Energie : entre pénurie et hausse des prix, comment se préparent les entreprises ?
Energie : entre pénurie et hausse des prix, comment se préparent les entreprises ?
L’hiver arrive… Et avec lui, une recrudescence de l’inquiétude qui grandit depuis plusieurs semaines chez les chefs d’entreprises de tous les secteurs : comment maintenir l’activité sans faire flamber la facture énergétique et en se conformant aux directives du plan de sobriété* ?
Factures salées et risque de pénurie
Présenté par le gouvernement le 6 octobre dernier, le plan de sobriété énergétique vise une réduction de 10 % de la consommation d’énergie d’ici deux ans et, à plus long terme, une réduction de 40 % d’ici 2050. Des objectifs ambitieux, portés par l’accélération du changement climatique – dont les effets sont désormais plus que tangibles – et la guerre en Ukraine.
Mais il n’est pas seulement question de plan de sobriété. La facture énergétique fait partie des principales préoccupations des entreprises aujourd’hui. Nombre de PME et d’artisans craignent le dépôt de bilan**, et le monde de l’industrie envisage l’année 2023 avec la plus grande prudence. 350 entreprises feraient déjà face à d’importantes difficultés, selon le ministre de l’Industrie Roland Lescure***. Et ce nombre ne serait que la partie visible de l’iceberg, a averti le ministre.
Les entreprises de taille intermédiaire sont également très exposées. Une ETI sur deux anticipe un bond de plus de 50 % de sa facture énergétique en 2022 par rapport à 2021, et de plus de 100 % sur 2023****. Or, seules 9 % des ETI peuvent répercuter totalement ces hausses sur leurs prix de vente. Faute d’aides supplémentaires, la très grande majorité devra donc l’absorber en interne, ce qui met en péril la pérennité de nombre d’entreprises. D’autant que cette nouvelle crise survient après plus de deux années difficiles en raison de la pandémie.
Et puis, entre les tensions d’approvisionnement sur le gaz russe et l’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire française, le risque de pénurie est sur toutes les lèvres. D’autant qu’à la rentrée de septembre, la Première ministre Elisabeth Borne avait prévenu : si des coupures de gaz et d’électricité s’avéraient inévitables cet hiver, ce seraient uniquement les entreprises qui seraient concernées*****.
Trois conseils pour se préparer
Dans ce climat d’incertitude, toutes les entreprises naviguent à vue, sans aucune visibilité sur 2023. Alors, elles doivent se préparer comme elles le peuvent en privilégiant trois dimensions.
#1. Contrôler les contrats d’énergie
La première, et certainement la plus simple, c’est de commencer par vérifier les contrats d’énergie avec leurs fournisseurs respectifs. Beaucoup de contrats courent sur deux ou trois ans, ce qui signifie que certains tomberont dans un avenir plus ou moins proche. Or, les entreprises doivent l’anticiper car les écarts de prix risquent de se faire sentir.
C’est le cas par exemple pour Guillaume de Sorbay, qui a repris en janvier 2020 près de Rouen deux entreprises : Simmad Escaliers et JPB Menuiserie. Malgré un carnet de commandes rempli et une activité qui tourne à plein régime, ses entreprises risquent de mettre la clé sous la porte à cause d’une facture d’électricité multipliée par quinze******.
Vérifier les contrats d’énergie, prêter attention aux clauses et à leur échéance est donc une étape incontournable pour toute entreprise. C’est nécessaire pour se faire une idée des conséquences qu’auront les hausses de prix à plus ou moins long terme, à la fois sur les budgets mais aussi la compétitivité.
#2. Elaborer un plan de continuité d’activité
Et que faire si des pénuries ont bel et bien lieu ? Dans certains domaines, comme dans l’industrie verrière par exemple où les process sont continus, cela pourrait avoir des conséquences dramatiques avec impossibilité de faire redémarrer l’activité par la suite.
Les chefs d’entreprise, et a fortiori ceux qui dirigent des entreprises particulièrement sensibles aux coupures d’électricité et de gaz, doivent donc se pencher sans attendre sur un plan B. Le but : trouver des alternatives à d’éventuelles coupures. On peut imaginer par exemple des groupes électrogènes qui serviraient de substitut le temps la coupure, bien que cette solution soit éloignée des objectifs de réduction de l’empreinte carbone souhaités.
Il faut également maintenir le dialogue avec les autorités afin de les sensibiliser sur toutes ces questions et s’assurer qu’elles comprennent les enjeux à l’œuvre sur le terrain.
#3. Poursuivre et accélérer la transition énergétique
Cela peut sembler secondaire alors que les entreprises doivent gérer les problèmes dans l’urgence, mais cette crise énergétique nous rappelle ô combien la transition écologique des entreprises est un sujet majeur.
Heureusement, beaucoup d’entreprises en ont conscience depuis longtemps et ont déjà démarré leur transition, avec des politiques RSE engagées. Certaines sont même très avancées sur les questions de la réduction de leur consommation d’énergie, et pourront aborder cette période compliquée avec plus de sérénité que d’autres.
Quel que soit le niveau d’avancement, toutes les entreprises ont intérêt à se pencher sur ces questions de réduction de leur consommation énergétique, de rénovation énergétique de leurs locaux et de production plus écologique. Et pour y parvenir, il leur faudra miser sur l’intelligence collective, en intégrant toutes les parties prenantes – y compris et surtout leurs collaborateurs – dans leur démarche.
Des idées sont à creuser dans le plan de sobriété du gouvernement, mais pas seulement. Trouvez vos propres idées, échangez avec vos pairs, vos collaborateurs, les clubs d’entreprises, vos conseils et pourquoi pas votre banquier !… Ne restez pas seuls face à ce défi de taille.
*Présentation du plan de sobriété énergétique, ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, 6 octobre 2022, https://www.entreprises.gouv.fr/fr/actualites/presentation-du-plan-de-sobriete-energetique
**« Prix de l’électricité : un avis de tempête sur les PME ? L’inquiétude monte chez certains sénateurs », Public Sénat, 7 septembre 2022, https://www.publicsenat.fr/article/societe/prix-de-l-electricite-un-avis-de-tempete-sur-les-pme-l-inquietude-monte-chez
***« Crise énergétique : environ "350 entreprises font face à des difficultés importantes", indique Roland Lescure », France Info, 17 octobre 2022, https://www.francetvinfo.fr/economie/energie/crise-energetique-environ-350-entreprises-font-face-a-des-difficultes-importantes-indique-roland-lescure_5422681.html
****« Les ETI face au défi de la crise énergétique et de l’inflation », Baromètre Palatine-METI du financement des ETI, 7ème édition, septembre 2022, https://m-eti.fr/financement-barometre-palatine-meti-du-financement-des-eti-7/
*****« Electricité : des délestages tournants sont possibles, explique Élisabeth Borne », Le Figaro, 1er septembre 2022, https://www.lefigaro.fr/conjoncture/electricite-des-delestages-tournants-sont-possibles-explique-elisabeth-borne-20220901
****** « L’avenir de mes entreprises est compromis », témoignage de Guillaume de Sorbay, Le Journal des Entreprises, 10 octobre 2022
Directrice Financière, Pilotages et Secrétaire Générale, membre du Comité de Direction chez Banque Populaire Occitane, Co-Présidente du réseau des elles de la BPOC
2 ansBruno : merci pour cet article très intéressant et très pertinent dans le contexte. On sent le bon mixte approche commerciale et risques !
En retraite chez En retraite
2 ansExcellent article qui rappelle bien les enjeux.
Très intéressant. Et j’ajouterai un 4ème conseil : « se faire conseiller ». Par l’ADEME, via les structures consulaires ou les organisations professionnelles, etc. Quand un problème touche aussi largement des secteurs ou des entreprises, il est plus que jamais pertinent de regarder autour de soi comment font les autres.