Or, cultiver un état intérieur génératif ne peut qu’avoir des effets bénéfiques, tant pour le dirigeant que pour celles et ceux qu’il dirige.
Ce court texte vous invite d’abord, et ce quel que soit votre rôle, à être honnête avec vous-même et à examiner avec sincérité la nature de vos actions et la cohérence de celles-ci avec vos attitudes et vos comportements. Du coup, pourquoi ne pas faire un petit traitement cognitif et tester la façon dont vous percevez votre baromètre émotionnel et motivationnel ?
Ce regard tourné vers soi pavera la voie à l’exercice réflexif proposé ci-bas. Mesurer la vitalité et la qualité de votre état génératif, une façon simple d’activer votre propre GPS intérieur. En dernier lieu, nous reflèterons quelques éléments qui nous permettent de faire un lien évident entre sa condition intérieure et la notion d’exemplarité.
Mais au préalable, permettez-nous de mettre en lumière quelques données qui nous ont motivés à écrire ce billet.
Les données parlent…
L’un des grands débats actuels n’est-il pas celui de la santé? L’Organisation mondiale de la santé, publié par Sonia Lupien neuroscientifique canadienne[2], révélait qu’en 2020 (et on termine l’année ainsi) la première cause des départs en invalidité serait liée à des problèmes d’anxiété et de détresse psychologiques accrues. Ajoutons à cela, le fait que chaque année c’est 800 000 personnes qui s’enlèvent la vie, soit une personne toutes les 40 secondes (Scharmer, 2018[3]). Que dire maintenant des impacts fulgurants qu’aura l’essor de l’intelligence artificielle (IA) sur la vie des gens d’ici 2050? Une perte de sens de l’utilité qui commence à se ressentir chez le travailleur.
Pourquoi parler de comportements toxiques, de détresse et du sentiment d’inutilité ici...? Parce qu’inéluctablement, un état génératif se développe à partir d’une lecture sensorielle et émotionnelle consciente, juste et objective. Par exemple : suis-je disponible à accueillir ce que je vis présentement ? – Si oui, comment je le sais ?
Qu’entend-on par « état génératif » et à quoi ça sert ?
Nous décrivons l’état génératif comme une connexion a plus grand que soi. Un espace de quiétude d’où émerge le Soi véritable. Souvent accompagné d’une créativité abondante en alternance avec des moments de gratitude et de calme profond, faisant surgir: « ancrage, alignement et cohérence. » Un lieu où s’opèrent : le bien penser, le bien décider et une présence accrue à ce qui EST !
Être intelligent émotionnellement prend ici tout son sens. C’est en développant ses propres mécanismes de régulation qu’on arrive à se construire un baromètre fiable de nos états d’âme. Une façon belle d’apprendre à moduler ses émotions et à en tirer profit. Également, s’enquérir de tout leur potentiel d’apprentissages pour en faire de grandes alliées.
Apprendre à être maître de soi et le rester !
Bien évidemment, cela vaut pour tous les humains et pas seulement pour les dirigeants. Néanmoins, ces derniers ont tout intérêt à rester maîtres à bord et à tester régulièrement la qualité de leur jeu intérieur s’ils souhaitent rayonner davantage d’humanisme et d’empathie. Manifestement, notre état d’esprit (comment nous pensons) combiné à nos actions (ce que nous faisons) produisent les résultats que nous obtenons. Partant de cette prémisse, notre jeu intérieur est indubitablement corrélé avec notre attitude intérieure. Ce qu’ont d’ailleurs démontré plusieurs chercheurs.[4]
Plus métaphoriquement, pour un instant - faites comme SI « votre système de fonctionnement n’agissait qu’avec le meilleur de vous-mêmes. Comme si vous ressentiez une adéquation parfaite entre – ce que vous désirez et ce qui est en train d’avenir, vous offrant comme résultat un futur pressentit dans l’action, duquel émerge la création, l’innovation et un sentiment d’harmonie intérieure. Bref, un état d’unification avec – qui vous êtes (le monde de vos pensées, vos valeurs, vos aspirations profondes) syntonisées avec le geste juste, conjugué à la vision vers là où vous allez…
Qu’avez-vous ressenti en faisant cette brève visualisation ? – Noter vos observations pourrait être bénéfique. “Car au fond ce qui compte, c’est l’endroit d’où tu pars à l’intérieur de toi”, disait Brian Arthur. Vous comprendrez sans doute qu’une fois qu’on a goûté à des états d’unification et d’harmonisation en soi, la conscience de l’évolution qui accompagne ces états nous amène à vivre de grandes phases d’émerveillement et de ravissement.
Testez votre jeu intérieur de leader génératif
Maintenant, voici une courte exploration susceptible de vous éclairer sur votre capacité à générer un tel état dans votre vie. Nous l’avons appelée : l’attitude SHERPA[5].
Sur une échelle de 0-10, évaluez l’intensité ressentie quant à chacun des éléments ci-dessous. Un résultat de 7 et plus vous indiquerait avoir des chances de réussite supérieures lors d’une prise de décision, d’un processus de mobilisation d’équipe ou lors d’évènements que vous avez à mener. À l’inverse, vous risquez de ressentir des PERTES d’énergie importantes.
Le façonnage d’un état intérieur modifié
Plus que jamais, on est au clair avec l’idée que mieux nous nous connaissons, plus nous maîtrisons et utilisons nos émotions positivement, et plus nous multiplions les chances de laisser un impact positif alentour de nous. Des impacts incontestables sur la performance au travail, la santé et le bien-être des humains et de nos collectivités.
Quel lien faire avec l’exemplarité ?
L’exemplarité, vue comme l’action d’être exemplaire :
Fournir un point de référence crédible et fiable; c’est-à-dire un modèle à suivre. Le fait d’être un exemple est lié à la congruence entre “message” et “messager”, en offrant des suggestions démontrant comment apprendre de l’expérience. La volonté de donner l’exemple est le fondement même de l’action du coaching. – Robert Dilts[6]
Ce qui corrobore avec l’expression : les bottines doivent suivre les babines. Sans quoi la cohérence et la crédibilité risquent de ne pas être au rendez-vous. Ce qui rejoint aussi la citation suivante de Einstein : Donner l’exemple n’est pas le principal moyen d’influencer l’autre, c’est le seul moyen.
Être exemplaire, une connexion qui relie : esprit – cœur – volonté (ouverts)
En définitive, cultiver un état génératif assurerait une forme d’équilibre chez le dirigeant. Il semblerait que l’IE a la faculté de nous prémunir des comportements toxiques notamment de la psychopathie, machiavélisme et narcissisme.[7] Partant du principe que toutes les émotions méritent d’être observées, porter attention à sa manière de percevoir, de comprendre et de maîtriser ses propres émotions (et de lire également les émotions chez les autres), changerait non seulement la vision de soi, mais augmenterait notre faculté à agir nouvellement avec les apprentissages découverts.
Le chemin vers sa maturité personnelle
En conclusion, si je cédais la parole à mon dragon intérieur, de quoi aimerait-il jaser avec moi ? Son agitation prendrait-elle racine dans des évènements incontrôlables ou encore dans des besoins et désirs non satisfaits? Ne pas forer ni approfondir le sujet rend utopique l’actualisation d’un nouvel état désiré. Une maturité construite à partir d’une intégration et d’une harmonisation des parts de soi, et développée grâce à la capacité grandissante de savoir entre autres, jongler avec ses forces et talents plutôt que les laisser aller à la dérive.[8]
Et goûter ainsi, à la liberté, la joie de vivre et à la générativité. Sagacité !
Martine Beaulieu, MCC, est Maître coach certifiée de l’international Coach Federation (ICF) et accompagne les chefs d’entreprises, les gestionnaires et les équipes de direction depuis 2005. Présidente d’Émergence leadership, elle travaille auprès des PME et des grandes organisations, publiques et privées. Elle est aussi co-autrice de L’Art et la pratique du coaching professionnel.[9] On peut la joindre par courriel à l’adresse : mbeaulieu@emergenceleadership.com ou par téléphone au 514-687-9957 | 418-651-1358. Site Web : www.emergenceleadership.com
[1] Sciences et Avenir - Christophe Haag, chercheur en psychologie sociale
[2]Sonia Lupien est fondatrice et directrice scientifique du Centre d’études sur le stress humain de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (www.stresshumain.ca)
[3] Otto Scharmer est l’auteur de la théorie U, professeur émérite au MIT et expert du changement.
[4] Martin Buber (le dialogue et les voix qui créent la pensée, la culture et la conscience...) Robert Dilts (l’état COACH versus l’état CRASH), Timothy Gallwey (auteur et créateur du « jeu intérieur »), Peter Senge (l’étude des schémas mentaux et l’impact sur notre façon de percevoir le monde).
[5] Droits réservés à Émergence leadership (2020), par Martine Beaulieu MCC.
[6] Robert B. Dilts and Dilts Strategy Group. Un thème phare de son programme de leadership génératif
[7] Sciences et Avenir - Christophe Haag, chercheur en psychologie sociale
[8] Charest, G. (2005). La roue des talents. Pour diriger sa vie et les organisations. Éd. Publistar.
[9] Beaulieu, Martine, Leader de soi d’abord, L’art et la pratique du coaching professionnel. Éd. Valeurs d’Avenirs, 2019.