DRH : la nouvelle donne de l’attention
La fonction RH est aujourd'hui confrontée à au moins trois défis majeurs et cumulatifs :
Sur chacun de ces trois fronts, on retrouve un même enjeu, celui de l’attention.
Pour la #FonctionRH, il s’agit en effet de susciter l’intérêt des candidats détenant les compétences recherchées, de maintenir celui des collaborateurs sur le long terme et de susciter leur attention au quotidien pour leur donner envie de faire un bout de chemin professionnel ensemble.
Se faire entendre dans le bruit
Le problème est qu’il ne suffit pas de vouloir capter l’attention de ses « cibles » pour y parvenir tant elles sont sollicitées par ailleurs. C’est là le troisième vent contraire que la #DRH affronte après celui de la guerre des talents et de la guerre de l'image.
Avant d’être un candidat ou un collaborateur, toute personne est aussi un consommateur dont les marques, les médias et surtout les réseaux sociaux s’efforcent de capter le « temps de cerveau disponible [1] ». Le smartphone a par ailleurs une efficacité décuplée par rapport à la télévision dans cette captation de notre attention.
Nous avons tous désormais accès à une quantité d’informations, pertinentes ou pas, bien supérieure aux capacités attentionnelles dont nous disposons pour en prendre connaissance. Dans un monde d’infobésité, il convient donc de mettre au premier plan une nouvelle rareté et sans doute une nouvelle source de valeur : l’ #Attention [2].
Le monde s’est transformé. Il a fortement changé en très peu de temps. La fonction RH doit prendre en compte ce changement de paradigme de la communication si elle souhaite encore remplir sa mission.
Pour être transformatrice et porter la dimension humaine des organisations, elle doit se transformer.
D’abord, elle se doit d’appréhender cette nouvelle donne pour intéresser son audience, pour en être entendue et pour construire avec elle une relation sur le long terme.
Susciter l’intérêt
Heureusement, il ne s’agit pas, dans le domaine des ressources humaines, de capter cette disponibilité cérébrale et souvent émotionnelle : le service #RH n’est pas et ne sera jamais une régie publicitaire. Mais la DRH doit s’efforcer d’être intéressante pour les candidats, les collaborateurs et les managers. Pour y parvenir, elle doit mieux comprendre leurs habitudes, leurs attentes, leurs besoins et leurs souhaits.
Ensuite, elle doit mettre en place les garde-fous de cette servitude numérique et de cette économie de l’attention pour les canaliser et en diminuer l’influence au sein de l’entreprise. Elle doit le faire tout en accompagnant les victimes de l’illectronisme [3], ceux qui sont en difficulté vis-à-vis du digital, voire dans l’incapacité d’utiliser les appareils numériques et les outils informatiques.
Elle doit s’assurer que tout le monde monte à bord du train du digital, certains dans la voiture de tête, d’autres dans la voiture de queue, mais personne ne doit rester sur le quai.
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Être un repère dans le chaos numérique
Comme l’analyse très bien Bruno Patino dans La Civilisation du poisson rouge [4], l’économie de l’attention consiste à augmenter la productivité du temps pour en extraire encore plus de valeur. Après avoir réduit l’espace, il s’agit d’étendre le temps tout en le comprimant, et de créer un « instantané infini ». L’accélération générale a remplacé l’habitude par l’attention, et la satisfaction par l’addiction.
Cette économie de l’attention détruit peu à peu nos repères. Notre rapport aux médias, à l’espace public, au savoir, à la vérité, à l’information, aux relations humaines, rien n’échappe à l’économie de l’attention qui préfère les réflexes à la réflexion et les passions à la raison.
« Les regrets, toutefois, ne servent à rien. Le temps du combat est arrivé, non pas pour rejeter la civilisation numérique, mais pour en transformer la nature économique et en faire un projet qui abandonne le cauchemar transhumaniste pour retrouver l’idéal humain [5]… » Bruno Patino
Savoir prendre soin
Par ailleurs, le salarié n’a pas envie d’être réduit à un animal économique. Il a besoin de donner et d’être reconnu pas uniquement pour ce qu’il fait, mais aussi pour ce qu’il est. C’est surtout cela l’attention : une marque d’intérêt, d’affection, un égard particulier, un soin aux personnes. Il convient de sortir de la vision utilitariste du salarié et de porter attention à l’autre. L’entreprise doit aller au-delà de son rôle économique et être porteuse de sens. L’attention sincère aux personnes en est la clé.
Les confinements et l’épidémie de Covid-19 ont été l’occasion de revaloriser, au moins symboliquement, tous ces métiers du soin et de l’attention, dont l’utilité évidente éclipsait soudainement celle de nos activités professionnelles moins essentielles, devenues presque dérisoires.
Et si les DRH, à leur manière, rejoignaient en partie ces métiers d’attention et de solidarité caractéristiques de la société du care [6] ? N’y a-t-il pas quelque chose d’éminemment caractéristique des RH dans la définition qu’en donne Cynthia Fleury-Perkins : « une société du "prendre soin" où on comprend que nos interdépendances sont des forces qui nous permettent de transformer le monde de la façon la plus créative et solidaire possible [7] » ?
Représentation et image de la fonction, fidélisation des talents, attention aux personnes : ces trois défis dessinent en creux la feuille de route de la fonction RH pour l’avenir.
Cette tribune est un extrait de l'ouvrage "DRH : mission ou démission, 3 pistes d'action à l'heure du choix" paru aux Éditions Diateino .
[1] Selon la formule « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible » de Patrick Le Lay, alors PDG du Groupe TF1 , Les Dirigeants face au changement, Éditions du Huitième jour, 2004.
[2] Voir sur ce sujet l’ouvrage collectif sous la direction de Yves Citton : L’économie de l’attention : Nouvel horizon du capitalisme ?, Éditions La Découverte , 2014.
[3] L'illectronisme touche 17% de la population selon l' Insee
[4] Bruno Patino, La civilisation du poisson rouge : Petit traité sur le marché de l’attention, Editions Grasset, 2019.
[5] Ibid.
[6] Le care, la « capacité à prendre soin d’autrui », a été mis en évidence par Carol Gilligan en 1982. Une Voix différente : Pour une éthique du care, Flammarion, 2008.
[7] « Penser demain : la société du "care" selon Cynthia Fleury », Brut, 15 avril 2020.
Recrutement et accompagnement de la politique RSE des dirigeants
6 moisL’attention, le corollaire de l’intention en entreprise Thomas Chardin.
Accompagnement des transitions de carrières des Seniors, International Executive coach. Exploratrice & Rebelle. TEDx speaker.
1 ansBeaucoup de défis dans la vie des DRH. Dans la conquête de l'attention, le sens, les valeurs, la reconnaissance du travail réalisé, la célébration des résultats et l'empathie sont vraiment clés. Merci Thomas Chardin
Head of Marketing @BeTomorrow and @Skillagora
1 ansMon humble avis est qu'il faudrait surtout beaucoup plus de plaisir, de folie, de passion au quotidien. Cela me fait penser au souci des personnes avec un TDAH. C'est intéressant parce que paradoxalement, ils ont des troubles de l'attention SAUF quand ça les passionne et ils basculent alors dans l'hyperfocalisation où ils peuvent s'avérer plus performants que les autres. Dans beaucoup d'organisations -et vous excluserez mon propos direct, je n'ai jamais eu la lourde fonction de DRH- on s'emmerde ! On se sent asphyxié au quotidien. Dans le contexte VUCA actuel, il faut libérer les énergies au risque d'avoir une armée de zombis. Et là on sort du train train quotidien, on reprend des couleurs, on se prend à avoir des idées, des rêves, le sens critique, de l'humour, et la machine est repartie: on s'éclate tous ensemble au boulot. Ce n'est pas pour rien que les facilitateurs en intelligence collective utilisent des "energizers". La deconnade, c'est la décontraction de l'intelligence !
Executive Human Resources - Head of HR/Actively involved in people development and career path for Corporate and Support Functions people worldwide
1 ansAnalyse très pertinente et réaliste. De vrais challenges, où le DRH doit savoir s'adapter aux contraintes de l'entreprise et ses attentes chiffrées, et aux souhaits des collaborateurs d'exister en tant qu'être humain et non machine à rendement. Pas simple, mais pas impossible ! Merci Thomas !
HRBP Nestlé CPF
1 ansCe sont nos champs d'action ! Bel article