« Des solutions existent pour aligner l’intérêt financier de l’entreprise avec un impact social et écologique positif »
L’entreprise à mission est-elle mort-née ? Au-delà de l’appréciation de chacun sur la gouvernance de Danone, c’est la question que beaucoup se posent depuis qu’Emmanuel Faber a été écarté de la tête de la seule entreprise à mission du CAC 40.
Ce débat est en réalité ancien. Il oppose deux conceptions de l’entreprise : celle, classique, selon laquelle elle ne doit être mue que par la recherche du profit, au bénéfice des actionnaires – et celle, plus contemporaine, selon laquelle elle doit aussi avoir la volonté d’orienter son objet social en faveur du bien commun : des salariés, des parties-prenantes et même de la société dans son ensemble. L’ambition de la loi Pacte était précisément d’encourager l’émergence de cette seconde vision.
Mais gardons-nous de tout faux suspense, le combat était disproportionné, biaisé même. Car en introduisant la possibilité de changer de statut pour devenir entreprise à mission, la loi Pacte n’a prévu aucun mécanisme pour protéger les entreprises qui privilégieraient le long au court terme. Certes, l’engagement de l’entreprise est créateur de performance car une marque engagée est plus attractive, des clients respectés sont plus fidèles. Des collaborateurs à qui l’on accorde une confiance réelle et auxquels on est attentifs sont plus épanouis, plus motivés et plus engagés. Mais les marchés financiers, aveuglés par la recherche d’un rendement à deux chiffres, n’attendent généralement pas les résultats de ces actions de fond, les considérant le plus souvent comme des dépenses inutiles à court terme.
Face à ce qui s’apparente à une loi d’airain du capitalisme, que faire ? Certainement pas renoncer. Les modèles mutualistes ou coopératifs, la place prise par les entreprises de l’ESS dans l’économie (10% du PIB, 14% des emplois), font la démonstration que l’on peut être des acteurs économiques tout à fait pertinents et concurrentiels sans avoir pour seul objectif la recherche du profit. Des solutions existent pour aligner intérêt financier de l’entreprise avec un impact social et écologique positif.
A l’heure où toutes les entreprises rivalisent de discours sur des engagements toujours plus responsables et respectueux de l’environnement, la première solution passe par une information claire et concrète des consommateurs.
De la même manière que l’on sait clairement évaluer l’efficacité énergétique d’un logement, la valeur nutritionnelle d’un aliment ou la consommation d’une machine à laver, on doit mesurer objectivement l’impact social et environnemental d’une entreprise. Un impact score qui offrirait aux consommateurs la possibilité d’orienter leur consommation en toute connaissance de cause doit voir le jour.
Le second instrument à mobiliser nécessiterait un profond changement de paradigme : conditionner les politiques publiques au comportement positif des entreprises.
En tant que citoyens, nous sommes tous outrés de voir des usines fermer alors qu’elles ont été soutenues par de multiples aides publiques ; des dividendes versés par des entreprises qui licencient. Même chose lorsqu’un pollueur est tout autant financé par la dépense publique qu’une entreprise vertueuse écologiquement. Alors agissons et faisons sauter les verrous normatifs qui épuisent l’État et figent les positions entre entreprises qui agissent positivement et celles obnubilées par le seul profit. Fiscalisons les dividendes en cas de plan social. Transformons l’impôt sur les sociétés en modulant son taux en fonction de la valeur produite en France. Imposons dans le code des marchés publics des critères environnementaux calqués sur les objectifs de l’Accord de Paris. Conditionnons et proportionnons les droits de vote en assemblée générale d’actionnaires à une durée de présence au capital pour éviter les raids boursiers.
Les formidables outils de solidarité que sont l’assurance-chômage, les aides et les subventions publiques ou encore la formation professionnelle ne doivent plus être contournés pour satisfaire des stratégies de court terme.
Ces propositions impliquent un changement radical, une nouvelle manière d’appréhender notre relation aux entreprises et à la création de richesse.
Elles sont la condition d’une véritable transition de notre économie au service de l’urgence sociale et de l’urgence climatique. Les mettre en avant serait aussi le signe d’une réelle volonté politique.
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Cette tribune est parue dans Le Monde le 19 mars 2021
Mobilisons Intelligences & énergies entrepreneuriales dans ... les entreprises et acteurs de création ___ Formation à l' IE - Co-fondateur FNPAE.org & Pepinium. fr -
3 ansLe temps est il venu sur le terrain de la #transitionentrepreneurialedurable ? en 2010 la CDC n'y croyait pas (en la sachant nécessaire) la DGCIS en eu peur puis la cour des comptes la recommanda en 2012 enfin la FNPAE la relanca en 2018 et nous y voilà... les premiers partenaires prirent peur des gilets jaunes puis du covid et nous y voici... la @maif sautera t elle le pas de participer aux nouveaux accompagnement responsable de la transition entrepreneuriale ?? à votre service Pascal Demurger 😉
Pascal Demurger, Votre réflexion prend comme point de départ l’affrontement inévitable qui existerait entre ces deux visions, tout en rappelant, fort à propos, le déséquilibre abyssal qui existe entre les forces en présence. Je ne connais pas les raisons qui ont conduit au départ d’Emmanuel Faber. Je ne crois d’ailleurs pas qu’il se soit exprimé à ce sujet. J’ai par contre compris qu’à aucun moment il n’a opposé ces deux approches dans son travail. Il s’agit ici de rééquilibrer et d’aligner les intérêts, actionnaires, employés, clients, environnement, société) il s’agit d’arbitrer en permanence pour assurer la pérennité de l’entreprise, dans toutes ses dimensions. Les deux seules radicalités à rappeler à mon sens c’est que 1)« être propriétaires » de l’entreprise vient avec autant de droits que de responsabilités, sur le temps court ET sur le temps long. 2) Il est indispensable d’associer aux décisions celles et ceux qui vont devoir les exécuter. Non pas par « dogme » mais par simple bon sens et recherche d’efficacité. Les conseils d’administration vont donc logiquement évoluer dans ce sens