Faire communs à la ferme :  Immersion au TIERS-LIEU PAYSAN DE LA MARTINIÈRE, à Ambierle, Auvergne-Rhône-Alpes, Juillet 2024.
@Robin des Boires

Faire communs à la ferme : Immersion au TIERS-LIEU PAYSAN DE LA MARTINIÈRE, à Ambierle, Auvergne-Rhône-Alpes, Juillet 2024.

Le tiers-lieu paysan de la Martinière, c’est l’histoire d’une ferme, l'histoire de François, Françoise, Samuel, Tom, et toutes celles et ceux qui contribuent à faire vivre cet espace commun d’expérimentation agricole. Fermier, infirmière, designer, chercheur, formateur, père, mère, fils, ami.es.. collectivement ils portent un modèle paysan, un modèle qui redessine nos paysages, nos territoires en prônant un retour à la terre, à une échelle locale.


@Robin des Boires

Aujourd’hui en France, 200 fermes disparaissent chaque année, ne trouvant pas de successeurs ou de repreneurs notamment en raison de l'augmentation du prix des terrains. En 1955, il en existait plus de deux millions. Elles n’étaient plus que 500 000 en 2020, et seront moins de 250 000 en 2050. Paradoxalement, les surfaces d’exploitations ne cessent d’augmenter par un phénomène de concentration : des fermes moins nombreuses mais plus vastes. 

Des exploitations de plus en plus grandes qui s’inscrivent dans une logique de disparition du modèle de fermes paysannes au profit d’une industrialisation du modèle agricole qui devient l’outil d’un système capitaliste et consumériste : produire toujours plus pour consommer plus. Ce modèle qui dépossède l’agriculteur.ice de sa terre et de son outils de travail nous (à) conduit droit dans le mur, avec de lourdes conséquences sur la santé humaine et sur la biodiversité : Faire pousser des céréales en France pour nourrir des vaches à l’autre bout de l’Europe - Être dépendant aux machines de plus en plus sophistiquées et aux semences de grands propriétaires - Utiliser des produits chimiques et d’insecticides dangereux pour l’Homme, la faune, la flore.. 


@Robin des Boires

Et pourtant, l’agriculture de demain, prônée par E.Macron s’inscrit dans cette vision “bourgeoise” et capitaliste pour laquelle être libre signifie être délivré de la contrainte, grâce notamment à l’escalade technologique : “robotique, numérique, génétique” (salon de l’agriculture 2022). Une “révolution” pour transformer les fermes en start-up de la tech, bien loin d’une vision “populaire” et paysanne pour laquelle être libre c’est être capable de subvenir aux besoins de sa communauté, et en être valorisé : autonomie, savoir-faire, mutualisation. 


@Robin des Boires

A la Martinière, ce retour à la terre s’appuie sur des dynamiques de réappropriation collective de l’outils et des procédés de travail en agriculture paysanne. Une agriculture qui replace la terre, l’homme et son travail au cœur du territoire, sans s’éloigner des enjeux de rentabilité et d’amélioration des conditions de travail agricole, et qui s’appuie sur des écosystèmes locaux, des syndicats, des coopératives, des associations, à l’image de L’Atelier Paysan*, qui accompagne les agriculteurs à concevoir et fabriquer des machines et des bâtiments adaptés à une agriculture écologique et paysanne.

Au-delà de l’activité de production agricole paysanne de François et de celles des différents maraîcher.es, viticulteur.ices qui gravitent autour de lui et militent pour une souveraineté alimentaire, cela se traduit par des aménagements résilients d’équipements agricoles, le développement d’ateliers de fabrication mobiles, la construction d’habitats partagés légers et issus de la récupération, la réalisation de chantiers participatifs et pédagogiques, l’animation de temps communs et la sensibilisation sur la souveraineté alimentaire ou l’eau comme bien commun. 


@Robin des Boires

La Martinière, c’est aussi un lieu d’apprentissage, de questionnement, de transmission et de transition. Une passerelle entre la ville et la campagne, un espace à ciel ouvert d’expérimentation pour des volonté individuelles et collectives de retour à la terre, au monde rural. Il permet de prendre le temps pour développer son projet agricole in situ, par l’usage d’outils et de pratiques paysannes et par la transmission de l’héritage paysan aux nouvelles générations. 


@Robin des Boires

En nous accueillant chez eux, François et Françoise nous ont permis de collectivement faire lien, faire ensemble, et faire sens à travers ce projet de recherche sur les espaces communs. On ne réinventent pas grand chose, on renoue simplement avec des valeurs dont nous n'aurions jamais dû nous éloigner. 


@Robin des Boires


* FOCUS SUR : L’Atelier Paysan est une coopérative qui accompagne les agriculteurs à concevoir et fabriquer des machines et des bâtiments adaptés à une agriculture écologique et Paysanne. En impliquant les producteurs et productrices dans les choix techniques des outils de la ferme, l’Atelier Paysan permet de retrouver collectivement une indépendance technique et une autonomie en réapprenant les savoirs et savoir-faire.


Atelier mobile de fabrication @Robin des boires

Un modèle qui s’inscrit dans un courant plus large de critique de la technologie. Cela ne signifie pas un retour à des pratiques archaïques ou démodées. Au contraire, il s'agit de concevoir et d'utiliser des produits, des services et des outils de manière plus réfléchie et durable. En adoptant cette approche, nous pouvons réduire notre dépendance à des technologies complexes et souvent coûteuses, tout en offrant des solutions efficaces et accessibles à un plus grand nombre de personnes.

Cette tendance à repenser la conception et l’usage des produits et des services s'inscrit dans une logique d'émancipation technique. Pour les paysans, cela se traduit par un retour à une certaine souveraineté technique. Ils peuvent concevoir et fabriquer leurs propres outils et machines, adaptés à leurs besoins spécifiques et aux conditions locales. Cette autonomie retrouvée leur permet de mieux maîtriser leur production et de réduire leur dépendance aux fournisseurs externes.


Outils agricoles modifiés par François pour les adapter à son activité maraichère @Robin des boires

Thématiques d’études : 

1 : Reprendre la terre aux machines par la Techno-critique : low tech, design d’expérimentation, écosystème d’acteurs, open source et mutualisation, souveraineté technique.

2 : L’agriculture paysanne pour une souveraineté alimentaire : retour à la terre, nourrir la ville, à l’échelle de la commune, sécurité alimentaire et sociale, rapport à la consommation et la production. 

3 : L’eau, son accès et sa répartition comme bien communs : actualité mega-bassines, guerre de l’eau, appropriation de l’eau, rapport de domination, sobriété et innovation frugale.

4 : Faire tiers-lieu agricole, quel modèle pour ces fermes collectives en lien avec leur territoire : expérimentation, transmission, partage d’outils et de connaissances, de compétences, relation avec les institutions publiques.

Pour aller plus loin : 

  • Reprendre la terre aux machines, manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire, l’Atelier Paysan, Editions Seuil.
  • Premières secousses, les soulèvements de la terre, La fabrique éditions.
  • Les veines de la terre, Editions Wild project.
  • Les territoires oubliés, un futur désirable, Ariella Masboungi, Guillaume Hébert, Editions Le Moniteur.
  • A la terre ! Marin Fouqué, Editions Xxi.


Hania MESTOUR

Engagement citoyen, lien social, aide alimentaire et solidarités

2 mois

Clara Courdeau

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