Faire alliance avec le sauvage

Faire alliance avec le sauvage

Chez les Mongols ou chez les peuples autochtones de Sibérie, les éleveurs peuvent se défendre eux-mêmes face au loup, ce qui implique un rapport beaucoup plus intéressant et complexe.

Chez ces éleveurs-là, le loup n’est pas forcément l’ennemi absolu : ils se défendent face à certains loups particuliers qui vont tuer plus d'animaux qu’ils ne peuvent en manger.

Des loups qui prennent de temps en temps un animal malade par exemple, et qui vont chasser d’autres loups qui seraient beaucoup plus néfastes, sont, au contraire, appréciés.

Ces loups deviennent comme des partenaires, et dans les mythologies des éleveurs de rennes du Grand Nord, c’est même le loup qui aurait enseigné  l’élevage aux humains.

Ce sont des loups qui accompagnent les grands troupeaux de rennes sauvages dans l’Arctique ; ces troupeaux sont toujours suivis par des loups qui nettoient, ramassent les carcasses ou suppriment les animaux malades, ce qui évite les épizooties.

Cette forme d'alliance entre les loups et les cervidés observée par les humains est considérée comme un modèle pour l’élevage.

Cependant, dans les territoires où les grands carnivores avaient totalement disparu, le monde agricole s’est adapté à cette absence.

Le retour de ces animaux a généré des situations complexes qui ont abouti à de vifs conflits, notamment en France avec le loup dans les Alpes du Sud, le lynx dans le Jura et les Vosges et les ours dans les Pyrénées.

Contexte

Le cas de l’ours pyrénéen a suscité encore davantage de tensions, dans la mesure où il s'agit d’une décision politique de réintroduction – une dizaine d’ours ont en effet été réintroduits depuis 1996. 

Qui sont les principaux acteurs impliqués dans le partage de ces territoires avec l’ours ?  

  • Les éleveurs et les bergers, acteurs incontournables du paysage de montagne et du pastoralisme, avec des troupeaux vivant en estive – c’est-à-dire en pleine nature – pendant la moitié de l’année. Ils sont en interaction directe avec l’ours et à ce titre en subissent en premiers les contraintes et les dommages.
  • Les acteurs du tourisme - commerces, transport ou activités de pleine nature –, qui bénéficient des retombées de la présence d’un animal emblématique.

Certains éleveurs et bergers s’efforcent de prévenir les conflits de territoire en cherchant des solutions de protection de leurs troupeaux (chiens, surveillance, etc.).

Mais la majorité des acteurs, en particulier les éleveurs, vivent la situation imposée par le retour des prédateurs sur leur territoire comme une remise en question de leur identité et une demande de transformation profonde de leur activité.  

Cette opposition, enlisée dans un débat sans fin depuis des années, peut être résumée par les deux témoignages suivants : 

"La cohabitation entre un prédateur qui est l'ours et le pastoralisme est complètement impossible et insupportable", expliquait en mars 2018 sur France Info Olivier Maurin, le président de la fédération transpyrénéenne des éleveurs de montagne. Il soulignait les risques d'attaques et l'exemple de l'Ariège où vivent la majorité des 43 ours du massif – 126 attaques pour 404 brebis tuées en 2017. 

"Ici, il y a toujours eu des ours", répond Elise Thébault, bergère qui coexiste avec l’ours. "Quand j'entends certains dire que l'ours est incompatible avec le pastoralisme, c'est un mensonge. Les bergers ont toujours dû cohabiter avec lui." Selon elle, l'animal est un bouc-émissaire des difficultés – prix, concurrence étrangère, rareté des terres – du monde agricole.

Il ne s’agit pas de se focaliser sur les « anti-ours », mais de se donner les moyens d’avoir une vision plus équilibrée des impacts positifs et négatifs de la présence du plantigrade.

Il convient surtout de comprendre et de tout mettre en œuvre pour éviter un nouveau face à face qui a conduit à la tragique disparition de l’ourse « Caramelles » suitée de 2 oursons, survenue le 20 novembre 2021 à Seix, en vallée d’Estours (Couserans), lors d’une battue au sanglier avec des chiens dans la réserve de chasse et de faune sauvage (RCFS) du Mont Valier.

« Si on enlève le prédateur du système, on enlève quelque chose qui a joué un rôle essentiel dans la construction de la vie telle qu’on la connait. » – Jean-Louis Martin, co-auteur d’une synthèse inédite du CNRS sur les enjeux posés par la cohabitation entre cerfs, loups et humains. 

Pour les chercheurs, le passage du conflit à la coexistence nécessitera une prise en compte plus équilibrée des effets directs et indirects de la présence de ces espèces.

Le bilan des dernières connaissances disponibles sur la complexité des interactions entre humains, loups et cervidés vise à alimenter la réflexion des acteurs en présence, avec la volonté de concevoir l’avenir des populations de cervidés et de loups comme compatibles avec des intérêts humains.

« Nous faisons partie d’un socio-système complexe. Le défi à relever est d’arriver à mettre en place un mode opératoire qui prenne en compte cette complexité pour reconstruire notre cohabitation avec ces espèces », conclut Jean-Louis Martin. 

« Notre démarche n’est pas d’affirmer qu’aucune recommandation générique adressée à l’ensemble des estives pyrénéennes ne peut être faite, notamment pour la mise en œuvre des mesures de protection, mais plutôt que les recommandations doivent se construire sur la base du vécu et de l’expérience de terrain et que leur mise en œuvre se fera toujours au regard des spécificités de chaque territoire, de chaque communauté hybride. » Extrait du rapport “Pastoralisme et Ours dans les Pyrénées”.

L’acceptation des ours, comme des loups et les lynx, fait partie d’un contrat social imposé aux éleveurs.

La société désire que ce type d’agriculture perdure, mais elle désire en même temps, au nom de la préservation de la biodiversité, que la vie sauvage y retrouve toute sa place.

L’enjeu social, économique et environnemental est complexe car les bénéficiaires de l’ours ne sont pas ceux qui en subissent les conséquences négatives. 

Dans ce contexte les associations favorables à la réintroduction de l’ours (ADET par exemple) ont donc soutenu dès le début, il y a 25 ans maintenant, une procédure d'indemnisation "au bénéfice du doute" dans laquelle l'hypothèse de la responsabilité de l'ours peut être retenue sur la base d'éléments objectifs.

Cette approche n’est toutefois pas totalement satisfaisante et montre également des limites.

Mesures de protection

Le plan Pastoraloup géré par Ferus depuis maintenant plus de 20 ans dans les Alpes, où des bénévoles aux côtés des bergers et éleveurs expérimentent, adaptent, améliorent et organisent de nouvelles règles de coexistence avec les loups, est un exemple à suivre avec des résultats probants. 

Pour Jean-Marc Landry, éthologiste spécialiste de la relation homme-loup (Institut IPRA), le recours aux nouvelles technologies telles que les caméras thermiques à vision nocturne rend possible la création de dispositifs de protection innovants – comme le collier répulsif – et nous ouvre l’accès à des informations qui améliorent nos connaissances sur l’écologie comportementale de l’espèce en milieu agropastoral. 

En ce sens, la technologie permet aux éleveurs et bergers une meilleure détection et suivi des déplacements des prédateurs identifiés comme étant “les plus actifs”, en les équipant de colliers émetteurs ; à condition de disposer en estive d’un bon niveau d’équipement pour les connexions !

Le Fonds d'intervention écopastoral (Fiep) quant à lui, milite pour la cohabitation entre l'ours et le berger, et souhaite faire de l'ours, animal emblématique des Pyrénées, un atout économique et marketing pour les produits du terroir (fromage, viande …).

Depuis des dizaines d'années, sa présence dans le massif pyrénéen permet aux bergers de toucher un certain nombre d'aides financières de l'État. 

À ce titre, Pays de l’Ours-Adet est une association qui regroupe des élus, des professionnels, des associations et des particuliers engagés dans une démarche de développement durable des Pyrénées Centrales. Ces acteurs souhaitent faire du Pays de l’Ours un territoire conciliant les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. 

Dans ce contexte, une attention toute particulière doit être portée dans le choix des partenariats locaux. En effet, un tel projet se doit d’être co-élaboré et co-développé avec des acteurs locaux identifiés et reconnus comme étant cohérents dans leurs pratiques, condition sine qua non pour trouver une fenêtre menant vers des échanges constructifs.

“En Béarn, nous avons la forme de pastoralisme la plus adaptée à l'ours. Pour faire le fromage et traire les brebis, nous devons les rassembler, expose la bergère. Parquer les bêtes pour la nuit ne bouleverse donc pas la journée de travail”. Comme Élise Thébaut, une quinzaine de bergers du Béarn sont favorables à une coexistence avec le plantigrade dans les Pyrénées Atlantiques.

Il est toutefois important de signaler que l'acquisition de plusieurs chiens de protection représente un investissement financier important et nécessite une longue formation.

Élise Thébault a bénéficié d’aides grâce à la Pastorale pyrénéenne, une association qui aide les bergers du massif à intégrer des patous au sein de leur troupeau.

Le Patou est un chien montagnard, rustique et qui en impose par sa taille. 

« À deux ou à quatre pattes, tu ne traverses pas le troupeau car les chiens de protection sont très attachés aux brebis et moutons. »

Mais attention, introduire des chiens de protection pour la première fois dans un troupeau parce que des prédateurs arrivent sur un nouveau territoire, ce n’est pas simplement ajouter des chiens dans un troupeau.

C’est déjà avoir 4 ans de retard dans la mise en place des chiens car c’est le temps minimum nécessaire à la formation de ces derniers, à leur découverte et maîtrise d’un territoire donné.

Le processus est plus compliqué qu’il n’y paraît car l’utilisation de chiens de protection va modifier en profondeur l’organisation du travail, de l’élevage et de la ferme. L’arrivée des chiens de protection – et pas du chien de protection car ces chiens travaillent toujours en meute – nécessite des capacités d’adaptations pour les éleveurs et les bergers.

Et dans cette perspective, ces impacts sont largement sous estimés par la plupart des participants au débat sur le retour des prédateurs en France.

Constats et résultats

Il peut alors être intéressant de faire le parallèle entre le discours des éleveurs anti-loup / ours / lynx et celui des animalistes anti-chasse et anti-élevage.

Même binarité (pour ou contre l'élevage / les grands prédateurs / la chasse), même mépris, même promotion de l'intolérance, même mise en avant de l'irrationalité chez l'adversaire.

Pour les militants anti-chasse, les chasseurs qui aiment les animaux et les tuent sont irrationnels.

Pour les militants anti-élevage, les éleveurs qui prennent soin de leurs animaux pour ensuite les envoyer à l'abattoir sont irrationnels.

Pour les militants anti-loup / ours / lynx, la fascination et l'amour du sauvage est irrationnelle.

C'est ce refus dogmatique de la complexité et de la diversité humaine qui est symptomatique de notre incapacité à faire alliance et à chercher, puis trouver des moyens de pacifier les relations entre humains et avec non-humains !

Car il me semble intéressant de comprendre que vénérer le sauvage n'empêche pas d'interagir avec, de tuer pour se défendre ou se nourrir.

Les humains sont depuis toujours fascinés par le sauvage, tous les peuples autochtones le sont, comme en attestent leurs mythologies laissant une grande place aux animaux sauvages.

C'était aussi le cas pour la paysannerie en Europe avant l'essor des villes et de l'État, de la transformation de l'élevage par l'économie marchande et la propriété privée, dixit Charles Stépanoff (1).

La désacralisation du sauvage semble être en réalité un énième symptôme de la déconnexion avec la nature des sociétés dites modernes.

Aujourd’hui les politiciens ne sont plus écoutés dans les territoires concernés par la présence des grands prédateurs car ils sont perçus comme des opportunistes !

Il est en effet plus facile d’échanger des loups / ours contre des voix plutôt que d’essayer de régler les problèmes du monde rural en crise, en particulier de l’élevage de montagne.

D’ailleurs, certaines informations non publiques confirment que les parties prenantes sont dans une situation inextricable, les positions "pour" ou "contre" s'étant radicalisées.

Voilà pourquoi des approches innovantes doivent encore être expérimentées, tout en étant particulièrement vigilant au niveau de leur acceptation sociale.

Sur base du communiqué Cap Ours du 2 novembre 2023, il se confirme que les ours causent de moins en moins de dégâts sur les élevages ariégeois.

Les chiffres du nombre de bêtes expertisées en Ariège au 20 octobre 2023 démontrent une baisse de 22 % en 2023, par rapport à 2022. Il s’agit aussi du deuxième chiffre le plus bas depuis 2019 (1171 en 2019, 768 en 2020, 623 en 2021, 882 en 2022, 682 en 2023).

Généralement, environ les deux tiers des bêtes expertisées sont officiellement imputées à l’ours (« responsabilité ours non écartée ») : on peut donc s’attendre à une baisse sensible des dégâts causés par l'ours en 2023.

Ces résultats encourageants sont à rapprocher de la croissance continue de la population d’ursidés, environ 10% chaque année. Le nombre de bêtes annuellement tuées par l'ours (nombre de bêtes divisé par nombre d’ours) dans les Pyrénées est donc en baisse constante : -60 % depuis 2019.

On pourrait donc logiquement en conclure que les prédations :

  • ne sont pas proportionnelles au nombre d’ours
  • dépendent fortement des protections mises en place (berger, chiens, et parcs électrifiés), dont le nombre augmente en Ariège comme dans l’ensemble des Pyrénées.

Toutefois, les prédations annuelles par ours dans les Pyrénées restent encore à un niveau très largement supérieur à celles de nos voisins européens (environ 10 fois plus). Les marges de progression sont donc importantes et nécessaires pour espérer pacifier les relations avec l’ensemble des parties prenantes.

Expérimentation et tentative de solution  

Nous sommes tous conscients de vivre une période de changements profonds.

Alors que durant toute son histoire l’espèce humaine n’a jamais été aussi éloignée de la Nature, celle-ci nous interpelle. À condition que nous sachions l’écouter.

Notre époque nous met au défi de nous reconnecter à la Nature et nous invite pour cela à explorer de nouvelles voies de coexistence avec les animaux sauvages. Des voies qui tiennent compte des besoins de chacun. 

Toutes les pratiques précédemment décrites vont dans le sens d’une limitation des impacts pour tendre vers une coexistence de tous les humains et non-humains partageant un territoire.  

Il apparaît toutefois clair que ces initiatives sont encore trop souvent freinées, voire bloquées, par des réactions en “contre”, dues au principe d’homéostasie : chaque système vivant cherche à maintenir sa stabilité. C’est le principe du corps vivant qui rejette une greffe. 

De plus, certains biais cognitifs faussent les analyses et les jugements, conduisant souvent les acteurs sur de fausses pistes sans qu’ils ne s’en rendent compte. Même les scientifiques ne sont pas à l’abri de ces biais cognitifs. 

  • Biais de confirmation : l’être humain a tendance à ne sélectionner que les informations qui valident-confirment ses a priori et opinions de départ, et à rejeter-ignorer celles qui les contredisent, surtout lorsque l’émotionnel est très fortement en jeu. C’est ce qui conduit à l’esprit partisan, à une opposition de principe qui se cristallise et s’amplifie : les pro-ours/ les anti-ours. 
  • “L’angle mort” : nous avons tendance à chercher la clé que nous avons perdu sous la zone éclairée par le lampadaire, en négligeant la partie dans l’obscurité. Sur le sujet qui nous occupe, notre regard se porte essentiellement sur la partie visible du conflit avec l’ours, les actes de prédation. 

Pour éviter ces illusions de perspective, il convient d’adopter une démarche empreinte d’humilité et de prudence, fondée sur l’écoute, qui intégrera les visions et les états émotionnels des différents acteurs impliqués de l’écosystème.

Dans le cadre d’une approche systémique, il pourrait être intéressant de prendre également en considération les besoins des non-humains au-delà de leurs comportements visibles et interprétés par les humains. 

Il s’agit en fait de réinventer un nouveau pacte avec le sauvage en menant des expérimentations se moulant dans les particularités d’un territoire et la singularité de ses occupants à 2 et 4 pattes.

"Pour lever le voile de la vie sauvage, il faut d’abord s’inviter, sur la pointe des pieds, dans les replis de territoires laissés à la nature. Puis, observer et écouter discrètement, tenter de lire et comprendre traces et habitudes des habitants des lieux. Enfin, rester humble et patient pour avoir le privilège d’observer une parcelle d’intimité..." série documentaire "Les Pyrénées Secrètes".

Il devient en effet urgent de savoir entendre et écouter des échanges croisés afin de construire une vision intime du monde sauvage qui pourrait nous aider à nous questionner sur l’idée d’une « possible » harmonie entre l’Homme et l’Animal.

« Le loup est là, dans la nature, il faut s'adapter et faire comme les indiens, discuter avec lui. » Ingrid est éleveuse de brebis, elle “discute” avec le loup depuis qu’il a attaqué son bétail en 2010. Elle a décidé de s'adapter et de mettre en place les moyens pour le dissuader. Ingrid et André élèvent 400 moutons au col de Sagnes, dans les Alpes-de-Haute-Provence :

« On a fait le choix de cohabiter avec le loup »

Comment ? Avec des clôtures, de la surveillance humaine et des chiens de protection. Bref, le fameux triptyque recommandé par tous les spécialistes et dont l’efficacité est prouvée.

Mais pour que ça fonctionne, il faut surtout l’expérience de terrain, et la connaissance du comportement du loup.

« Tirer à tout va, ça démonte les meutes. Par expérience, c’est encore pire, car les petits louveteaux ça part dans tous les sens et là ça devient ingérable. »

Une étude a été menée en Lettonie à la suite de la reprise de la chasse au loup.

Conclusions :

👉 La prédation ne diminue pas

👉 Les loups se reproduisent plus vite

👉 Les meutes éclatent et causent de la prédation ailleurs.

Ingrid, elle, insiste sur le rôle des chiens : « Nous on ne veut pas des tueurs de loup, ce qu’on veut c’est un chien qui soit capable de dissuader le prédateur. » 

Aujourd’hui, leur modèle de protection suscite la curiosité d’autres éleveurs mais aussi de l’administration.

Cet exemple met en relief le rôle central du berger qui pourrait incarner la diplomatie inter-espèces. Ingrid sait parler le “dialecte” du loup, ce qui lui permet d’essayer de lui signifier les limites à ne pas dépasser.

En général, le loup, comme l’ours d’ailleurs, est un animal qui respecte ce qui est plus fort ! L’interaction avec leur intelligence pourrait alors nous permettre d'imaginer une cohabitation davantage apaisée entre les éleveurs / bergers, les autres acteurs du territoire et les grands prédateurs !

En refusant d’être en accord avec l’ensemble de leur milieu, les éleveurs de montagne seront les grands perdants.

Par cette vision des choses, la communication inter-espèces pourrait aider à mieux comprendre les facteurs qui régissent le comportement des grands prédateurs en matière d’utilisation de l’espace et de prédation.

De ce point de vue, l’enjeu est notamment de mieux saisir ce qui détermine l’efficacité des mesures de protection mises en œuvre.

Il est important de signaler que même si le comportement des prédateurs est à prendre en considération, celui des brebis, des chiens, des bergers ou des randonneurs compte tout autant.

Quant à la communication intuitive animale, elle est composée de perceptions : informations visuelles, sonores, ressentis physiques, odeurs ou goûts. 

En se mettant sur la même longueur d’onde que l’animal – ondes alpha, fréquence naturelle des animaux –, c’est-à-dire en mettant volontairement notre esprit dans une forme de méditation qui calme le mental, il nous est possible d’échanger des informations entre notre conscience et celle de l’animal.

Dans cette forme de communication subtile inter-espèces, le processus, non observable de l’extérieur, s’effectue via des canaux parallèles à nos cinq sens ordinaires.

Cette forme de communication utilise donc notre « sixième sens », qu’il conviendrait mieux d’appeler notre « premier sens » puisqu’il s’agit d’une capacité que nous possédons tous mais que nous avons oubliée.

Les peuples racines ont su conserver cette capacité de connexion profonde avec leur environnement. 

Cette aptitude peut être utilisée et développée avec de la pratique et de la discipline, sachant que chaque individu a un potentiel qui lui est propre : “ tout le monde peut apprendre à écrire, mais tout le monde ne deviendra pas écrivain !”.

Sur ce sujet, l'anthropologue Nastassja Martin (2) raconte comment elle a été attaquée par un ours dans les montagnes du Kamtchatka. Défigurée, elle subit de nombreuses opérations, en Russie et en France.

Malgré les épreuves, elle présente cet événement comme une rencontre qui lui a permis d'approfondir ses réflexions anthropologiques et son attachement aux peuples arctiques qu'elle étudie.

Ci-dessous un extrait d’un entretien qu’elle a accordé sur l’antenne de France Culture : 

« En tant qu'anthropologue, j'ai beaucoup travaillé sur la question de l'animisme, qui consiste en cette idée, partagée par de nombreux collectifs indigènes dans le Grand Nord et ailleurs, que nous partageons avec les autres membres du vivant, ce qu'on pourrait appeler un fond commun animé. C'est ce que Philippe Descola appelle l'intériorité, on pourrait aussi dire "âme". On partage une âme en commun avec tous les êtres qui nous entourent, et ce qui nous différencie, c'est l'enveloppe, c'est-à-dire nos corps. Penser le monde comme ça, nous permet d'être en mesure d'enclencher un dialogue avec les êtres qui nous entourent. L'important pour ces populations, c'est de se donner les moyens de maintenir le dialogue avec les êtres non-humains. »

Toutes ces expériences doivent nous inciter à la réflexion et à l’action.

Pour avancer et surmonter les obstacles, il suffit parfois de changer de point de vue.

 « La Nature est une bibliothèque, lisons-la au lieu de la brûler » Idriss Aberkane

(1) Extrait d’un intéressant entretien où l’historien de l’environnement Guillaume Blanc interroge l’anthropologue Charles Stépanoff au sujet de son dernier livre L’animal et la mort : Chasses, modernité et crise du sauvage (2021).

(2) Nastassja Martin est une anthropologue, disciple de Philippe Descola, qui a publié un livre important sur les Gwich’in d’Alaska, « Les Âmes sauvages » (éditions La Découverte), d’après son « terrain » d’ethnologie où elle a justement pu interroger les concepts descoliens de naturalisme et d’animisme. « Vivre dans un monde animé » pourrait-il nous libérer de l’impérialisme technoscientifique ?


Ce point de vue est proposé par Georges Muller pour Terra Nostra Magazine

Comptable de profession, Georges se passionne pour le Vivant.

Un parcours sur le terrain associatif et sa passion pour la nature, les animaux et notamment les grands prédateurs lui ont permis de faire des rencontres déterminantes et ainsi progresser en connaissances et compétences.

En 2006, alors délégué président du refuge SPA de Thionville, un partenariat avec l'Armée du salut le touche particulièrement et le sensibilise à la puissance des interactions positives entre l'Homme et l'Animal.

Aujourd'hui convaincu que notre salut viendra de notre reconnexion avec ce lien qui nous unit tous, humains et non-humains, il souhaite encourager chacun à s'engager sur le chemin de l'éveil à sa vraie nature.

Par ailleurs, Georges est l'auteur d'un ouvrage intitulé Un chemin fragmenté qui trace un horizon désirable, paru en 2023.

Georges Muller

🐺🖌 #uncheminfragmenté qui trace un horizon désirable | 🐾 Observer les traces qui font apparaître les liens qui tissent la trame du VIVANT 🕸 | 🐻 Garder la volonté, face au vertige du renoncement...

10 mois
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Le loup ne connaît pas de frontières. La découverte de laboratoires allemands, français et catalans révélée lundi 19 février 2024 en est la preuve. Un spécimen né en 2020 à Nordhom en Allemagne a parcouru 1.240 kilomètres pour rejoindre la commune de Vilaller (Catalogne), en passant par la France en 2022. Un record ! Auparavant, la plus longue distance jamais enregistrée était de 1.092 kilomètres entre la Norvège et la Finlande. #nature #loup https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/pyrenees-orientales/perpignan/le-voyage-incroyable-d-un-loup-ayant-parcouru-1-240-kilometres-entre-l-allemagne-la-france-et-la-catalogne-2927433.html

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« Lorsqu'un Loup est en train de perdre le combat contre un autre loup et qu'il se rend compte qu'il n'a plus aucune chance de gagner, le loup perdant offre pacifiquement la jugulaire à son adversaire, comme pour dire "j'ai perdu, finissons-en". Mais à ce moment-là, l'incroyable se produit : le loup vainqueur, inexplicablement, devient paralysé. Une force millénaire l'empêche de tuer celui qui a l'humilité de reconnaître sa défaite. Un mécanisme primaire, inscrit dans l'ADN ou au-delà, se déclenche chez le loup vainqueur et lui rappelle que l'espèce est plus importante que le plaisir d'éliminer l'adversaire. Quel merveilleux mécanisme instinctif ! Ni vainqueur, ni gagnant. Les deux loups s'en vont et la roue de la vie continue.»

Georges Muller

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L’ours porteur de modernité ? Des Pyrénées orientales au Béarn, la présence de l’ours a permis de multiplier le nombre de bergers en montagne, et de moderniser leurs conditions de vie et de travail en estive. En 2007, 50 postes de bergers étaient subventionnés, ils sont 450 en 2022. Et c’est 80 à 100 % de subventions pour l’embauche d’un berger salarié, d’un patou ou d’un enclos grâce à la présence de l’ours. (Source DRAAF Occitanie). Merci l’ours ! La présence de l’ours est une opportunité pour passer à un modèle de développement durable respectueux de l’environnement, de l’élevage pyrénéen, permettant le maintien de la vie en montagne pour les générations futures.

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