Manager ou coacher, faut-il choisir? Pléonasme ou paradoxe?

 

MANAGER OU COACHER, FAUT-IL CHOISIR ? Manager-coacher, pléonasme ou paradoxe ?

Avertissement :

 D’une part, accepter de considérer que le métier de manager-encadrant se définit par 3 fonctions, la fonction d’expert (technicité d’un métier), la fonction de gestionnaire (responsabilité de la mobilisation de moyens financiers, techniques et humains) et la fonction de manager (encadrement et mobilisation de collaborateurs). Notre réflexion s’inscrit dans cette troisième fonction.

D’autre part, on parle bien ici de la posture du manager qui, dans l’exercice de ses fonctions d’encadrant, va développer la dimension d’accompagnement de ses collaborateurs et non du manager qui réalise des séances de coaching en qualité de coach interne dans sa structure ; « il fait du coaching, il n’est pas coach. »

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Le sujet nourrit le débat comme l’illustrent quelques titres de publications à l’adresse des encadrants :

Pour certains : « Le manager coach, levier de la performance », « Soyez un manager coach, pas un chef d’équipe », « Fini le leader, place au manager coach ! » ...

 Pour d’autres : « Le manager doit-il devenir coach ? », « Le mythe du manager coach et ses dérives », « Faut-il s’y mettre dès maintenant t ? »

S’il est désuet de nommer les encadrants « chef » (sauf à l’oral !), qu’il est plus moderne de dire « manager » ou « leader », il est aujourd’hui assez courant de parler de « manager-coach ».

L’ultra-crépidarianisme (c’est-à-dire donner son avis sur des sujets à propos desquels on n’a pas de compétence crédible ou démontrée) est souvent pratiqué, y compris pour le manager-coach. Nombre d’encadrants pensent pouvoir être manager-coach ou l’être déjà, mais peu savent vraiment ce que cela veut dire, et rares sont ceux qui maîtrisent les techniques nécessaires pour y parvenir.

Tentons de lever le flou sur la question et par là-même de susciter une réflexion collective, notamment lors du prochain RDV du CNC qui aura lieu le jeudi 21 septembre 2023 en visioconférence.

1-  N’y a-t-il pas abus de langage en parlant de manager-coach ?   

Cette notion est réapparue en force pendant la crise sanitaire, comment construire un lien de confiance avec ses collaborateurs à distance et trouver le juste équilibre entre autonomie, supervision et contrôle.

Quelle différence entre le manager, le leader et le manager-coach Manager, le socle de différentes postures

Le socle de la fonction de l’encadrant est manager, à savoir conduire l’équipe en définissant les méthodes et les priorités pour atteindre les objectifs, c’est le maître de manœuvre. Il donne des solutions pour être le plus efficace, prend les décisions... Le rôle du manager est important car il est le lien principal entre la direction et les collaborateurs.

Pour ce faire, le manager adopte différentes postures dont 2 postures qui seraient vertueuses, celle du manager-leader (en plus, meneur d’hommes et de femmes, fédérateur) et celle du manager-coach (en plus, accompagner et aider, valoriser le potentiel de chacun au service du collectif).

Quelle différence entre manager-coach et coach ?

Le manager-coach adopte des techniques de coaching dans sa pratique courante managériale pour permettre la réussite individuelle et collective ; il responsabilise, crée un climat motivant, rend autonome, favorise l’apprentissage afin de renforcer l’envie de s’impliquer et la liberté d’action de ses collaborateurs. Sa démarche repose sur une analyse, à minima la compréhension, de l’environnement professionnel et une mise à jour des potentialités en situation réelle. Il accompagne ses collaborateurs pour actualiser leur potentiel mais le manager le fait en position haute (dirige, ordonne, évalue, conseille, enseigne, forme).

Le coach professionnel délivre une prestation d’appui sur mesure qui se réalise dans le cadre d’échanges, d’interactions et de réflexion. Son intervention consiste à cheminer auprès du coaché en synergie avec ses aspirations individuelles et les besoins de son institution en vue d’atteindre les résultats professionnels escomptés. C’est un facilitateur qui apporte un soutien dans un laps de temps défini. La posture (telle qu’elle est enseignée) est une position basse (le coach se refuse à juger, conseiller, enseigner, former, diriger).

 Toutefois, il y a un socle commun, l’établissement d’une relation de confiance et la finalité de valoriser voire de « révéler » le potentiel du collaborateur ou du coaché.

Au final manager n’est-il pas aussi coacher ?

Dans son ouvrage « Devenez (aussi) manager coach » (3ème édition, 2019), Laurent CAUDRO considère que « le manager coach pose un cadre, se comporte, communique et travaille de façon constructive et stimulante. Il délègue et motive son équipe, suscite l'engagement, la communication, l'autonomie et l'adaptabilité » 

Quant au dictionnaire interministériel des compétences (2017), le savoir-faire « Manager » y est défini ainsi : « Diriger, mobiliser, animer et valoriser les membres d’une équipe placée sous sa responsabilité, évaluer leur potentiel, en vue d’atteindre un objectif ou de remplir une mission. Capacité à obtenir la confiance de ses collaborateurs et à les entraîner dans la poursuite d’un objectif partagé. » 

2-  Pourquoi la notion de manager-coach s’affirme ?

Témoignage de DRH :

« Nous demandons au manager d’évoluer vers un rôle de “manager coach” en ajoutant à ses missions opérationnelles de nouvelles aptitudes comme impulser du sens, générer de l’engagement, encourager les initiatives, piloter les changements, ancrer les nouveaux comportements et accompagner les équipes»

Il existe bien un besoin « contemporain » d’être accompagné dans tous les compartiments de sa vie (coach sportif, de vie, nutritionniste, conjugal et matrimonial...), alors pourquoi pas manager-coach !

 Plus sérieusement, dans un monde incertain et durablement changeant, le manager- coach serait-il la solution idéale pour faire face à des enjeux de plus en plus complexes ?

Ainsi, si l’on adhère à cette théorie générationnelle, avec l’arrivée des milléniaux et de la génération Z – nés à partir des années 80- caractérisés par un besoin d’autonomie, d’être valorisé, écouté, envie de donner du sens à leur travail, les employés dits « classiques » sont en voie de disparition, par voie de conséquence les managers dits « classiques » aussi. Une enquête menée par Salesforce (Éditeur américain de logiciels de gestion -relation-clients) en 2019 a conclu que les employés qui se sentent écoutés sont 4,6 fois plus susceptibles de se sentir capables de faire de leur mieux.

De nouveaux paradigmes sociaux, comme le rapport au travail-équilibre vie professionnelle-vie privée-, égalité homme-femme, la transition écologique..., engendrent inévitablement une évolution des pratiques managériales.

 De nouvelles organisations du travail : travail à distance, en mode projet, en réseau, ...rendent inopérantes les relations hiérarchiques verticales.

 Pour faire face aux difficultés de recrutement et de fidélisation des « talents » dans certains secteurs, les organisations affichent leur marque employeur dont une majorité sont fondée sur une organisation plus collaborative et sur l’innovation managériale.

Et puis, aujourd’hui, le « chef », « le cadre », « le responsable », quelle que soit l’appellation de l’encadrant, celui-ci ne peut avoir toutes les réponses, ni toutes les compétences techniques, il ne peut plus asseoir sa légitimité uniquement sur ses compétences en termes de savoirs et de savoir-faire, les compétences de savoir-être sont déterminantes.

 Alors comment affronter ces multiples enjeux, dont le défi relationnel, le défi humain à l’évidence le plus difficile à relever ?

 Sachant que, comme l’écrit John Maynard Keynes (célèbre économiste anglais), « La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’échapper aux idées anciennes »

3-   On ne naît pas coach, on le devient

Il ne suffit pas de vouloir aider, il faut savoir aider et cela ne s’improvise pas ; en prolongement d’une formation aux fondamentaux du management, il est indispensable, pour être institué « manager-coach », de développer et exercer certaines compétences spécifiques :

. Savoir créer une relation constructive avec ses collaborateurs, empathie, respect, adaptation (relation adulte-adulte), se défaire de ses préjugés,

. Communiquer efficacement, écouter, questionner, reformuler, gérer ses émotions et prendre du recul pour rester positif et ouvert en toutes circonstances

. Encourager la motivation et la réussite, donner du feed-back (positif ou négatif), négocier des points d’amélioration

Tout cela suppose, de la part de l’encadrant, un véritable travail sur soi, l’appui de formations spécifiques et... de bénéficier lui-même d’un coaching. Car si certains managers présentent assez naturellement une posture de coach, d’autres doivent l’acquérir en la construisant.

A l’issue d’un tel parcours de formation-accompagnement, l’encadrant doit avoir évolué dans son approche ; si au départ il considère qu’il lui appartient de corriger l’action de ses collaborateurs, il doit désormais considérer que ses collaborateurs ont le potentiel pour s’auto-corriger

4-  Le manager-coach, un « intermittent » du coaching

Manager en mode coaching ne saurait être la panacée. La question est de savoir dans quelle situation il est approprié de prendre une posture de manager coach.

Par exemple :

. Vouloir aider un collaborateur en difficulté. Lui demander « Avez-vous pensé à une solution » au lieu de la lui amener (pas une « roue de secours »)

. Vouloir le responsabiliser, lui permettre de développer son potentiel « Je vous délègue cette activité » au lieu de le faire à sa place.

Mais aussi éviter de se positionner en manager-coach dans un contexte d’urgence, de danger, si des décisions rapides s’imposent ou si des consignes strictes doivent être suivies (aucune latitude pour une réflexion personnelle) ou si le besoin du collaborateur se limite à faire part d’une difficulté.

 

5-  Le « paradoxe du manager coach » : l’exemple de l’entretien professionnel annuel

 Certains managers-coachs n’hésitent pas à parler d’injonction paradoxale, de la difficulté par exemple à se situer dans les différentes missions relevant de son rôle de manager et les représentations associées par chacun (les implicites associés aux termes de “manager”, “hiérarchique”, “coach”…), la difficulté à accompagner les experts sans apporter sa solution.

 L’entretien professionnel est le point d’orgue de cette posture et pourtant ce dispositif ne manque pas de paradoxe !

Dans l’entretien, il s’agirait de « dire les choses sans casser le collaborateur », de « susciter l’autonomie tout en le contrôlant », à la fois évaluer et développer, améliorer la performance collective en fixant des objectifs individuels, transmettre l’information tout en la mettant sous contrôle.

Il serait malgré tout exagéré d’affirmer que les vertus du dialogue, d’une communication libre, ne peuvent exister de fait dans une relation de subordination.

In fine

 Un manager coach pense en termes de développement du potentiel de ses collaborateurs, adopter un état d'esprit ouvert (ce que Carol DWECK, professeure en psychologie sociale Université de Stanford appelle un « mindset » de croissance) mais il veille à ne pas dépasser certaines limites (ex : vie privée, difficultés psychologiques, ...),

Par ailleurs, le manager-coach est avant tout un manager qui sait reconnaître un individu pour ce qu’il est et pour ce qu’il sait faire : il est là pour le pousser vers le haut, il est un bon communicant. La fonction de coach lui paraît comme complémentaire et surtout logique.

« Manager coach », parler plutôt de style de leadership basé sur le coaching.

 Enfin, couramment, au lieu de s’interroger sur la manière de manager des cadres, des séances de coaching leur sont offertes.

Or souvent les managers n’ont pas systématiquement besoin de coachs pour régler ces problèmes, ils ont juste besoin d’assumer leur rôle de manager « Un chef, c’est fait pour cheffer » (J.Chirac) c’est-à-dire la nécessité pour le chef d’assumer pleinement sa fonction.

De plus la plupart du temps il reviendrait à la structure de repenser l’ensemble des pratiques en vue de développer une culture managériale interne fondée aussi sur l’humain et ce, afin de garantir la survie de l’organisation. 

Le défi ne serait-ce pas de passer d’un manager coach « marginal sécant » (cf. M. Crozier) à un manager tout court, intégrant la dimension humaine sans devoir l’afficher (comme pour se convaincre qu’il existe !) ?

 Dominique PARDOUX (Mme), Coach référente du CNC

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