Fonction publique-Covid et GPEEC: douter de la GPEEC ou au contraire la renforcer?
Les sceptiques, les dubitatifs sur l'intérêt, voire le réalisme, d'une démarche de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) verront, dans la crise sanitaire actuelle, une raison de conforter leur résistance au changement de posture qu'engendre l'exercice de prévision.
Ils pourraient dire : "Tout ce travail qui mobilise d'importantes ressources humaines et financières pour réaliser des statistiques, des analyses, des synthèses, des scénarios, des plans d'actions, pour construire des outils sophistiqués, toute cette énergie dépensée en réunions, procédures, tout cet investissement en formation ou pour adapter les organigrammes, intégrer de nouveaux processus, de nouveaux métiers,... "Tout ça pour ça"...pour devoir revoir maintenant sa copie. Les scénarios RH à 1 an dans un contexte aussi trouble et incertain, c'est mission impossible, au moins tant que l'état des lieux de la situation présente ne sera pas établi, alors à 2 ans et à 3 ans, n'y pensons même pas!"
Alors, que pourraient répondre les tenants de la GPEEC, ceux qui estiment que la GPEEC a du sens car elle débouche sur des actions concrètes ciblées sur les secteurs où les risques (à ne rien faire) sont les plus forts?
Ils pourraient dire que :
- De manière brutale, voire provocante, "si on renonce à la prévision dans le domaine des RH , pourquoi ne pas renoncer aussi à la prévision budgétaire à 3 ans!
- Plus sérieusement, "la GPEEC n'est pas de la prospective, elle est une démarche de prévention des risques prévisibles fondée sur des données quantitatives et qualitatives ; en l'occurrence la circulation planétaire du virus n'était en aucun cas anticipable.
- En une vingtaine d'années, la GPEEC a permis de disposer de données et d'outils de recueil plutôt fiables, d'une photographie des RH utilisable, d'analyses approfondies des risques, de forger des politiques de GRH interministérielles et ministérielles "argumentées", d'alimenter un dialogue social plus "technique"sur les sujets de GRH. La GPEEC est et reste l'exercice qui éclaire les décisions stratégiques; par ailleurs elle est bien la démarche qui a permis au législateur en 2019 d'instaurer l'obligation, pour les administrations, de définir leurs lignes directrices de gestion, ce sont bien les travaux de GPEEC qui vont étayer ces orientations prioritaires.
- Revoir sa copie est dans la nature -même de l'exercice de GPEEC qui exige des corrections et des ajustements annuels des prévisions pour tenir compte des événements imprévus intervenus dans l'année ou à intervenir de manière certaine (se référer à la roue de Deming illustrant le principe de l'amélioration continue)."
Ce qui est en revanche inédit et qui sidère tous les acteurs, c'est l'ampleur de l'aléa et les impacts considérables pressentis à long terme, certains attendus (ex : organisation et télétravail, masse salariale et recrutement, objectifs de la formation et plan de développement des compétences, revalorisation des métiers...), certains inattendus. C'est alors, non pas la démarche de GPEEC qui est à remettre en cause (ce qui serait une régression, une "récession RH") mais notre capacité de résilience pour continuer à fonctionner de manière acceptable humainement et... financièrement et la performance de nos instruments.
Sur ce dernier point, une des interrogations à ce stade, concernant les outils de GPEEC, est de se demander s'ils ne sont pas trop limités lors qu'ils ne permettent pas de prendre en compte automatiquement et rapidement les aléas, si un gros effort ne doit pas porter sur l'amélioration des performances, notamment des SIRH et autres outils de recueil , de traitement et d'analyse des données en temps réel?
S'agissant de notre capacité de résilience, la GPEEC est le "lieu" pour l'exercer ; la démarche de gestion prévisionnelle est d'autant plus pertinente et acceptée qu'elle embarque tous les acteurs, outre le dirigeant, le DRH , le DAF, les cadres, les représentants des personnels. Faire face au choc de la crise sanitaire, retrouver un fonctionnement "normal", inventer d'autres façons d'agir et de se comporter, tout cela va supposer un engagement de tous et de mobiliser l'intelligence collective, la GPEEC repose sur des processus qui le requiert. Mais faudra-t-il peut être les consolider de manière à faire plus de place à l'écoute, à la flexibilité, à la contextualisation et à la mise en responsabilité des acteurs, par exemple revoir les modalités du dialogue de gestion?
Responsable administratif et financier - UFR Temps & Territoires
4 ansTrès intéressant merci Si je me faisais l'avocat du diable je dirais "les dubitatifs de la gpeec sont ils des résistants au changement ou des esprits critiques sur lesquels nous pourrions nous appuyer" ? ;-)