Elections présidentielles ou la dictature de l’audimat
C’est assez saisissant de voir à quel point, les rédactions de presse ont à ce point la tête dans le guidon (ou dans le sac !) pour passer à côté des fondamentaux de ces élections présidentielles.
Il semble que les leçons du Brexit et de D. Trump n’ont pas été totalement assimilées par la presse dans cette campagne présidentielle 2017. Pourtant tout le monde y va sur la pointe des pieds. Paradoxalement, les journalistes qui prennent les sondages avec des pincettes sont les premières victimes de cette dictature de l’audimat. Il n’y a qu’à observer la différence de ton et de traitement entre Emmanuel Macron, Marine Le Pen (quoi qu’elle en dise !) et même François Fillon par rapport à Jean-Luc Mélenchon et Benoit Hamon légèrement en retard aux points. Et ne parlons pas des « petits » candidats qui doivent en interview, essuyer les sarcasmes limite rigolards de certains de mes confrères.
Et ne parlons pas des « petits » candidats qui doivent en interview, essuyer les sarcasmes limite rigolards de certains de mes confrères.
Bien sûr, de leur point de vue, les rédactions ont le sentiment de ne rien laisser au hasard et de traiter tous les protagonistes de la même façon ou à peu près. C’est sans doute vrai.
Le choix des gros titres
Avec le principe multicanal de l’info d’aujourd’hui, tous les programmes électoraux ont été publiés, toute l’actualité des candidats est scrutée, mais l’audimat contraint le choix des gros titres et des articles qui seront mis en avant sur les supports de référence de chaque rédaction. Si les programmes des onze candidats figurent sur le site de France Info par exemple, on peut compter sur les doigts d’une seule main, les apparitions à l’antenne de François Asselineau ou Philippe Poutou.
D’où cette impression de ne voir que les mêmes. Mais dans une lutte de survie des organes de presse, difficile de faire autre chose que subir cette dictature de l’audimat et de sombrer dans son corolaire du vote « utile ».
Une posture problématique puisque finalement le vote « utile » est l’ennemi de la démocratie que veut cautionner la presse. Or, il semble important de nous pencher sur un nouveau format qui permettre aux électeurs d’avoir une vue d’ensemble des idées proposées.
Le vote « utile » est l’ennemi de la démocratie
Certes, la cacophonie d’une rencontre des onze prétendants en temps ultra compté, ne pourra rien amener de très concret, de très audible. Organiser de multiples petits débats entre deux ou trois candidats, sur des thèmes bien précis aurait pu être une solution, pour faire avancer les idées. Faire des comparaisons chiffrées, parler des Législatives, et tant d’autres choses à dire en variant le ton.
Organiser de multiples petits débats entre deux ou trois candidats
L’info n’arrive pas toujours
A l’inverse, à une époque où il n’y a jamais eu autant d’information, les citoyens ont l’impression de ne pas maîtriser, ne serait-ce que les grandes idées des candidats et beaucoup d’entre eux indécis, sont proches de l’abstention. Il y a bien là un manque d’efficacité des médias dans leur corps de métier.
Certes les affaires Fillon a rebondissements multiples n’ont rien arrangé, mais les choix éditoriaux de les mettre systématiquement à la Une ont été mauvais. Prises dans le feu de l’action, la plupart des rédactions ont réagit « à l’ancienne » en mettant en front page, le sensationnel au quotidien, en montrant les épisodes de l’irrationnelle position d’un candidat mis en examen mais continuant son chemin d’un : « et alors ?! ». Mais on s’aperçoit maintenant que malgré des rédactions multicanal, il existe un goulot d’étranglement de l’info. Tout est diffusé, mais tout ne parvient pas aux lecteurs, aux auditeurs, aux téléspectateurs, aux internautes. Et parfois, c’est l’essentiel qui disparaît.
Tout est diffusé, mais tout ne parvient pas aux lecteurs, aux auditeurs, aux téléspectateurs, aux internautes. Et parfois, c’est l’essentiel qui disparaît.
Choisir le bon canal
Il est donc désormais crucial de travailler sur l’édition de l’info pour les rédactions, de prendre parfois le risque de ne pas faire comme la concurrence. Le multicanal doit servir à ça. Varier les styles, les sujets, d’un canal à l’autre, avec l’avantage que le manque de discernement d’un jour disparaît vite dans l’immédiateté.
Cette plus grande diversité de ton, de supports, de traitement de l’information aura également l’avantage de se soustraire aux critiques des candidats qui se servent des mots médias et presse pour mettre tout le monde dans le même panier.
De cette façon, il sera plus facile aussi de voir arriver les surprises des scrutins, de lutter contre la pensée qui s’unifie en traitant les mêmes sujets en s’auto-nourissant les uns les autres.
Bref, c’est d’un mouvement rageur de rotation de l’épaule que je suggère : « diversifions-nous plus pour informer plus… » (ok. Je sors !)