ET SI TOUS LES EMPLOIS DEVENAIENT DES GREEN JOBS ?
« Réinventer son métier : intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans son activité professionnelle. » C’est le thème du webinaire organisé par l’association Alumni for the Planet ce mercredi 4 décembre, de 18h à 19h30. Vous pouvez vous inscrire gratuitement en cliquant ici.
Depuis 2021, Alumni for the Planet fédère les diplômés des écoles d’ingénieurs et de commerce françaises, leur offrant un espace d’action collectif pour accélérer la transition environnementale de leurs entreprises. Ce mouvement s’inscrit dans une tendance plus large de collectifs de salariés cherchant à transformer leurs organisations de l’intérieur.
Contrairement aux « bifurqueurs », qui refusent de rejoindre des entreprises qu’ils jugent insuffisamment engagées face à la crise climatique, ou aux « déserteurs », qui quittent leur emploi pour des missions à impact, les « écotafeurs » choisissent d’agir depuis l’intérieur. Ce terme, popularisé par l’ADEME dans son rapport ECOTAF : la mobilisation écologique des salariés (décembre 2023), désigne ces employés qui initient des actions concrètes telles que des ateliers comme la Fresque du Climat, des formations comme les Ateliers 2 Tonnes ou des actions collectives comme le co-voiturage.
Ces écotafeurs sont surtout des cadres appartenant à la génération des millenials, en recherche de sens au travail. Ils font le choix de la loyauté à l’entreprise, poussés par la croyance que leur impact écologique sera supérieur en « faisant bouger les lignes de l’intérieur ». Ils sont la manifestation dans l’entreprise de ce que Bruno Latour désignait comme « la nouvelle classe écologique » ou de ce que Jean Viard nomme dans son dernier livre « les individus écologiques ». L’appui des dirigeants augmente l’impact de leur mobilisation en interne, mais le risque de rupture entre les attentes de cette nouvelle génération d’activistes positifs et le rythme de l’évolution des business models des entreprises, appelle à une nouvelle gestion des RH. Si tous les emplois deviennent des green jobs, la fonction RH ne doit-elle pas elle aussi évoluer ?
C’est précisément la thèse de Michel Barabel (directeur de l’Executive Master RH de Sciences Po Paris), Olivier Meier (Directeur de l’observatoire Action Sociétale et action publique), et Antoine Poincaré (Directeur de la Climate School d’Axa Climate), dans leur ouvrage Green RH – Quand la fonction RH fait sa révolution verte (Dunod, septembre 2024). Un ouvrage qui s’appuie sur les témoignages de plus de 90 professionnels RH pour explorer le rôle clé de la fonction RH dans la transformation écologique des entreprises.
LE RÔLE PIVOT DES RH.
Les auteurs de « Green RH » sont convaincus que la fonction RH doit jouer un rôle pivot, non seulement en réinventant les principes internes de l’entreprise (culture, structure, valeurs, rites …) et ses propres politiques (recrutement, développement des compétences…), mais aussi en inspirant une transformation globale des Business Models en les faisant évoluer vers des modèles plus durables de type « entreprise régénératrice » ou « permaentreprise ».
Historiquement, la fonction RH s’est construite de manière déconnectée des enjeux environnementaux : les pratiques RH traditionnelles ont souvent comme seule priorité l’atteinte d’objectifs économiques et sociaux, sans tenir particulièrement compte des conséquences sur l’environnement, ni sur les générations futures. Dans la mesure où la lutte contre le dérèglement climatique demande à chaque entreprise de modifier à la fois sa culture et son organisation, la gestion des ressources humaines est plus stratégique que jamais. Les anglo-saxons parlent de Green Human Ressources Management, qui comprend cinq dimensions :
1. Un cycle de vie des collaborateurs compatible avec les contraintes écologiques.
2. Le développement de compétences vertes et la sensibilisation environnementale.
3. Des systèmes de rémunération et avantages sociaux intégrant des critères environnementaux.
4. La mobilisation des salariés dans des actions concrètes pour la transition verte.
5. L’équilibre vie professionnelle/vie privée à l’ère des bouleversements climatiques.
En intégrant ces dimensions dans chacune de ses pratiques (recrutement, formation, gestion des performances, etc.), la fonction RH peut devenir un levier central de la transition environnementale.
AU-DELÀ DES NORMES.
Si des cadres réglementaires tels que l’ISO 26000 ou la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) imposent de nouveaux standards, les entreprises doivent aller plus loin qu’une simple mise en conformité technique. La transition écologique nécessite une réinvention organisationnelle et culturelle profonde. Car il ne faudrait pas que la transition écologique ne se centre que sur des questions instrumentales et techniques qui se limiteraient à adapter les procédés et les outils.
Pour que les entreprises puissent passer d’une logique d’« adaptation » (=réduire son impact négatif) à une logique de « transformation » (= générer un impact positif net), les RH doivent jouer un rôle moteur. Inspirées par des approches comme celle de Peter Senge sur l’ « entreprise apprenante », ils ont la possibilité de développer des capacités dynamiques au sein des organisations :
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• Acculturation : sensibiliser les salariés aux enjeux écologiques.
• Formation : intégrer les impacts du changement climatique sur le métier.
• Développement : acquérir de nouvelles compétences stratégiques.
La prise en compte de la dimension environnementale doit se faire dès la phase de recrutement, puis au moment clé de l’onboarding, mais aussi dans une perspective de rétention des talents et de lutte contre l’écoanxiété.
Les DRH peuvent ainsi devenir des militants crédibles, accompagnant les entreprises dans leur révolution verte, tout en veillant à engager les collaborateurs, et à réduire les tensions générées par la transition. D’où l’intérêt de participer aux réflexions inter-entreprises pour à la fois partager les meilleures pratiques, mais aussi accélérer la contagion écosystémique.
L’ECOCENTRIC LEADERSHIP.
Une stratégie d’adaptation et de lutte contre le changement climatique n’a aucune chance d’aboutir sans une transformation profonde de la culture managériale et des structures organisationnelles. En commençant par le plus haut niveau, celui du CEO qui doit se montrer exemplaire pour incarner la transformation. Mais en passant aussi par l’ensemble des managers qui relaient quotidiennement (ou non) les priorités stratégiques et les bons comportements. Et en créant une culture et une structure qui évitent les injonctions paradoxales et assure la cohérence de la démarche. Le modèle traditionnel du leadership « command & control » est ainsi remis en cause au profit d’une démarche de servant leadership porteur à la fois d’un purpose (raison d’être) et d’une éthique de responsabilité.
Le Green Leadership Model, proposé en 2023 par le Think tank Entreprise et Progrès et Manpower, identifie trois piliers clés :
1. Diffuser une culture de l’impact auprès de tous les métiers.
2. Sensibiliser toutes les parties prenantes internes et externes via un empowerment positif.
3. Intégrer des indicateurs extra-financiers dans le reporting de l’entreprise.
Ces changements, soutenus par une politique de rémunération alignée sur des objectifs environnementaux, permettent de catalyser une dynamique collective.
TOUS ÉCOTAFEURS !
Les auteurs de Green RH rejoignent l’analyse faite par l’ADEME : la mobilisation des salariés est nécessaire, mais pas suffisante si elle n’est pas le fruit d’une démarche politique et stratégique au plus haut niveau de l’entreprise, et si elle n’est par relayée par l’organisation, au sein de laquelle les RH sont une fonction décisive. L’ADEME souligne que cette approche ne concerne encore aujourd’hui qu’une minorité d’entreprises, et que, dans bien trop de cas, la mobilisation écologique des salariés se heurte au plafond de verre du modèle d’activité de l’entreprise. Si, pour les salariés, l’activisme environnemental nourrit la quête de sens au travail et renforce potentiellement l’attachement à l’entreprise, le risque de frustration peut naître chez les activistes les plus moteurs quand les changements de l’entreprise ne vont pas assez vite ou assez loin. L’enjeu central est, en effet, la profondeur de l’impact de la mobilisation des salariés sur la trajectoire écologique de l’entreprise. L’adoption d’écogestes peut constituer un point de départ pour intéresser les salariés, mais ceux-ci ont de bonnes raisons de revendiquer un droit d’expression sur la stratégie de l’entreprise, son orientation et son rythme. Ce qui peut les inciter à rechercher une jonction avec d’autres mouvements comme la Convention des Entreprises pour le climat, les collectifs, ou Alumni for the Planet, dont je vous parlais en introduction de cet article. C’est justement parce que les gouvernements en font moins, et qu’un certain nombre d’entreprises sont en retard sur leur transition environnementale, que la responsabilité nous incombe de devenir des écotafeurs plus engagés et mobilisés que jamais, en décidant d’aller plus loin pour faire de chaque emploi un green job !
Poke aux Alumni for the planet : Gwenola Bliek , Frédéric DE DINECHIN , 🌍 Michel Salem-Sermanet 🌍 , Alexis Treilhes , Catherine Brennan , Ludovic M. , Caroline LEJEUNE .
CEO ALTAÏDE Chasseur de Têtes / Recrutement / Digital Innovation Impact / Mentor startups / #LinkedinTopVoices / Paris Bordeaux
1 moisComplétement en accord, au point que j'étais en train d'écrire un article sur l'importance des DRH dans cette transformation "green".
Directrice marketing, produits, data, communication ✦ Manager de transition ✦ Marketing des services ✦ Paiement, services financiers, banque, assurance, Grande distri, mobilité ✦ B leader - RSE
1 moisStéphanie Brisac : une newsletter qui parle d’entreprise apprenante.
Merci pour la mise en lumière, Nicolas Bordas 🙏
Dir M2Grhm (IAE Paris Est)/Dir EMRH (SciencesPoEE)/Dir publications LabRh/ Réd en chef MagRh/Directeur scientifique Blue butterfly/Chairman Dever/Auteur/Slasher/Conférencier
1 moisMerci Nicolas Bordas ! Ravi que l'ouvrage t'ait inspiré
Sustainability, Innovation, trained as a B-Leader France to support the emergence of a regenerative economy
1 moisBravo pour cet article qui met en evidence la transversalité de la transformation durable des entreprises.