Formation : la réforme a-t-elle un avenir ?

Formation : la réforme a-t-elle un avenir ?

En matière de réforme, de réglementations et décisions étatiques les pouvoirs publics pourraient encore s'inspirer d’Hippocrate et de son célèbre "en premier ne pas nuire"

Plus près de nous, Ray Dallio, le patron d'un des plus grands Hedge fund aux USA, déclarait récemment (à propos de la politique monétaire de la FED) "Les erreurs coûtent beaucoup plus cher que les gains des bonnes décisions".

Que peut comprendre un ancien très bon élève, une fois parvenu au sommet de l'Etat, à la vie et aux opportunités réelles de ceux qui n'ont pas eu son cursus éducatif ? (pour de bonnes ou de moins bonnes raisons)

Si les gilets jaunes ont manifesté et exprimé depuis 1 mois leur colère c'est à la fois pour gagner du "pouvoir d'achat" (essence, charges et impôts trop élevés) mais aussi pour dire qu'ils ont le sentiment de devenir étrangers dans leur propre pays, de ne plus être compris ni entendus par une technocratie qui décide de tout ce qui serait bon pour eux, qu'ils sentent leur pays déclassé, leurs villes et villages dévitalisés, leur système éducatif public dévasté (par l'incompétence et la démagogie) et leur avenir social largement bouché.

Au cours de l'été 2018 une irréelle et complexe réforme de la formation a été entreprise sans véritable conscience ou remède face aux blocages qui affectent depuis très longtemps notre pays (Cf le discours de Jacques Chaban Delmas en 1969 sur le thème de la société bloquée)

Alors que l''école ne fait globalement plus son travail (malgré les efforts et le talent du Ministre de l'éducation) la loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" pourrait naufrager une nouvelle fois les acteurs du travail et la formation

  • La "réforme" défait tout ce qui existait sans être capable de redessiner à quelques jours de 2019 un paysage désirable et acceptable pour les prochains mois (180 décrets et explications de textes que le ministère du travail publie au compte-goutte et d'une façon désordonnée)
  • La "réforme" démantèle tous les anciens dispositifs (le CPF en heures, le CIF, les Périodes de pro, l'apprentissage) sans accepter ni comprendre que c'est en s'appuyant sur ce qui marche qu'on peut changer les organisations comme les personnes (appreciative inquiry)
  • La "réforme" brise le système (imparfait) des OPCA pour reconstruire illico un système concurrent et aussi complexe que le précédent (avec pour base une mutualisation qui échoue depuis 50 ans) : les OPCO remplaceront des OPCA mais ne marcheront pas mieux
  • La "réforme" re-nationalise toute la formation (en 2014 on se méfiait des organismes de formation, en 2018 on ne défie des partenaires sociaux et des régions) sans apporter de solutions viables et accessibles pour administrer la machinerie éducative des travailleurs
  • La "réforme" prétend monétiser le Compte Personnel de Formation (CPF) sans expliquer comment il pourrait être utilisé et financé par plus de 3 à 4 % des salariés chaque année
  • La "réforme" confie à la Caisse des dépôts la mission impossible d'inventer une Application miracle pour former 33 millions d'actifs via leurs téléphones portables (chercher sa formation, s'inscrire, apprendre, évaluer puis payer ses apprentissages)
  • La "réforme" retire la plupart des moyens financiers et organisationnels pour former en entreprises pour les reverser dans un fantasmatique Plan Compétences (PIC) qui refuse de démarrer et qui remettra en selle sans doute bien peu de chômeurs

Puisque l'Etat est revenu sur certaines de ses décisions (mal évaluées) sur la transition énergétique ou la fiscalité, ne pourrait-il s'interroger sur les chances d'une réforme de la formation aussi mal engagée et organisée que celle de 2018 ?

Même si la formation est mieux élevée et plus discrète que nombre de Gilets jaunes, même si les conséquences d'une réforme mal engagée seront moins visibles que les (probables) ratés du prélèvement à la source, même si les organismes de formation ont l'habitude -depuis 2009- d'être instrumentalisés et maltraités, notre avenir économique et social mérite mieux que les actuels coups de bluff d'une réforme impensée et inorganisable.

Claude Patruno

Entrepreneur dans la formation

6 ans

Merci pour votre article : un réquisitoire contre la réforme.. mais peut-il seulement en être autrement ?

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