Climat : « Nous ne pouvons nous satisfaire d’une mobilisation en demi-teinte de l’Etat et des entreprises »
Nul, de bonne foi, ne peut aujourd’hui nier la gravité et l’urgence des défis environnementaux et sociaux de notre société, ni réfuter les contraintes lourdes qui pèsent sur l’Etat comme sur les entreprises dans un contexte de concurrence internationale totalement ouverte. La réconciliation de ces contraintes économiques et de l’urgence à agir devrait être au cœur de l’action publique.
Le comportement environnemental et social des entreprises n’est pas neutre. Il peut avoir un impact important sur la puissance publique, souvent contrainte de développer des actions correctrices au prix de dépenses considérables. Il serait donc légitime que les acteurs économiques contribuent aux charges publiques en fonction des surcoûts que leur activité génère pour la collectivité.
Il serait pertinent que la puissance publique cherche à prévenir plutôt que de devoir systématiquement réparer. L’Etat doit adopter une réglementation qui distingue les entreprises qui polluent de celles qui développent de réels efforts en la matière, celles qui délocalisent ou celles qui créent de l’emploi local, celles qui jouent des écarts de réglementation ou celles qui adoptent une stratégie fiscale responsable, etc.
Une révolution plus profonde de la fiscalité
Pour y parvenir, il dispose de nombreux outils afin d’inciter sans contraindre, de la fiscalité à la commande publique en passant par les aides qu’il accorde. Aujourd’hui, l’impôt sur les sociétés, assis uniquement sur les bénéfices des entreprises, ne prend en compte que la richesse produite. Par conséquent, qu’une entreprise pollue ou qu’elle cherche au contraire à réduire ses externalités négatives sur son environnement, cela n’interfère en rien avec son traitement fiscal.
Pourtant, il est désormais admis que le législateur peut utiliser « la fiscalité comme un moyen d’inciter les contribuables à adopter des comportements conformes à des objectifs d’intérêt général ». Cette évolution de la doctrine fiscale, et notamment de la jurisprudence constitutionnelle, ouvre la voie à une révolution plus profonde de la fiscalité.
Avec la mise en place de la taxonomie environnementale à l’échelle européenne, les entreprises devront bientôt publier la part « durable » de leur chiffre d’affaires. Intégrons cette part durable au calcul de l’impôt sur les sociétés, sans modifier son assise sur le montant des bénéfices.
Renforcer la cohérence de l’Etat
Il serait alors possible de définir trois tranches de modulation du taux normal d’imposition (majorée, neutre, minorée) selon que cette part est considérée comme insuffisante, perfectible ou exemplaire. Cela permettra de peser sur les activités brunes, d’accompagner les activités en transition, d’encourager les activités vertes.
Si l’application d’une fiscalité unique, sans distinction des comportements et sans incitation à les modifier, paraît dépassée, c’est encore plus vrai pour l’attribution d’aides aux entreprises. Avec 140 milliards d’euros d’aides publiques annuelles, l’Etat détient un levier majeur de transformation de l’économie.
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Or, à juste titre, l’opinion n’accepte plus que l’argent public finance l’activité d’une entreprise qui pollue ou qui redistribue des dividendes tout en procédant à un plan social. En conditionnant systématiquement les aides publiques à des critères environnementaux et sociaux, l’Etat renforcerait la cohérence entre ses objectifs et les moyens qu’il attribue aux entreprises.
Un Etat qui fixe un cap
Ainsi, toutes les sociétés de plus de 50 salariés devraient publier un bilan gaz à effet de serre (GES) simplifié, justifier de la mise en place et du respect d’une trajectoire de réduction de leurs émissions de GES dans le cas des grandes entreprises, ou encore rendre publics les indicateurs constitutifs de l’index de l’égalité femmes hommes, Pénicaud.
Enfin, la commande publique, avec ses 200 milliards d’euros par an, est un autre levier à la disposition de l’Etat et des collectivités locales pour encourager la mobilisation des entreprises. Personne ne niera les efforts accomplis depuis une quinzaine d’années afin de rendre les achats publics plus responsables.
Pourtant, encore aujourd’hui, rien ne garantit que le critère environnemental exerce une influence minimale dans le choix final d’un acheteur public. S’il appartient à l’Etat de fixer le cap, alors il doit imposer un seuil environnemental minimal dans la notation des marchés publics. Ce serait un pas décisif, avant d’obtenir de Bruxelles l’affirmation du principe de l’offre « écologiquement et économiquement la plus avantageuse » pour toute commande publique.
Une alliance indispensable pour une prospérité durable
Dans son rapport annuel du 16 décembre 2021, le Haut Conseil pour le climat alerte sur le fait que « les efforts actuels [des politiques publiques] sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs de 2030 ». Nous ne pouvons nous satisfaire d’une mobilisation en demi-teinte de l’Etat et des entreprises.
En offrant à ces dernières une stratégie d’optimisation fiscale vertueuse, en conditionnant les aides publiques et en fixant un niveau d’exigence environnemental élevé à la commande publique, l’Etat les inciterait à accélérer la transformation de leurs modèles. Il s’assurerait d’atteindre ses objectifs climatiques.
Il préviendrait les coûts de réparation pour la collectivité. Il renforcerait l’attractivité de la France pour les entreprises écologiquement mieux-disantes. Une révolution de la relation Etat-entreprises est possible. Elle est même indispensable pour ouvrir une voie vers une prospérité durable, conciliant performance économique et transition environnementale et sociale.
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Change Management Director
2 ansIl est certain qu'une révolution fiscale se prépare en lien avec la transition écologique .. Il faut voir sur le sujet tout ce qu'a pu écrire Christian Gollier
Responsable communication interne - Direction des Ressources Humaines Groupama Rhone-Alpes Auvergne
2 ansCamille Guillon ainsi parle le directeur de la Maif 🤩
Manager pôle PENSER de TOROW — Représentant en Occitanie — Expert décarbonation et transition énergétique
2 ansOui, mais en pensant aussi à toutes les petites PME de nos territoires qu'il faut embarquer dans l'aventure sans compliquer davantage leur quotidien. Il faut un cap lisible et visible.
Président fondateur d'AXITEC Solutions de Palonniers à Ventouses dont les produits sont certifiés Origine France garantie. Ingénieur des Mines. Ex-président de l'UIMM Deux-Sèvres, membre de la Commission Industrie. 316,1
2 ansPascal Demurger, pourquoi pas, malgré la difficulté à mettre en œuvre des outils fiables pour discriminer les entreprises selon leur action vis-à-vis du dérèglement climatique. Pour ma part, j'ajouterais la notion de progressivité de l'impôt des sociétés. Une société, qui de par sa position "dominante" génère une grande profitabilité, pourrait avoir un taux d'imposition marginal plus élevé...